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Besoin d’esprit critique ? Cette association des Pyrénées-Orientales lutte contre la désinformation

FASD Zet 66

Les fake news et les pseudosciences nourrissent notre quotidien avec des réseaux sociaux et de véritables médias à intox. Dans les Pyrénées-Orientales, l’unique association de « zététique », FASD Zet 66, nous arme contre les croyances. Elle est aussi à l’origine du tout premier salon du bien-être « SAFE » de France, à savoir Sans Aucune Forme d’Esotérisme.

Face à la désinformation et au conspirationnisme, l’esprit critique est vu comme un bouclier. La zététique, à l’origine une méthode pour débunker le paranormal, est devenue synonyme d’approche scientifique.

L’association FASD Zet 66 organise des ateliers dans des collèges et lycées, ou encore pour les Cadets de la Défense, les Points Information Jeunesse etc. Les intervenants sensibilisent aux arguments fallacieux et aux biais cognitifs à base de petits jeux.

« J’ai un frère qui est tombé là-dedans » explique Stéphane Cornille, formateur au Greta de Perpignan. « Pendant le Covid, il dirigeait un groupe de gilets jaunes et ils sont partis tous azimuts dans la désinformation, notamment d’extrême droite. »

Cyril Gambari cherche à révéler la réalité de l’agriculture « biodynamique »

Ces groupes diffusaient des conspirations antivaccins. C’est l’impulsion pour Stéphane Cornille, qui ajoute alors à son club de self-défense FASD une branche pour la défense intellectuelle. C’est la naissance de « FASD Zet 66 ». Stéphane Cornille sera également soutenu par une diététicienne et bientôt rejoint par Cyril Gambari, biologiste et enseignant au lycée agricole de Rivesaltes.

« J’ai une thèse en microbiologie » explique Cyril Gambari, qui a réalisé un road-trip en France pour enquêter sur la biodynamie. Il s’agit d’une pratique agricole fondée sur l’occultisme et la magie mais qui entretient la confusion avec un label bio. Cyril Gambari dévoile alors une porosité entre les milieux antivax, New Age et la biodynamie.

« Sur les réseaux, c’est l’extrême droite qui a le plus gagné le terrain de la désinformation »

« Au lycée, dans le cours sur la vaccination, le discours antivax revient à chaque fois. » Il découvre que plusieurs élèves ont été poussés par leur famille à faire des faux documents pour ne pas être vaccinés. « On aussi une gamine qui n’avait pas 18 ans et voulait se faire vacciner, mais sa mère le lui a interdit. »

Cyril et Stéphane, dans leurs cours respectifs, luttent contre le poids des réseaux sociaux. « Sur les réseaux, ceux qui ont le plus gagné le terrain de la désinformation, c’est l’extrême droite ». Des intox diffusées hier sur des médias orientés, et par porosité aujourd’hui sur TikTok. « Comme Youtube a été autrefois l’apanage des documenteurs, aujourd’hui c’est TikTok. » Autre inquiétude, l’entrisme au niveau de la santé dans l’Union Européenne, avec des pseudosciences qui essaient de se faire ouvrir la porte. « C’est une pure catastrophe. »

Mobiliser son système 2, plus analytique, plutôt que le système 1, plus intuitif

« Je pense qu’il serait très important, et même urgent, d’expliquer aux enfants dès le plus jeune âge comment fonctionne le cerveau et quelles sont les erreurs qu’il fait. »

Pour Stéphane Cornille il s’agit entre autres d’expliquer nos deux systèmes de pensées. Le système 1, une réponse réflexe sans réflexion, qui pousse à l’erreur, et le système 2, analytique. Ainsi un calcul mental qui a l’air enfantin amène à 99 % d’erreurs si on répond rapidement. (NDLR : la rédaction s’est faite avoir aussi !).

« Regardez la vidéo du migrant qui tape une infirmière » rappelle Stéphane Cornille. « Avec le système 1 rattaché aux émotions, les gens éprouvent un malaise. Ils aiment les infirmières, ils sont en colère, ils partagent. Si on sollicite le système 2, on se demande d’abord si c’est vrai et on découvre que la vidéo ne concerne pas un migrant mais il s’agit d’un alcoolique filmé en Russie. »

Attention sélective, biais de confirmation, biais du survivant, effet contextuel, méthode de recherche sur internet… L’association cherche à donner du recul sur nos propres dérives. « Aux Etats-Unis des universités ont des cours de débat contradictoire, ils apprennent à argumenter. » La France en aurait peut-être besoin.

En juin 2025 à Fitou, le premier salon du bien-être de France sans ésotérisme

Mais le tour de force de FASD Zet 66 est sans doute d’avoir impulsé en 2025, à Fitou, le tout premier salon du bien-être « SAFE » de France, à savoir « Sans Aucune Forme d’Esotérisme ». Tout commence quand Stéphane entend à la radio une promotion du salon de Fitou évoquant la « science ancestrale du Feng Shui » et d’autres affirmations du même acabit. Gêné par l’utilisation du mot « science » il contacte alors l’animatrice Pascaline Fisk qui se trouve également être dans l’organisation du salon. Et peu à peu il lui fait prendre conscience de la présence d’intervenants proches des dérives sectaires – certains suivis par la MIVILUDES – et des thèses New Age diffusées, autour de fédérations galactiques invisibles ou encore des fameux « enfants indigo », en passant par la lithothérapie.

« Avant on parlait de salons d’occultisme et d’ésotérisme. Peu à peu ils ont gangrené les salons du bien-être, qui sont devenus des salons de la magie, mais ce n’est pas affiché. »

L’association propose alors une charte pour ne laisser que des intervenants qui se conforment aux domaines du rationnel et de la science. En juin 2025, la première édition du salon du bien-être « SAFE » a perdu ainsi près de la moitié de ses stands. Ceux qui sont restés se disent néanmoins ravis de ne plus côtoyer l’ésotérisme qu’ils trouvaient bizarre. Pas simple en revanche de séduire le grand public avec la formule encore méconnue. L’association espère que la charte sera appliquée par d’autres salons en France. « On est déjà sollicités par plusieurs personnes, notamment un élu qui voudrait faire ça dans sa commune. »

Il reste du chemin à parcourir pour invoquer les esprits… critiques.

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