Le maire de Latour-de-France, dans la communauté de communes de l’Agly Fenouillèdes, a autorisé la construction d’un nouveau lotissement sur sa commune. 100 nouveaux logements et une caserne de gendarmerie qui font craindre aux associations locales une pression supplémentaire sur la ressource en eau. De son côté, la préfecture des Pyrénées-Orientales enjoint les collectivités à agir rapidement. Photo © Francois Laurens / Hans Lucas
Y aura-t-il assez d’eau pour les nouveaux arrivants de Latour-de-France ? La Fédération pour les espaces naturels et l’environnement (FRENE 66) alerte : le réseau d’eau ne pourra pas absorber le nouveau projet d’urbanisation validé par le maire en octobre dernier. Un lotissement de 5 hectares où devraient naître une centaine de logements d’ici 5 à 10 ans sur le site du Mietx del Pla. Une nouvelle caserne de gendarmerie devrait aussi voir le jour.
Ces 300 nouveaux habitants potentiels viendront s’ajouter au millier déjà sur place, chacun avec sa consommation d’eau quotidienne. Pourtant, « Latour-de-France est l’une des communes les plus surveillées sur la ressource en eau par l’Agence régionale de santé », déclare Joseph Genebrier, membre de FRENE 66 et de la Commission locale de l’eau, en charge du schéma d’aménagement et de la gestion de l’eau. Le département entier subit une sécheresse et un stress hydrique important depuis plusieurs années. Il y a quelques semaines, les restrictions d’eau avaient d’ailleurs été prolongées jusqu’à la fin du mois de décembre.
« On n’acceptera jamais que l’eau devienne une denrée intouchable »
Les usagers de l’eau de la collectivité surveillent également le projet de près. Leur association s’est créée il y a quelques mois contre l’augmentation des tarifs de l’eau. Selon eux, son prix a doublé en quelques années. « On n’acceptera jamais que l’eau devienne une denrée intouchable », déclare son président Djamel Abouda.
La collectivité a reconnu des problèmes de trésorerie dus en partie à des fuites de réseau. Or, pour Djamel Abouda, de nouveaux logements signifient une augmentation du réseau d’eau. « Nos 120 km de réseau n’ont déjà presque jamais été entretenus. Les taux de fuite sont énormes. On est d’accord pour que des communes s’agrandissent, mais il faut déjà assainir les rendements. »
Plus de la moitié de l’eau du réseau perdue
La collectivité ne serait en effet pas en conformité avec la loi. FRENE 66 dénonce le non-respect d’une obligation de 2014. Elle impose un rendement de 85% du réseau de distribution aux collectivités. La communauté de communes Agly Fenouillèdes en est à moins de 50% en 2025. Concrètement, plus d’un litre sur deux se perd dans la nature. « Les rendements de production des forages sont à la baisse drastique », s’insurge Joseph Genebrier.
Dans un courrier datant de septembre 2025, la préfecture relève plusieurs absences de conformité au sein de la communauté de communes de l’Agly Fenouillède, parmi lesquelles Latour-de-France. Des prélèvements réalisés sans autorisation ou au-delà du volume autorisé, des schémas de distribution de l’eau restés inachevés et des rendements insuffisants. Le courrier note aussi les pertes liées à la fuite du réseau. Un volume estimé à plus de 450 000 m³ en 2023 selon les chiffres de la communauté de communes. Soit l’équivalent de la consommation de 8000 habitants d’après FRENE 66, alors même que la collectivité n’en compte que 6 000.
Les associations demandent l’annulation du chantier
Contacté, le maire de Latour-de-France Marc Carles a indiqué ne pas vouloir répondre à nos sollicitations. Dans les colonnes de l’Indépendant le 30 novembre dernier, il a toutefois justifié son projet. Il dit être « conscient de l’enjeu de l’eau » en garantissant que le niveau de la nappe phréatique n’a « jamais vraiment bougé ». Il a également annoncé le lancement d’études pour trouver de nouveaux forages. Un cheminement qui ne va pas dans le bon sens pour FRENE 66. « Il faudrait sécuriser la ressource avant d’urbaniser. »
FRENE 66 a déposé une demande d’annulation du projet auprès du tribunal administratif. Elle a demandé à la préfecture de faire de même. « Cela doit être fait avant aujourd’hui, le 10 décembre, après cela sera trop tard », déclare Joseph Genébrier. Au-delà de cette date, seul le recours de l’association sera examiné. Si la préfecture n’a pas donné suite à cette demande pour le moment, le courrier du préfet transmis en septembre précise que, sans progrès significatifs et rapides, « les services de l’État se réservent la possibilité d’envisager toute mesure appropriée, y compris le caractère contraignant. » FRENE 66 attend une prise de position de la préfecture. « Sans adéquation entre le besoin et la ressource disponible, l’Etat doit intervenir. » Les associations se préparent à des mois de lutte contre le projet. Reste à savoir jusqu’où les autorités sont prêtes à contraindre ces collectivités pour préserver la ressource en eau.
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