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Jérôme Capdevielle, l’homme qui a murmuré à l’oreille de Jean Castex

Manifestation grève Retraites 10 décembre syndicats réforme

Article mis à jour le 6 juin 2023 à 08:57

Les assises de l’emploi dans un des départements les plus touchés par le chômage ; voilà l’idée que Jérôme Capdevielle est allé porter sous les dorures de l’hôtel de Matignon. Jean Castex, ancien maire de Prades devenu Premier Ministre, a reçu le représentant de  Force Ouvrière, qui est aussi président de la Caisse d’Allocation Familiales des Pyrénées-Orientales. Un poste dans lequel il constate la précarité d’un département dont le nombre d’allocataires augmente inexorablement. Objectif de la rencontre « travailler dans le sens d’un agenda social départemental orienté vers la relance et l’emploi ».

♦ Une feuille de route signée par syndicats de salariés et de patrons

Au tout début du mois de février, un grand nombre de syndicats de patrons et de salariés ont, une fois n’est pas coutume, signé un courrier commun remis au Préfet. De l’Union pour les Entreprises, à la CFDT, en passant par Force Ouvrière, tous* réclament la tenue « des Assises de l’emploi et de la relance dans notre département ». Jérôme Capdevielle avait déjà proposé cette initiative à Muriel Pénicaud et Sibeth Ndiaye. En janvier 2020, la ministre de l’Emploi et la porte-parole du gouvernement du moment étaient alors en tournée pour défendre la réforme des retraites.

Au-delà de ces assises, le représentant syndical a également porté des demandes concrètes issues des négociations avec les 10 organisations* signataires de ce premier courrier. « Objectif : être force de propositions concrètes pour aller au-delà du plan de relance gouvernemental et du contrat de plan état région … En toute liberté et en toute indépendance ». Le plan était de porter ces revendications au plus haut sommet de l’Etat.

C’est chose faite, Jérôme Capdevielle a rencontré le Premier Ministre, Jean Castex, ce 9 mars. Il s’est entretenu avec l’ancien maire de Prades durant une vingtaine de minutes et durant 1h30 avec le cabinet du chef du gouvernement.

♦ « Je ne suis pas adepte des grand-messes ; mais une visioconférence à 50, c’est encore pire »

Sur la forme, le syndicaliste, ne semble pas être satisfait par la proposition faite par Jean Castex. « Nous devons à nouveau échanger sur ce point. Car il m’a parlé du comité France Relance. Mais si c’est pour se connecter à 50 en visio, ce n’est pas ma tasse de thé ». D’ailleurs, Jérôme Capdevielle n’exclut pas d’organiser ces assises avec d’autres organisations syndicales. « Nous devons avancer sur des propositions concrètes ».

Même si certains accusent les syndicats de sortir de leur rôle contestataire : « Nous nous sommes là pour apporter un éclairage et des propositions concrètes. Pour que les salariés privés d’emploi dans le département puissent avoir un horizon dégagé. En aucun cas nous ne voulons nous substituer à l’État, la Région, ou aux collectivités qui portent les dispositifs sur l’emploi ! ». 

Quant au rôle de contestation du syndicat, Jérôme Capdevielle rétorque. « Si nous devons contester, nous continuerons de le faire. Mais on ne peut pas attendre que ça tombe en continuant à faire des tours de la ville sous notre gros ballon rouge ! Notre rôle est aussi de faire des propositions concrètes et innovantes ». 

Manifestation grève Retraites 10 décembre 2019
Manifestation grève Retraites 10 décembre 2019

♦ Une dizaine de propositions sur le bureau de Jean Castex

Pour Jérôme Capdevielle, « c’est comme quelqu’un t’annonce que tu as une maladie incurable. Le chômage, la précarité, cela fait des décennies que le département en est malade ! Nous, nous voulons toutes les thérapies possibles. Nous devons nous donner les moyens de l’expérimentation ; certains dispositifs pourront être efficaces, d’autres moins. Il nous faut tenter des choses et arrêter des dispositifs nationaux qui ne fonctionnent pas chez nous. Nous proposons des solutions différenciées ».

Le dossier remis à Jean Castex rappelle les indicateurs alarmant de la situation économique et sociale du département. Un département que Jean Castex connait bien. Pour rappel, il avait voulu prendre la présidence du conseil départemental en 2015. Il avait échoué face à l’union de la gauche qui avait maintenu sa confiance en Hermeline Malherbe.

