Article mis à jour le 4 décembre 2017 à 23:08
L’ancien joueur de la génération 1998, sélectionné 142 fois en équipe de France a quitté les terrains de football et créé une fondation qui porte son nom. Une fondation dont l’ambition est « de déconditionner » du racisme. « Nous sommes le fruit de l’Histoire et effectivement il y a des schémas de domination. Parfois vous êtes éduqués sans le savoir à mépriser l’autre ». Un message positif, clair et très accessible qui a séduit le public venu nombreux assister à cette conférence dans le cadre des nuits du Mémorial de Rivesaltes. Parmi le public, Emma, 8 ans, qui a interrogé Lilian Thuram : « Est ce que, quand je serai grande, je pourrai changer le monde ? ». Une intervention qui a elle seule résumait le message d’espoir et de bienveillance délivré au cours la soirée.
♦ « Je suis devenu noir à l’âge de 9 ans »
Né en Guadeloupe en 1972, le petit Lilian est arrivé en région parisienne en 1981. « Je suis devenu noir à l’âge de 9 ans, à l’école je n’étais plus Lilian, j’étais le petit noir. Quand j’ai questionné ma mère sur la méchanceté de mes camarades, elle m’a répondu : Tu sais c’est comme ça, les gens sont racistes et ça ne va pas changer. Heureusement j’ai cherché des réponses ailleurs et j’ai compris que le racisme était avant tout la construction d’un discours ».
C’est au moment de réfléchir sur sa reconversion, que la réponse de sa mère lui est revenue en tête. Lilian Thuram rencontre Pascal Brice, consul de France à Barcelone, alors qu’il jouait pour club catalan du Barça. Le consul le questionne sur la suite de sa carrière ; « Un peu comme on demande à un enfant ce qu’il veut faire plus tard ». Sa réponse fut du même acabit ; « Quand je serai grand, je vais changer le monde ! ». C’est ce qu’il tente de faire au quotidien depuis 2008 et la création de sa fondation : « Je vais dans les écoles pour parler du racisme, nous avons créé des outils pour les enseignants », notamment un DVD disponible sur le site de la Fondation Thuram. Mais aussi le Quizz : Tous Super-Héros réalisé pour accompagner la sortie de la bande dessinée Tous des super-héros aux éditions Delcourt.
♦ « Tout est question de points de vue »
« Il faut prendre conscience que selon votre couleur de peau ou votre sexe, le rapport à l’espace public ou à la police n’est pas le même, et ce n’est pas juste ! Moi-même, j’ai mis du temps à comprendre que l’espace public était vécu de manière différente lorsque vous étiez une femme, pourquoi ? Parce que je suis un homme ! Une femme va réfléchir à deux fois avant d’aller faire un footing la nuit, tandis que les noirs vont toujours penser à prendre leurs papiers avant de sortir de chez eux. C’est pour cela que nous devons discuter tous ensemble pour pouvoir changer nos lunettes culturelles et voir les choses comme elles sont. Parce que très souvent n’étant pas discriminé, vous pouvez finir par croire que cela n’existe même pas ».
♦ La parole et la bienveillance, les deux maîtres mots de l’ancien footballeur
« Comment changer les idées racistes de gens qui sont racistes depuis longtemps ? », voilà la question d’Iris, 13 ans en sport étude football au Soler. Lilian Thuram de répondre : « il faut leur parler, les remettre dans la même situation que ceux qu’ils considèrent inférieur. Les ramener à leur humanité et à l’humanité de ceux qu’ils jugent différents ». En fin de conférence le champion du monde a posé volontiers pour des photos et Iris l’a remercié. « J’ai hésité avant de venir, parce qu’en ce moment on est en train d’étudier l’esclavage à l’école. L’histoire c’est bien mais ce que vous faites et ce que vous dites peut faire changer les choses de manière positive et sans culpabiliser les gens »
♦ La génération « Black, Blanc, Beur »
Questionné sur l’esprit « Black, Blanc, Beur » qui a rassemblé la France après la participation victorieuse de la France à la Coupe du monde 1998, le champion du monde a confié : « On a besoin de symboles, une équipe multicouleur avait gagné et avait créé une ambiance positive. Nous sommes des êtres d’émotion et cette victoire nous a permis de nous percevoir comme des Français ». Il déplore que les choses aient changé depuis 1998, mais il reste optimiste.
Il faut du temps pour que des siècles de discours de domination disparaissent totalement, mais les choses ont changées. « Mon grand-père est né et l’esclavage existait encore, à la naissance de ma mère c’était la ségrégation et en 1972 l’apartheid était encore en vigueur. Alors oui, je pense que les choses ont changées et continuent de changer même s’il y a des difficultés. Le pire est de dire que cela ne changera jamais ! ».
♦ Les prochains rendez-vous du Mémorial
- Hommage à Willy Holt – 5 décembre à 18h30
- Performance sonore et chorégraphique – 15 décembre à 18h30
- Rencontres du film – du 30 novembre au 3 décembre
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