Article mis à jour le 22 août 2024 à 09:33
228 députés ont voté le 22 avril en faveur de la loi dite « asile et immigration », à contrario des 139 députés qui se prononçaient contre ce texte, certains le trouvant trop « laxiste » d’autres « inhumain ».
Comme dans plus de 70 villes à travers la France, de nombreuses associations et acteurs du département travaillant avec les réfugiés ont choisi de s’organiser. Ils étaient une cinquantaine recouverts d’un drap tel un linceul, symbolisant les milliers de victimes de « noyées en Méditerranée ». Le collectif dénonce « des politiques sécuritaires et inhumaines de l’Union Européenne dont [la loi asile et immigration] est un symbole ». Prochaine action, la manifestation prévue mercredi 25 avril à 11h devant la permanence du député de la première circonscription, Romain Grau.
La situation des migrants et demandeurs d’asile dans les Pyrénées-Orientales selon le collectif « les états Généraux des Migrations »
Jacques Ollion directeur de la Cimade* Perpignan, rappelait les chiffres, « actuellement, il y a environ 400 demandeurs d’asiles dans notre département ». À partir de 2015 et l’accentuation du flux migratoire, le profil des réfugiés a évolué. Avant 2015, les migrants, des familles pour la plupart, étaient essentiellement originaires des Balkans (Arménie, Russie, Georgie, Albanie…). « Beaucoup ont été déboutés du droit d’asile dans la dernière période et on estime à environ 400 personnes qui vivent ici sans droit depuis plusieurs années ».
À partir de 2015, les services de l’État ont ouvert de nouveaux Centre d’Accueil et d’Orientation dans le département afin d’assurer entre autres l’accueil des migrants évacués de la jungle de Calais en novembre 2016. Relire notre article sur le récit d’Abdi et les 33 mineurs accueillis à Bolquère suite au démantèlement de la jungle.
Aujourd’hui la majorité des migrants de notre départements viennent « des camps de Calais ou de Paris, Ce sont pour la plupart des jeunes hommes originaires du Soudan, d’Érythrée, d’Afghanistan, de Guinée, d’éthiopiens ou du Tchad ». Jacques Ollion, nous confiait qu’à ce jour qu’un tiers des demandeurs d’asile des CAO étaient menacés car relevant de la « Procédure Dublin ». Un dispositif qui prévoit que le pays d’entrée du migrant qui doit prendre en charge la procédure de demande d’asile au sein de l’Union Européenne. Le responsable de la Cimade nous déclarait que des recours existaient contre les décisions de transferts des réfugiés relevant de cette procédure. Toutefois, elles « n’aboutissent quasiment jamais, et le tribunal administratif de Montpellier est assez hermétique à ceux-ci, quelles qu’en soient les motivations. Les demandes de mise en œuvre de la « clause discrétionnaire » par le préfet ne sont pas examinées« .
Récit de migration recueillis par la Cimade et lus durant la manifestation
« Je suis resté en Libye 8 mois et 23 jours. Je suis resté dans un camp, c’était une galère, une catastrophe. Nous étions près de 400 personnes, hommes, femmes confondus. On dormait les uns sur les autres. Les conditions sanitaires étaient catastrophiques, il y avait des insectes. On nous donnait à manger deux fois par jour, le midi et le soir. Nous étions 10 à manger sur une même assiette. Il y en a certains qui étaient malades. Le soir lorsque les passeurs buvaient de l’alcool, ils faisaient sortir les migrants. Ils nous torturaient et nous frappaient en nous disant d’appeler nos familles pour se faire envoyer de l’argent ». Abdirahman, Somalie.