La longue litanie des maux des Pyrénées-Orientales :
– Fin décembre 2020, toutes catégories confondues, le département compte 61.930 demandeurs d’emploi.
– Les Pyrénées-Orientales restent le département de métropole le plus touché par le chômage (14% au 3ème trimestre 2020).
– En septembre 2020, le département comptait 29.831 demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an ; et 17.547 depuis plus de 2 ans.
– Le nombre d’allocataires de la Caisse d’Allocation Familiales est passé de 95.000 à 115.000 dans les Pyrénées-Orientales.

26/03/2018, Perpignan, France, Jean Castex Conseil Départemental 66 © Arnaud Le Vu / MiP
26/03/2018, Perpignan, France, Jean Castex Conseil Départemental 66 © Arnaud Le Vu / MiP

♦ Le volet transport est primordial pour Jérôme Capdevielle

Concernant, le transport, Jérôme Capdevielle, fait un constat maintes fois décliné. Il y a urgence à désenclaver le département. Il se dit très inquiet sur la pérennité de la ligne aérienne Perpignan-Paris, et surtout son utilité pour attirer des déplacements d’affaires et donc de l’emploi.

Idem sur la ligne à grande vitesse. Tant de fois promises et qui se fait toujours attendre. Pour Force Ouvrière, « L’absence de LGV […] nous oblige à préserver notre seul et unique lien infrastructurel avec Paris. ». Pour Jérôme Capdevielle, il faudrait classifier la ligne aérienne « à vocation nationale », au moins dans l’attente du chaînon ferroviaire manquant entre Montpellier et Paris. Ce qui impliquerait une gestion directe par l’État.

Sur ce point, Jérôme Capdevielle nous avait déclaré en décembre 2020 « Il faut une prise en main au niveau de Matignon du volet transport à Perpignan. Je me souviens lors du déplacement de Mesdames Pénicaud et Ndiaye, je leur avais dit “Bienvenue en Outre-Mer”. Parce oui, en termes de transport, nous sommes carrément en décrochage tectonique par rapport à l’Hexagone ».

Le syndicaliste a aussi évoqué l’accès aux montagnes catalanes. « Il faut mettre en place un concept de semaine de ski clé en main et attirer les familles parisiennes vers nos pistes de ski. Arrivée des familles en avion, puis prise en charge jusqu’au train jaune et arrivée sur les stations ».  Parmi ces propositions, les compétences sont partagées, entre l’État, la Région, le Département. Mais pour Jérôme Capdevielle, il faut « un chef de file ». Prenant l’exemple du plan de relance, sur lequel l’État n’est pas seul. « Derrière, il y a une interconnexion avec les collectivités qui prennent le relais ».

29/11/2017, Perpignan, France, Archives LGV Ligne grande vitesse SNCF région Occitanie
29/11/2017, Perpignan, France, Archives LGV Ligne grande vitesse SNCF région Occitanie

♦ Le volet infrastructure et notamment l’emploi public

Jérôme Capdevielle, s’est félicité de l’implantation du 2ème établissement pénitentiaire qui va, outre désengorger la prison actuelle, amener au moins 300 emplois directs. Il a néanmoins mis en garde sur les failles de sécurité mises en lumière par les vignerons de la Cave Arnaud de Villeneuve. Détaché de la filière pénitentiaire, le syndicaliste a également présenté l’intérêt d’implantation d’une Unité Hospitalière Spécialement Aménagée (UHSA). Ce projet représente environ une centaine d’emplois directs.

Jérôme Capdevielle a également évoqué la nécessité d’implanter des services publics centraux. Dans le cadre de l’aménagement du territoire, ces relocalisations de services centraux sont déjà en cours sur les territoires. Bruno Le Maire avait annoncé en octobre dernier qu’un centre de contact chargé de répondre à distance aux questions des contribuables professionnels s’installerait à Perpignan à horizon 2024. Jérôme Capdevielle propose d’aller plus loin. Faire que les Pyrénées-Orientales bénéficient d’un « bonus territoire emploi public », afin d’être plus attractif pour les fonctionnaires.

