fbpx
Aller au contenu

Pyrénées-Orientales : ces minimaisons, un remède à l’urbanisation ?

Article mis à jour le 17 avril 2024 à 12:10

Dans les Pyrénées-Orientales, les tiny houses, aussi petites qu’elles soient, ne passent pas inaperçues. Pour les propriétaires, elles sont une solution écologique et économique. Pour d’autres, ce sont de simples cabanes. Aujourd’hui, ces « maisons minuscules » font face à plusieurs obstacles. Rencontre avec Alexandra, à la tête de Made In Tiny, à Perpignan. Photo © Wikimedia Commons / Albert 13377.

Transition écologique, crise du logement, zéro artificialisation nette, alors que les besoins sociaux et environnementaux se multiplient, l’habitat léger peine à trouver sa place. En 2021, la France comptait 3,1 millions de logements vacants. Pourtant, selon la Fondation Abbé Pierre, en 2022, 2,4 millions de ménages attendaient un logement social.

Si à l’été 2023, le gouvernement annonçait un nouveau plan pour répondre à la crise du logement, des idées venues d’ailleurs commençaient déjà à séduire les Français. À Perpignan, depuis six ans, la galerie d’art d’Alexandra sert aussi de bureau d’études pour la conception de tiny house.

La tiny house allie le sur-mesure et le respect de l’environnement

La tiny house, littéralement « maison minuscule » en anglais, n’est pas une habitation comme les autres. Mobile et surélevée dans les airs, elle est fabriquée à l’aide d’une ossature bois et dotée d’une isolation performante pour limiter au maximum la consommation énergétique.

Accompagnée d’un ébéniste et d’un architecte, Alexandra guide sa clientèle dans la réalisation de plans 3D. Mais si d’aspect, ces petits logements semblent simples à concevoir, une nomenclature précise leur est attachée. Répartition des charges, poids inférieur à 3,5 tonnes et terrain privé pour les poser, la construction de ces micromaisons sur roues reste particulièrement réglementée.

Pourtant, ces maisons alternatives s’inscrivent dans un esprit de transition écologique. Pour fonctionner en parfaite autonomie, l’installation de systèmes photovoltaïques et de récupération d’eau est nécessaire. Alexandra se montre fière d’utiliser des matériaux français et respectueux de l’environnement.

« Nous utilisons des super isolants et tous nos matériaux sont naturels. C’est une éthique que nous nous sommes imposée. Sur les fenêtres par exemple on est sur de l’aluminium tandis que d’autres sont sur du PVC », nous confie la cheffe d’entreprise.

Une révolution intérieure, « adoptez la philosophie Tiny »

Selon Alexandra, en France, « les gens sont très portés sur la consommation et la pierre ». Pour le sociologue Jean Viard, spécialisé dans la question de l’urbanisme, « 70% des Français vivent dans des maisons individuelles, le plus souvent avec jardin, dans des zones rurales ou semi-rurales ». Dans l’imaginaire collectif, vivre dans une maison individuelle aux volets bleus est un idéal de vie. Loin des quartiers pavillonnaires à l’esthétique encadrée, la tiny house bouscule les mentalités.

Mais pour Alexandra, la vie en tiny est un bon moyen de revenir à une « sobriété heureuse ». « C’est comme vivre sur un bateau ! », s’enthousiasme la quinquagénaire. Des clients lui ont, en effet, avoué que ce mode d’habitat avait eu un effet positif sur leurs interactions sociales.

Pyrénées-Orientales 2023 : Réalisation d’une tiny house par Alexandra et son entreprise Made In Tiny

Liberté… Liberté chérie

Peu de ménage, un nombre de biens limités, Morgane, propriétaire d’une tiny house, partage son expérience. Mère de trois enfants, son ambition a d’abord été de réduire son empreinte écologique. « J’avais aussi envie de vivre plus en extérieur et pouvoir voyager. Avec la tiny, il y a cette liberté de déménager plus facilement », avoue Morgane. Économiquement la famille s’y retrouve également.

