Article mis à jour le 25 août 2022 à 18:57
Journaliste, écrivain, comédienne, enseignante, Hélène Legrais ne se ménage pas pour exprimer tous ses talents, se posant parfois même en défenseur de l’identité nord-catalane. Celle qui est la parfaite combinaison de deux cultures fortes, bretonne par son père et catalane par sa mère a fait du département son terrain de jeu littéraire. Théâtre de ses prises de positions, parfois personnage de roman, le pays catalan est devenu, pour cette récipiendaire du Prix Méditerranée, une passion qu’elle nourrit chaque jour. À l’occasion de son dernier roman, « Trois gouttes de sang grenat » (Editions Calmann Levy), la belle Hélène nous a accordé quelques instants pour une interview. On a pu évoquer son travail au sein du DU de photojournalisme, mais aussi celui avec les enfants du collège Jean Moulin ou encore sa collaboration avec l’association « Des voix, des mots » dans le succès théâtral de Robert Thomas, « Huit Femmes ».
♦ Le Pays Catalan une passion à vivre au quotidien
« Je suis et française et catalane et je ne choisirai pas entre les deux. On ne choisit pas entre son père et sa mère. J’ai autant d’ancêtres catalans que français et je ne vois pas pourquoi je devrai choisir. Je suis fière d’être du pays de Voltaire et d’Hugo et du peuple qui a donné au monde Ramon LLull. Oui, j’écris en français ! Car mon but est de faire découvrir le pays catalan et je m’adresse bien évidement pas aux catalans mais à tous les autres. Même si je me débrouille en catalan, je ne connais pas assez les nuances de la langue pour écrire un bouquin de 300 pages. Il faut être un écrivain dans la langue car si c’est pour traduire, ce n’est pas la peine »
♦ « Trois gouttes de sang grenat », la petite et la grande mort intimement liées
« Avec mon dernier roman, je voulais travailler sur le grenat (pierre semi-précieuse travaillée par l’industrie joailliere du Roussillon dès le moyen âge). Je trouve que c’est assez peu connu, et par ailleurs que les bijoux sont des objets plein de sensualité. Ils se posent sur la peau, prennent la chaleur du corps et s’insinue dans le décolleté. Donc, je voulais faire une intrigue sensuelle, en fait c’est une intrigue psychologique. Mon personnage est spectateur et en devenant voyeur, il agit sur sa vie. Les scènes de sexe et de meurtre sont les ressorts qui vont le faire évoluer. J’ai choisi les éléments les plus forts qui existent dans la vie, le sexe et la mort ! N’appelle-t-on pas la jouissance la petite mort !
Le moment où tout bascule dans le roman :
« C’est alors qu’il perçut un bruit, des murmures qui semblaient provenir du mur même (….) Paupières fermées, Auguste se laissa guider par le son. Il venait de plus bas. À la hauteur de son nombril. Tâtant le battant, il se baissa. Deux des lattes étaient disjointes ; un éclat de bois avait sauté. Un léger courant d’air parcourait sa paume. Il s’accroupi et colla son oeil au trou qu’il sentait sous ses doigts.
Il faisait clair de l’autre côté. Le soleil semblait entrer à flots. Son champ de vision était très réduit. Il apercevait du tissus froissé. Un mouvement. Une jambe gainée de noir coula au milieu du blanc. Une chambre ? Il n’aurait pas dû regarder mais … Il retint son souffle. La jambe roula sur le drap. Au-dessus de la jarretière, la peau était très pâle. Les cuisses s’ouvrirent, dévoilant une toison brune et luisante. Humide. Juste l’espace d’une seconde. Une ombre s’interposa. Le pan d’une chemise flottant sur un dos musculeux. Les mains carrées de l’homme agrippèrent les hanches grasses pour les attirer vers lui et d’un coup de reins, il s’enfonça en elles.
Auguste eut un violent haut-le-corps qui lui fit perdre l’équilibre et s’écrouler sur le paravent chinois »
♦ Une femme aux multiples masques
« J’ai besoin de tout faire, j’ai horreur des portes qui se ferment. Il faut qu’elles soient toutes ouvertes et que j’aille mettre mon nez derrière chacune d’entre elles. Mon cerveau fonctionne comme ça, je fais plusieurs choses en même temps, plusieurs conversations à la fois, sinon je m’ennuie. Mon esprit a besoin d’être sollicité en permanence. J’ai besoin de faire, de créer, de rencontrer ces gens, de me nourrir de ces gens, de leur donner mais de prendre aussi car sinon je m’étiole. Je suis beaucoup en contact avec des jeunes car je travaille en milieu scolaire et avec des moins jeunes. Je fais des conférences et c’est souvent des retraités qui sont là. Je m’adresse à des publics très différents et si je devais choisir entre eux, ils me manqueraient »
♦ La fin d’Hélène Legrais journaliste ?
« J’ai envie de dire « journaliste un jour, journaliste toujours ». Je suis toujours journaliste dans ma tête et, aujourd’hui, les réseaux sociaux me permettent d’être en relation avec mes anciens collègues et amis et surtout de commenter l’actualité. Mais il est vrai, je ne traite plus l’information à chaud, même si j’estime que quand je parle du patrimoine, je le fais avec une vision de journaliste. C’est pour cela que je traite des sujets qui crèvent les yeux de tous mais que personne n’avait traités auparavant. (La Transbordeuse d’oranges, aux Presses de la Cité, en 2005 évoque la grève des transbordeuses d’oranges de 1906 à Cerbère. Ces femmes sont connues pour avoir organisé la première grève féminine en France)…« Pourquoi personne n’en avait parlé avant moi ? C’est peut-être parce que je suis toujours journaliste dans ma façon de travailler que quand je suis tombée là-dessus je me suis dit : »attend là il y a un truc ! »
♦ Le Diplôme Universitaire Phothojournalisme Communication et Images Aériennes
Le DUPCIA est né d’une volonté commune entre l’université de Perpignan et le festival international de photojournalisme Visa pour l’Image. 180 heures de cours sur le principe du « Learning by Doing » rappelait Thierry Gobert son responsable. Hélène Legrais y est la référence en journalisme, elle a aussi participé à la mise en place du DU. « C’est la journaliste et non la romancière, que Fabrice Lorente (Président de l’université) est venu trouver pour contribuer à l’essor du DU. Cela faisait dix ans qu’ils essayaient d’ouvrir le DU sans succès. Jean-François Leroy (créateur du festival de photojournalisme) avait toujours refusé jusque là. C’est notamment parce que je lui ai parlé en tant que journaliste que les choses se sont débloquées ».
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