« L’État pourrait flécher et encourager l’implantation de nouveaux sites administratifs sur un département comme celui des Pyrénées-Orientales via par exemple un abondement en ETP (Equivalent temps plein) incitatif géographiquement. Aujourd’hui, faire un Call Center à Perpignan, Montpellier ou Toulouse, c’est à peu près la même chose. ».

Pénicaud Muriel - Ndiaye Sibeth visite Pyrénées-Orientales ministres
Jérôme Capdevielle lors du déplacement de Muriel Pénicaud et Sibeth Ndiaye à Perpignan – Janvier 2020

♦ Un département attractif pour les implantations industrielles ?

Pour le syndicat, l’économie du département basée en grande partie sur le tourisme a fait son temps. « Le tout tourisme est aujourd’hui, notamment en cette période de pandémie, une difficulté pour la stabilité économique de ce département ». L’objectif est le développement industriel « pour asseoir notre économie sur des bases plus solides que de la neige et du sable ».

Pour cela, Jérôme Capdevielle a prêché auprès de Jean Castex pour que « l’ensemble des collectivités locales portent une communication conjointe pour asseoir notre territoire en matière de visibilité nationale et internationale. » Vœux pieux quand on connaît les dissensions politiques entre les différents acteurs institutionnels.

♦ Territoire Zéro Chômeurs de Longue Durée (TZCLD) ?

Ce dispositif lancé en 2016 dans 10 territoires français a permis la création de 1.000 emplois. Malgré la situation de l’emploi dans les Pyrénées-Orientales, notre territoire ne faisait pas partie de cette première expérimentation. Le syndicaliste propose qu’il intègre le TZCLD pour la période 2021-2026. Ce dispositif permet de proposer, à tout demandeur d’emploi de longue durée qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée en créant des activités génératrices d’emploi et répondant aux besoins locaux.

La Région Occitanie a par ailleurs « repéré » Perpignan pour intégrer le dispositif ; ainsi que 14 autres territoires de la Région. À ce jour, comme le précisait Agnès Langevine, ce projet est porté localement par l’association TZCLD. La Région soutient et accompagne les territoires candidats à l’initiative. Selon Jérôme Capdevielle, « l’association va chercher le demandeur d’emploi, l’embaucher en CDI, et va construire son emploi dans le cadre d’une entreprise à but d’emploi ».

Salon TAF Perpignan
Salon TAF Perpignan

♦ Un CDI saisonnier pour les Pyrénées-Orientales

Autre point de levier selon le syndicaliste, l’emploi saisonnier. Ce dernier représente environ 50.000 personnes dans le département. Ce type d’emploi maintient dans la précarité les salariés des secteurs du tourisme ou de l’agriculture. Afin de sortir de la précarité les saisonniers, Jérôme Capdevielle préconise la création d’un groupement d’employeur pour ces deux secteurs.

Ce groupement permettrait de proposer un contrat à durée indéterminée. « Les salariés de ces secteurs, via une sécurisation de leur parcours professionnel, pourraient être formés en intersaison afin de monter en compétence en améliorant ainsi la qualité et le professionnalisme de ces filières. Pour les employeurs cela fidéliserait un pool de salariés. Ce serait gagnant pour tout le monde. ».

07/05/2020, Argelès-sur-Mer, France, Illustration déconfinement interdiction plages, bord de mer, terrasses des cafés et restaurants / deconfinement banning beaches, seaside, café and restaurant terraces © Arnaud Le Vu / MiP / APM
07/05/2020, Argelès-sur-Mer, France, Illustration déconfinement interdiction plages, bord de mer, terrasses des cafés et restaurants © Arnaud Le Vu / MiP / APM

♦ Des propositions à destination des jeunes

Force ouvrière serait favorable à la mise en place d’une « Allocation d’autonomie des Jeunes ». Terminologie plus adaptée à des jeunes étudiants et moins stigmatisante. Cette allocation se substituerait aux très nombreux dispositifs existants ; et pour lesquels, indique le président de la CAF, « le manque de visibilité et la complexité d’élaboration des dossiers sont réels ». Ce soutien financier permettrait également de pallier l’échec scolaire des étudiants contraints de travailler pour financer leurs études.

*10 organisations réclament des assises de l’emploi : Syndicats salariaux CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO, FSU, et UNSA. Syndicats patronaux CPME, FDSEA, UPA, UPE MEDEF

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