Originaire de Perpignan, Chloé participe à un projet d‘implantation de « bio-habitats » pour poulpes et langoustes, à Madagascar. L’association Vahatra mène des projets de restauration écologique sur la forêt, la mangrove et les lagons, tout en prenant en compte les communautés locales et leurs besoins. Photos d’illustration © Chloé Nouhaillaguet.
Âgée de 23 ans, Chloé suit actuellement un master fonctionnement et gestion des écosystèmes marins à l’Université de Lille. « Je fais de la plongée-sous-marine depuis l’âge de 10 ans », nous explique la jeune femme, qui passera bientôt son diplôme universitaire de plongée scientifique en environnement marin. Cet univers passionne Chloé depuis l’enfance. « Pour moi, il est très important de préserver ces écosystèmes méconnus et sous-estimés. »
Des bio-habitats pour poulpes implantés à Madagascar
Le poulpe est un mollusque qui fait partie de la famille des Octopodidae. Cet animal carnivore possède huit bras et vit dans ce que l’on appelle des tanières. À l’état naturel, on retrouve ces cavités creusées dans les récifs coralliens ou dans les rochers. « Le poulpe se nourrit de crustacés et autres mollusques à coquilles, ainsi que de petits poissons », nous décrit Chloé. Si on retrouve l’octopode principalement entre 0 et 10 mètres sous la surface, les femelles pondent en plus grande profondeur, à partir de 45 mètres.
En quête d’un stage de fin d’études, Chloé souhaitait « partir à l’aventure » dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Le projet porté par l’association Vahatra l’a tout de suite séduite. Aux côtés d’une autre étudiante, elles ont travaillé sur l’implantation des bio-habitats. « Je me suis concentrée sur la partie des poulpes et l’état des récifs coralliens », précise Chloé. « Ma collègue a travaillé sur les langoustes et le suivi des herbiers. » À noter qu’un technicien et interprète les a accompagnées tout au long de ce projet.
Les bio-habitats sont des habitats artificiels. « Le but, c’est de poser des maisons là où il n’y en a pas », nous explique Chloé. En effet, il est difficile pour un poulpe de se cacher dans les herbiers ou dans le sable. Si ces petites maisons reproduisent leur habitat naturel, elles ont aussi pour fonction d’attirer plus de poissons. « Dans la zone étudiée, les hommes pêchent à bord de pirogues avec des filets ou pratiquent la pêche à ligne. Ils plongent aussi avec des fusils. Les femmes, elles, pratiquent la pêche à pied, avec des moustiquaires ou des harpons », nous apprend Chloé.
Si les pêcheurs consomment une partie de leurs prises, ils vendent le reste à des intermédiaires qui exportent les produits. « En fonction de la demande, ils vont plus ou moins pêcher en grande quantité. Le problème qui se pose, c’est qu’ils attrapent de plus en plus de petits poulpes qui n’ont pas le temps de se reproduire et qui n’ont pas vraiment de valeur économique », relève Chloé. Le projet a donc un double objectif : poser des bio-habitats et instaurer des règles de gestion pour une pêche plus durable.
À noter que les bio-habitats pourraient être construits à base de pots en terre cuite. « Ils ont une forme et une taille particulières, adaptées à l’espèce visée », assure Chloé. Si cette technique est utilisée depuis l’antiquité par les pêcheurs, c’est aussi un moyen de repeupler la zone en attirant les poulpes.
Une expérimentation locale dans trois villages
Trois villages autour d’Analalava ont été sélectionnés pour implanter ces bio-habitats. « On ne peut pas les poser sur des zones trop profondes, idem si le courant est trop fort. Nous veillons également à ce qu’il y ait des herbiers à proximité pour qu’ils puissent se nourrir », souligne Chloé. Les scientifiques se sont aussi basées sur l’activité des pêcheurs et leur connaissance du terrain. Plusieurs missions ont déjà été menées aux villages d’Antangerina et Ampasipility. Là-bas, les villageois vivent principalement de la pêche aux poulpes, à la langouste et aux poissons.
Le dernier village où les bio-habitats seront posés se nomme Antetikreja. « Nous avons travaillé sur une petite baie bordée par deux hôtels de luxe. Les habitants travaillent majoritairement dans le secteur agricole ou touristique. » D’après Chloé, de nombreux touristes fortunés viennent y séjourner et pêcher.
Chaque jour, Chloé plonge en apnée. Au quotidien, elle surveille l’état de santé des récifs coralliens, en suivant le protocole de Reef Check. « Nous posons une corde au fond de l’eau, qui nous permet de suivre une ligne sur 100 mètres », précise la jeune femme. Immergée entre 1, 50 et 8 mètres de profondeur, la scientifique procède ensuite au comptage des poissons. Cette manœuvre permet de faire un état des lieux du site avant la mise en place de l’habitat.
« Il y a un besoin énorme, tous les récifs sont en train de mourir »
Dans un deuxième temps, des ateliers participatifs ont été menés auprès des pêcheurs, afin de caractériser la pêche aux poulpes dans ces zones. « Nous leur avons demandé de dessiner leur environnement, leur perception du lagon et les différentes zones de pêche », nous explique la jeune femme. « Nous sommes là pour les aider et non pour leur imposer des choses. »
D’après Chloé, les pratiques de pêche sont souvent destructrices de l’environnement et causent la diminution des stocks de poissons, des poulpes et des organismes marins. Une fois les bio-habitats installés, l’objectif à terme est de faire un suivi annuel des récifs et des herbiers. Ce qui permettra aux scientifiques de se rendre compte de leur impact sur le milieu.
Si seuls les petits poissons demeurent aujourd’hui, ces derniers ont un rôle écologique. Ils nettoient les coraux et aident à réguler la croissance des algues. Le fait qu’ils soient pêchés a un impact direct sur la santé des coraux. Pour rappel, un récif corallien met des millions d’années à se développer. « Cette expérience m’a confortée dans l’idée qu’il est essentiel de protéger les océans. Il y a un besoin énorme, tous les récifs sont en train de mourir. » En cause, le réchauffement climatique et la surpêche.
À gauche, récif corallien couvert par les algues, à droite, coraux en bonne santé.
« Les connexions se créent aussi par des sourires »
« C’est un projet qui va être mené sur plusieurs années et qui demande beaucoup de temps », conclut Chloé. Autre difficulté, la recherche de financements. Un rapport sera envoyé d’ici peu aux autorités compétentes, afin d’obtenir les autorisations nécessaires pour installer les bio-habitats.
Pour la jeune femme, cette expérience restera inoubliable. « Malgré la barrière de la langue, j’ai noué des liens très forts avec ces communautés. Les connexions se créent aussi par des sourires. » Prochainement, Chloé devrait poursuivre le travail entamé auprès des populations locales, cette fois-ci en tant que bénévole de l’association.
Made In Perpignan est un média local, sans publicité, appartenant à ses journalistes. Chaque jour, nous enquêtons, vérifions et racontons les réalités sociales, économiques et environnementales des Pyrénées-Orientales.
Cette information locale a un coût. Et pour qu’elle reste accessible à toutes et tous, sans barrière ni influence, nous avons besoin de votre soutien. Faire un don, c’est permettre à une presse libre de continuer à exister, ici, sur notre territoire.
- Originaire de Perpignan, cette scientifique aide à créer des « bio-habitats » pour la faune marine de Madagascar - 27 juillet 2025
- Perpignan : À 46 ans, ce père de famille obtient le diplôme national du brevet aux côtés de sa fille - 21 juillet 2025
- Déchets collectés dans les Pyrénées-Orientales, le Sydetom 66 dresse le bilan - 21 juillet 2025