« C’est une petite maison écologique, confortable et optimisée » qui demande, néanmoins, organisation et rangement… surtout à cinq. « On est passé d’un mode de vie classique à un mode de vie minimaliste. Comme il y a moins de place, on a, par exemple, fait un grand tri dans les robots ménagers. Nous sommes revenus à des objets moins spacieux et plus essentiels », affirme la mère de famille.

Si Morgane possédait déjà un terrain familial pour installer sa tiny, la construction de cette dernière a été plus laborieuse. « On nous a délivré un permis de construire, mais le projet a été rejeté plusieurs fois. Pour être accepté, petit à petit, on a dû monter un dossier qui colle aux normes. »

En effet, derrière l’implantation de ces habitats alternatifs se cache une réalité plus complexe. Blocages culturels ou vide juridique planent comme une ombre, au-dessus de ces petites maisons.

Une chasse à la cabanisation dans les Pyrénées-Orientales

En 2023, dans les Pyrénées-Orientales, cinq constructions ont été rasées sur demande des autorités, aux frais de leurs propriétaires. Drone, délation, astreinte administrative ou encore démolition d’office, nombreux sont les procédés mis en place par la Préfecture. Son objectif ? Freiner la prolifération « d’occupations illégales », en clair, construites sans permis valide.

Un projet de charte contre la cabanisation devrait voir le jour en 2024 témoignant d’un combat, sans fin, dans le département. Parmi les raisons avancées par Alexandra, idées reçues, vide juridique et absence de taxe, gravitent autour de l’habitat léger.

En effet, pour Alexandra, il n’y a pas de doute : l’implantation des tiny dépend seulement de la vision des politiques et surtout des maires, sur ce type d’habitat. « Formellement, ces derniers ne peuvent rien faire, tout dépend du préfet. Si on reprend les termes des autorités, « un hippie » n’a pas 80 000 balles à balancer alors que celui qui fait construire sa tiny, si », affirme-t-elle.

Pour l’heure, seule la loi ALUR de 2014 encadre et reconnaît ce mode d’habitat. Avec elle, les tiny houses deviennent des habitations, alors soumises au code de l’urbanisme. Leur statut varie ensuite en fonction de plusieurs critères : le type d’usage (résidence principale, touristique), la forme ou encore le poids.

En attendant, Alexandra reste réaliste. Se considérant comme trop avant-gardiste, le développement de son activité semble compromis. Pour faire tourner la machine, il faut suivre financièrement. Malheureusement, l’ambitieuse cheffe d’entreprise se sent délaissée par les pouvoirs publics.

Histoire de ces drôles de maisonnettes

Dès le XIXe siècle, philosophes et écrivains s’essayent à un mode de vie plus simple en habitant les premières tiny houses, encore loin des prototypes d’aujourd’hui. Aux États-Unis, face à la démesure des maisons, c’est l’avènement du small house movement. Les Américains veulent passer de grandes surfaces habitables à un logement plus modeste.

En 2005, suite à l’ouragan Katrina, la construction de tiny house prend son envol. Les victimes devant être relogées rapidement, ce type d’habitat apparaît comme la solution idéale. Trois ans après, la crise des Subprimes éclate aux États-Unis. À nouveau, ces minimaisons servent aux milliers d’Américains expropriés.

En France, l’entreprise Baluchon, implantée à Nantes, se dresse parmi les précurseurs de la tiny house. C’est en 2016 que Baluchon voit le jour et propose la construction de ces petites maisons partout dans l’hexagone. Mais les occasions de construire sa minimaison diffèrent selon les régions. « La Bretagne est l’endroit en France où il y a le plus de tiny et de constructeurs. De manière générale, tout dépend des partis politiques des régions. À titre d’exemple, la commune de Plessé en Loire-Atlantique est même à l’initiative de projet de village de tiny », nous confie Laëtitia salariée chez Baluchon.

Pour les soucieux de l’environnement, ce mouvement architectural et social semble être une aubaine. Mais les Français sont-ils prêts à accueillir ce nouveau mode de vie ? Face au manque de volonté politique et à l’émergence de cette pratique, une question demeure : est-il possible de construire petit et voir grand ?

Participez au choix des thèmes sur Made In Perpignan

Envie de lire d'autres articles de ce genre ?

Comme vous avez apprécié cet article ...

Partagez le avec vos connaissances

Alix Wilkie