Article mis à jour le 15 août 2024 à 08:43
Dans le cadre du nouveau plan national loup, nous avons questionné la présence du loup dans les Pyrénées-Orientales. Comment cet animal à la fois protégé et prédateur pour l’élevage prend-il place sur le territoire catalan ? Échanges avec Didier Carponcin, sous-préfet de Prades et référent grands prédateurs pour les Pyrénées-Orientales, ainsi que Rémy Arsento, de l’antenne locale de l’Office français de la biodiversité.
Mi-septembre, le gouvernement présentait depuis Lyon son nouveau plan loup pour 2024 à 2029. Cette nouvelle doctrine est censée apporter une plus grande sécurité aux troupeaux face à la hausse du nombre de loups. Des mesures pour ménager à la fois les éleveurs et les défenseurs de la nature qui ne semblent satisfaire aucune des parties.
Qu’en est-il dans les Pyrénées-Orientales ? Le nombre de loups sur le territoire catalan a-t-il augmenté ? Quid du nombre d’attaques sur les troupeaux des éleveurs locaux ? Autant de questions auxquelles Didier Carponcin et Rémy Arsento ont répondu rappelant au passage le rôle et le mode de fonctionnement du comité départemental loup.
Le nombre de loups en France a-t-il atteint son seuil de sauvetage ?
Selon le comptage officiel de 2023, il y aurait 1.104 loups en France installés sur 55 départements dont les Pyrénées-Orientales. Selon le communiqué de presse de la préfecture Auvergne-Rhône-Alpes, depuis 1990, les plans de sauvegarde du loup en France auraient permis d’atteindre «le seuil démographique de sauvetage de l’espèce.» En clair, le nombre d’individus permettrait de préserver l’espèce. Désormais officiellement sorti du risque d’extinction, le loup menacerait le pastoralisme. Dès le 1er janvier 2024, ce nouveau programme ouvrira la possibilité d’abattre 209 loups, soit 19% de la population estimée.
La situation se mesure estive par estive, et non sur l’ensemble des 55 départements où la présence du loup est continue. Selon Rémy Arsento, dans le cas où il n’y aurait aucune solution de protection des troupeaux sur une estive particulière, le préfet pourrait autoriser les tirs sur les loups. Dans les Pyrénées-Orientales, le sous-préfet nous confirme qu’il n’a jamais été nécessaire d’en arriver à autoriser les tirs sur le loup.
Environ quatre loups repérés dans les Pyrénées-Orientales
Selon l’Office national de la biodiversité, à la sortie de l’hiver 2022-2023, les traces et indices collectés ont révélé la présence permanente de deux à quatre loups dans le département. Ces individus isolés ont comme territoire : le Capcir, le Canigou, le Puigmal, les Madres et le massif des Albères.
Dans le département, pas de meute de loups. Mais des individus isolés qui parfois se croisent comme en 2020/2021 où la présence de deux mâles a été révélée sur le Carlit. «Aujourd’hui sur cette zone, génétiquement, on ne retrouve plus qu’un seul loup. Tous ceux dont on a pu analyser l’ADN via des crottes ou des poils sont des mâles. Ce qui est cohérent avec les schémas de dynamique de population des loups. Les jeunes mâles vont toujours beaucoup plus loin que les femelles», précise Rémy Arsento.
Quid de l’évolution du loup dans les Pyrénées-Orientales ? Selon l’Office de la biodiversité des Pyrénées-Orientales, le loup est historiquement présent depuis une vingtaine d’années. Les analyses ont révélé que les individus sont toujours des mâles isolés chacun dans sa propre zone. Pour le moment, aucun indice ne laisse penser qu’il y ait une quelconque évolution de la situation, tant sur le plan du nombre que sur le territoire.
Combien d’attaques de loup dans les Pyrénées-Orientales ?
Moutons et autres ovins font partie du régime alimentaire du loup. Or, notre département ne compte que 12 à 13.000 têtes d’ovins précise le sous-préfet de Prades. Bien loin du Lot ou de la Lozère. C’est d’ailleurs dans ce département que les éleveurs manifesteront le 30 septembre 2023, mécontents du nouveau plan loup. Compte tenu de la structuration de notre agriculture, peu développée dans l’élevage ovin, le loup a peu de proies potentielles ce qui explique en partie le faible nombre de constat d’attaques dans les Pyrénées-Orientales.
Les derniers chiffres, stables depuis plusieurs années, font état de 15 constats d’attaques confirme le sous-préfet. «On est loin de certains constats dans le Sud-Est ou pour un constat, il y a plusieurs dizaines de bêtes. Dans les Pyrénées-Orientales, quand on se déplace c’est pour une ou deux bêtes.» précise Rémy Arsento.
«Nous avons des indices de prédation sur des isards, sur des cervidés, parce que c’est un gros animal et que le loup ne le mange pas en entier. Mais il peut aussi manger des petits mammifères ou des oiseaux. Et là, il ne reste plus de traces. Le loup est un animal très mobile. S’il est seul, il peut faire jusqu’à 50 km par jour. Il est également très opportuniste, s’il croise du gibier, il va s’y attaquer, mais s’il croise un troupeau, il attaquera un mouton.»
L’arrondissement de Prades découpé en trois zones selon la proximité du loup
Le sous-préfet de Prades tient à préciser le rôle des politiques publiques et plus précisément celle du plan loup. «Notre rôle est de parler à toutes les parties. Nous devons à la fois protéger cette espèce, mais aussi préserver les activités de pastoralisme. Et ce n’est pas toujours compatible, nous devons donc donner les moyens de prévenir et de protéger des attaques.»
Le comité départemental loup se réunit deux fois par an. L’occasion pour les services de l’État, les associations de défense de la nature, la chambre d’agriculture et les représentants du monde pastoral de faire le point sur la population lupine des Pyrénées-Orientales, les constats d’attaques et les mesures de protection nécessaires.
Afin d’agir de la manière la plus efficace, le département – et particulièrement l’arrondissement de Prades – est découpé en trois cercles selon les risques de prédation. Ainsi plus le risque d’attaque du loup est grand, plus l’enveloppe pour protéger les estives sera élevée. En clair, un éleveur à Llo, Dorres ou Angoustrine, peut prétendre à une aide supérieure de l’État par rapport à celui de Prats-de-Mollo ou Mosset.
L’indemnisation conditionnée à la mise en place de protection
Il existe plusieurs types de protection, le gardiennage via un berger, un chien de protection, ou l’enclos électrifié. «Lors du comité, nous étudions les financements des mesures de protection, financement de poste de bergers pour le cercle 1, grilles de protection ou patous*.» Il y a aussi les diagnostics de vulnérabilité insiste Didier Carponcin. «Certaines estives peuvent ne pas être protégeables. Les brebis laitières sont faciles à regrouper, mais les ovins à viande peuvent parcourir plusieurs kilomètres et aller dans des lieux impossibles d’accès. Dans ce cas, il y a un constat d’impossibilité de protéger.»
Ces diagnostics sont aussi opposables aux éleveurs. En clair, si le diagnostic détermine un certain nombre de mesures, en cas d’attaques, le remboursement des bêtes tuées est conditionné à la mise en œuvre desdites mesures. En 2023, l’indemnisation d’un animal mort des suites d’une attaque du loup est en moyenne de 340€.
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