« Le 15 aout 2017, je suis monté dans un bateau pneumatique ; nous étions 150 et ne savions pas quelle direction prenait le bateau qui était beaucoup trop petit nous tous. Assez vite, le bateau a commencé à couler. Au bout de 12 heures, il avait entièrement coulé et tout le monde était à l’eau ; j’avais un gilet de sauvetage comme une partie des passagers mais beaucoup n’en avaient pas. Je suis resté plusieurs heures dans l’eau, entouré de gens noyés qui flottaient autour de moi ; d’autres se débattaient, d’autres pleuraient. J’ai vu un hélicoptère au dessus de nous, j’étais à bout de forces, je me noyais, j’ai avalé de l’eau puis j’ai perdu connaissance. J’ai été réveillé par les massages cardiaques des sauveteurs. Nous avons été 30 ou 40 rescapés ». Zahir – Soudan.
Il y a aussi le parcours de ce réfugié syrien, qui a finalement reçu asile en Allemagne et qui a débuté depuis peu un doctorat en préhistoire. Vincenzo Celiberti, enseignant-chercheur à l’Université de Perpignan et maître de chantier à la Caune de l’Arago avait accueilli ce dernier lors de la campagne de fouille 2017.
Loi « asile et immigration » et vote des députés des Pyrénées-Orientales
Romain Grau et Sébastien Cazenove, député La République En Marche, respectivement sur la 1ere et le 4ème circonscription n’ont pas pris part au vote. Laurence Gayte, élue LREM de la 3ème circonscription a voté POUR (par délégation). Louis Aliot, député Front National, a quant à lui voté contre.
Les associations ont tenté de joindre, sans succès, Romain Grau, « par téléphone, par mail » mais également en se rendant à sa permanence, « où les horaires d’ouverture ne sont pas affichés » selon une bénévole. Joint par mail, ce dernier indique : « Nous avons dialogué avec tous ceux qui nous ont sollicité. Nous avons rencontré le Secours Catholique et Amnesty International, chacun à deux reprises. Nous sommes également allés au Centre de Rétention Administrative et à la Maison du Vernet du Secours Catholique pour rencontrer des syriens et des Albanais notamment ».
Les oppositions à l’Assemblée Nationale
Une loi dont une partie de l’opposition de gauche dénonce entre autres, les délais de recours raccourcis (15 jours au lieu de 30 pour faire appel d’un rejet du droit d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Les opposants au texte luttent également contre l’allongement de 45 à 90 jours de la durée en centre de rétention.
À droite, l’opposition est unanime. Pour Eric Ciotti, Les Républicains, ce texte n’est composé que de « mesurettes » qui ne règlent en rien les problèmes. Marine Le Pen indiquait, quant à elle, que le gouvernement « portera demain la responsabilité d’une situation ingérable » face à une « submersion migratoire ».
Voir le texte complet et les amendements adoptés en première lecture ce 22 avril 2018.
Les spécificités locales selon les acteurs du collectif
- Assignations à résidence dans des conditions indignes pour les familles, tenues de se rendre pour signature et avec les enfants à la Police Aux Frontières (PAF) toutes les semaines.
- « Même si la répression et la violence policière que subissent les migrants à Paris et dans les grandes villes n’a rien à voir avec la situation locale, il n’empêche qu’il y a régulièrement l’utilisation de forces de police disproportionnée pour les familles, ou les personnes assignées à résidence dans le seul but de les terroriser ».
- Les signataires dont Amnesty international, Asti, la Cimade… déplorent des « refus de rendez-vous… Depuis 2014, il est pratiquement impossible d’obtenir un rendez-vous et encore moins une régularisation sur la base de la circulaire VALLS de 2012, toujours en vigueur. Depuis cette date, la Préfecture refuse tout contact avec les associations ou collectifs de défense des Sans papiers ». Le collectif souhaite remettre au député Romain Grau lui demandant « solennellement de rejeter ce projet de loi »… « pour un changement radical de la politique migratoire ». Une lettre rappelant les « dangers et les conséquences » de ce texte. « Si ce texte était adopté, il induirait un net recul pour les droits des personnes étrangères ».
*L’association a vocation à l’accompagnement administratif des migrants, demandeurs d’asiles et réfugiés. La Cimade assure également des actions de solidarité et des cours de langue française.
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