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Législatives : tensions et émotions au « Grand oral » agricole de Torreilles

Législatives : tensions et émotion au Grand Oral agricole

Article mis à jour le 30 juin 2024 à 08:21

Jeudi 27 juin, un Grand Oral du monde agricole rassemblait les candidats à la députation au Domaine Pagnon, à Torreilles. À quelques jours du premier tour des législatives, les prétendants ont présenté leur programme et répondu aux questions de la quarantaine d’agriculteurs présents.

Ce « grand oral » a été organisé par les deux principaux syndicats du département, la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales (JA66). Sécheresse, ressource en eau, retraites, concurrence des produits importés, pesticides, renouvellement des générations, niveau de revenu : c’est sur cette liste des grands enjeux du monde agricole que les candidats étaient attendus.

Indécis, convaincus : quel parcours pour les agriculteurs électeurs ?

Martine, 53 ans, viticultrice à Baixas, s’interroge. À deux jours du premier tour, cette électrice sur la 2ème circonscription ne sait toujours pas pour qui voter. « En tant que femme, je vais bien sûr voter, mais je ne sais pas pour qui. » Elle va passer un week-end studieux et va scruter dans les programmes des candidats, la meilleure manière de faire émerger toutes les problématiques agricoles dans le département.

De son côté, Julien, jeune maraîcher et arboriculteur à Thuir n’a pas non plus été convaincu par les propos des candidats. En 2022, il avait voté pour un Thurinois, mais ce mercredi soir, ce sont surtout les « propos sincères » du candidat sans étiquette, Marc Médina, qui ont interpellé l’agriculteur de 30 ans.

Quant à Claude, retraité agriculteur de Pezilla-la-rivière, s’il hésitait en venant au débat, il a surtout été convaincu par la parole de Laurence Gayte, candidate Ensemble sur la 3ème circonscription. « Le discours de madame Gayte était travaillé, elle était convaincante », explique-t-il. « Monsieur Medina aussi, malgré le fait qu’il soit médecin, sa sensibilité, son approche de l’agriculture m’ont touché ».

« On est surtout là pour montrer que dans le département, le monde de l’agriculture ne va pas bien. Et on espère que notre futur député portera notre voix » annonce Jean Henric, président des JA66. « L’ordre de passage a été établi par ordre alphabétique de nom de famille » continue Bruno Vila, président de la FDSEA 66*, avec un sourire, comme pour anticiper l’accueil tendu réservé au premier orateur.

Un écologiste à la peine : David Berrué s’est confronté aux paysans catalans

Lorsque David Berrué, écologiste investi par le Nouveau Front Populaire sur la 2ème circonscription, ouvre le bal, il annonce la couleur. Ce soir, « je n’ai pas peur de perdre beaucoup de voix, ni d’en gagner énormément », et l’audience rit d’un air entendu.

Le candidat écologiste revient sur le passif conflictuel entre les agriculteurs et sa formation politique. David Berrué comprend « la colère ». Lorsque le candidat, tentant la réconciliation, affirme « on a conscience que les agriculteurs vivent mal, mais vous n’avez pas été abandonnés par nous, les écologistes », sa remarque est reçue avec rires, exclamations et un « si, quand même ! ».

L’amertume de David Berrué, fil rouge de son discours, transforme ses propos en règlement de compte. Sur le sujet des pesticides, « les écologistes [défenseurs de la biodiversité] ont été ceux qu’il fallait dégommer à bout portant ». Le candidat achève de perdre son auditoire. Une voix s’élève et lui répond « les premiers écologistes, c’est nous ! » sous les applaudissements.

Après plusieurs minutes d’échanges tendus, le candidat conclut, « avec l’extrême droite, vous aurez le champ libre pour faire ce que vous voudrez. Toutes les normes, les règles, les « phytos », vous pourrez faire sans. Mais, il y un truc que vous aurez quand même, c’est le changement climatique ». Un propos que le patron des JA66 résume, par un laconique : « Vous, ce que vous proposez, c’est la mort de la ruralité ». Malgré les échanges, le fossé de l’incompréhension entre le parti de gauche et le monde agricole semble plus que jamais infranchissable.

Laurence Gayte, « Ensemble » : Plaidoyer pour la continuité

En mode scolaire, Laurence Gayte, candidate pour le parti de la majorité présidentielle, sort ses notes et annonce le thème qui dominera sa prise de parole : « la continuité ». « Il faut aller au bout de ce qui a été proposé », explique-t-elle. La députée de 2017 à 2022 appelle à la nécessité d’un vote pour la formation politique Ensemble. Laurence Gayte détaille les projets de loi dans les tuyaux stoppés nets par la dissolution.

Par souci de rendre à César ce qui est à César, l’ancien responsable des Jeunes agriculteurs interjette et rappelle que « 90% des propositions [qui constituent ces lois] ont été faites par la FNSEA et JA66 ». Le spectre des récentes manifestations agricoles hante les esprits. « Est-ce qu’il faudra continuer à sortir dans la rue pour se faire écouter ? » lance une voix.

Médina, sans étiquette : mode « humilité » enclenché

Dès qu’il prend la parole, Marc Médina entre dans le concret. Maire de Torreilles, médecin, il annonce venir ce soir avec « beaucoup d’humilité ». Il rebondit immédiatement sur l’un des derniers sujets mentionnés par Laurence Gayte, celui de l’accès à l’eau du Rhône. Pragmatique, mais diplomate, le candidat sans étiquette estime que « le tuyau du Rhône n’arrivera pas dans le département avant 2040 ». Le candidat sur la 2ème circonscription enchaîne les propositions et témoignages poignants sur son expérience de médecin.

L’humilité du candidat séduit, apaise. « Vous avez dit des choses extrêmement touchantes », dit un membre du public. Avant de se tourner vers David Berrué, du Nouveau Front Populaire, assis dans la salle. « Si vous aviez abordé le monde paysan avec le même propos, le dialogue aurait été plus facile ». Applaudissements.

Rassemblement National : cinq pages de discours, ressenti 20 !

Anaïs Sabatini arrivera après la bataille, se mêlant aux candidats et au public autour de l’apéritif servi à l’extérieur. Son suppléant, Julien Potel, élu à Rivesaltes, aura lu le discours prévu pour elle – omettant d’adapter le langage féminin au masculin. Lisant ses mots, le représentant de la candidate RN tape à bras raccourcis sur « le pouvoir parisien ».

Le discours se veut clivant. Anaïs Sabatini questionne les subventions attribuées à des associations écologiques qualifiées d’« écoterroristes », et l’argent dépensé « dans des cabinets de marketing pour trouver un nouveau nom au département des Pyrénées-Orientales ». L’ex-députée candidate à sa réélection dans la 2ème circonscription, rappelle que lors de son mandat, elle « s’est faite relais de vos revendications ».

Il est 20h, et la lecture du discours, souvent monocorde, dure. « Il y a encore des feuilles ? » lance une voix. Les rires sont fatigués. Lorsqu’enfin, la séance est levée, la candidate apparaît. On lui demande si elle arrive en terrain conquis. « Je suis confiante, oui, mais ça ne fait pas tout », sourit-elle.

Le représentant de la candidate centriste de la 1ère circonscription n’a que peu convaincu, enfonçant portes ouvertes et clichés. Le seul moment où le remplaçant d’Annabelle Brunet réussit à capter l’attention des agriculteurs, fut lors de sa conclusion en catalan. Le candidat Reconquête attendu, n’a pas fait acte de présence.

*FDSEA : Fédération départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles.

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