Article mis à jour le 20 juin 2024 à 17:11
Article réalisé en collaboration avec Ludivine Paques et Stéphane Ferrer Yulianti
La nuit n’est pas encore tombée que les habitants de Vernet-les-Bains sont déjà rassemblés autour de la place centrale du village, où le marché du matin a exceptionnellement été remplacé par une large vasque débordante de bois sec.
Les terrasses de cafés voisins ont commencé à se remplir; tout le village est dans l’attente de la flamme qui descendra du Canigó, la montagne des mines de fer, dans quelques heures. L’allumage du bûcher ouvre les festivités de la Saint Jean. Pour assurer aux habitants et aux touristes le bon déroulement de la soirée, la police sera a déployé ses effectifs dans les rues, un dispositif un peu renforcé depuis deux ans, confie le garde champêtre de la police rurale.
Vernet-les-bains, station thermale bien connue des curistes, est située au pied du Canigó. Son pic, qui culmine à 2784 mètres, appartient au territoire de la commune.
« La fête de la Saint Jean a renoué avec le principe féodal de « trois trois trois » ; où l’on monte de la Terre de Ria, berceau de la catalanité, de l’Eau de Vernet-les-Bains, et le Feu, en haut du sommet » explique monsieur Guitart, le maire du village. « Le feu de la Saint Jean, c’est le feu de la fraternité, qui regroupe les peuples. Ce soir, 1500 feux sont partis depuis le pic vers toute l’Europe, en Sardaigne, en Belgique, en Italie, en Espagne … ».
Les feux de la Saint Jean ont lieu chaque année le 23 juin. D’abord oubliée, la tradition a su renaître de ses cendres au milieu des années 1950. A la fin de la semaine précédant l’événement, des fagots de bois sont montés en haut de la montagne sacrée des Catalans, lors de la « Trobada ».
La veille de la Saint Jean, vers 22h, ces fagots sont alors embrasés par la flamme venue de Perpignan, que le Castillet garde précieusement entre ses murs pendant l’année. Une fois au sommet, ce feu sera distribué à l’aide de flambeaux par des délégations de chaque village, pour éclairer le cœur de chaque commune.
La fête n’est pas seulement une fête du solstice d’été et un symbole de fraternité ancré dans les traditions catalanes, elle est également un ciment entre les générations. Ce sont les élèves de l’école de Vernet-les-bains, coiffé d’une baratine et d’une Faixa (« faches » en français, un ruban large et rouge que l’on met autour du ventre), qui portent les flambeaux venus du pic et les déposeront dans la vasque.
Claire et Cécile, deux jeunes habitantes de Corneilla de Conflent, un village voisin, sont venues pour l’occasion. « Je me souviens qu’une année, quand j’étais enfant, j’étais venue pour la Saint Jean, à Vernet, habillée de vêtements traditionnels catalans. J’ai lu un poème en catalan sur l’origine de la fête, que j’avais appris à réciter et à comprendre. Je suis revenue depuis, parce que c’est très mignon de voir tous ces enfants allumer la flamme, de voir que ça se perpétue. Et puis ce qui est bien en Catalogne, c’est tout ce parcours de la flamme entre les villages à partir du Canigó, et le bouquet de la Saint Jean ! ».
Le bouquet de la Saint Jean, c’est une tradition dont Charline, fleuriste d’un soir, nous explique la provenance. « Le matin de la fête, à l’aube, quelques habitants de Vernet vont cueillir quatre plantes : le millepertuis, pour la santé, de l’immortelle, de l’orpins, et le noyer, pour la protection. Les plantes sont ficelées avec un ruban aux couleurs du drapeau catalan. Nous faisons environ 300 bouquets que nous distribuons en échange d’un petit don à votre bon cœur, et l’année suivante, il faut jeter ce bouquet dans la vasque, et en reprendre un autre. C’est un porte bonheur dans la maison, on en achète en général pour toute la famille. L’argent récolté va participer au financement de l’animation de ce soir, et au voyage de quelques catalans du Sud venus spécialement pour l’occasion ». Habitants et touristes se pressent autour de Charline pour demander leur bouquet. « On est ravis de voir tout ce beau monde qui vient à Vernet pour faire la fête ! »
Du monde, il y en a. Dans la foule rassemblée autour du feu, David, Jackie et Claire sont venus d’Angleterre avec leur club de tennis, et c’est la première année que leur séjour coïncide avec la Saint Jean. « C’est absolument merveilleux ! C’est un retour aux origines, à l’amour de la terre et des traditions, et l’atmosphère est très détendue. Nos amis du club, qui résident à Vernet, nous ont parlé de cette soirée. Tout le village y est, donc nous devions venir voir ça ! Et puis c’est l’occasion de goûter le vin local ».
En cette soirée de célébration de la fraternité, le comité d’animation a prévu de distribuer gratuitement un muscat produit à Estagel, un village de la région, accompagné de fougasses à la crème et de saucisses grillées au feu de la vasque. « Cette fête, c’est le ciment de la communauté, ajoute Claire, qui réside la moitié de l’année dans le village. Pour les catalans, nous sentons bien l’importance de cette tradition ».
Autour d’eux, les enfants et quelques adultes se prennent par la main et lèvent les bras pour entamer une sardane autour du feu, cette danse catalane sur le rythme de la Santa Espina, qui accompagne chaque célébration d’une tradition. David et Jackie sourient. « Nous, nous sommes surtout venus pour danser ! La sardane a l’air un peu compliquée mais peut être essayerons-nous ce soir ».
Reportage réalisé lors d’un voyage de presse organisé par l’Agence de Développement Touristique des Pyrénées Orientales.
Revoir le reportage des feux de la Saint Jean 2016
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