Si les signataires de « Perpignan autrement » usent d’une communication moderne, réussir l’union de la myriade des prétendants autour d’un socle commun de gauche s’avère être un défi bien plus ardu. Mathias Blanc et Françoise Fiter, porte-paroles du collectif « Perpignan autrement », respectivement socialiste et communiste, ont tenté de nous expliciter les enjeux et les perspectives de ce mouvement qui se veut fédérateur.
« Perpignan autrement » veut éviter l’éparpillement des voix de la gauche et du centre
Le pari de « Perpignan autrement » est de réussir à réconcilier ceux qui en 2020 avaient fait liste à part. De la centriste Clothilde Ripoull, à l’écologiste Agnès Langevine, ou Caroline Forgues de l’Alternative, Mathias Blanc et Françoise Fiter en sont persuadés, les passerelles sont possibles.
« En 2020, il y avait trois listes qui se partageaient le même espace électoral. Aucune ne s’est qualifiée ou maintenue pour le second tour. Il est crucial d’éviter cette erreur », insiste Françoise Fiter. L’appel lancé par le collectif à la fin de l’année 2023 a récolté plus de 200 signatures, est la marque d’une adhésion réelle à la démarche.
Le mouvement se veut inclusif : ouvert aux citoyens sans étiquette, aux membres de partis de gauche, mais aussi à ceux du centre partageant des valeurs progressistes. « On veut rassembler très large, de Clotilde Ripoull à Caroline Forgues », précise Mathias Blanc. Ce positionnement, jugé ambitieux, répond à une analyse politique partagée : face à une majorité municipale d’extrême droite solidement installée, seule une coalition transversale pourra inverser le rapport de force.
Le choix de ne pas afficher les couleurs d’un parti, mais d’un collectif citoyen, est assumé. « Quand une initiative est portée par un parti, les autres se méfient toujours du leadership. Là, chacun peut s’en saisir », détaillent les porte-paroles. Une stratégie qui se veut horizontale et participative.
« Perpignan autrement » permettrait d’attirer des « militants d’expérience » et de nouveaux engagés
Si le fait d’animer un rassemblement sans afficher une appartenance politique peut sembler évident pour certains, parmi les premiers signataires, certains noms sont bien connus du paysage politique local. Ils et elles ont figuré sur les listes des municipales 2020, portées par la centriste Clotilde Ripoull et l’écologiste Agnès Langevine. Nombre de membres de la liste l’Alternative dirigée par Caroline Forgues, sont également parmi les premiers à avoir signé l’appel à l’union. Certains sont également conseillers départementaux ou régionaux aux côtés de Carole Delga et Hermeline Malherbe, respectivement présidente de la Région Occitanie et du conseil départemental.
Une présence qui, si elle confère une certaine légitimité à la démarche, pourrait aussi interroger sur le renouvellement réel des visages.
Les initiateurs du mouvement s’en défendent : « Il y a un équilibre. Oui, des personnes avec un parcours politique bien fourni se sont engagées, mais on a aussi de nombreux citoyens qui n’ont jamais été encartés, ou qui viennent de s’impliquer pour la première fois », insiste Mathias Blanc.
Cette composition hétérogène est perçue comme une richesse, à condition de maintenir l’horizontalité des échanges. L’un des enjeux majeurs reste donc de garantir que l’élaboration du projet, tout comme le processus de désignation à venir, ne soit pas confisqué par les seules figures déjà installées.
Mais que propose concrètement « Perpignan autrement » ?
Si les deux personnalités en conviennent, il faudra à un moment en venir au choix des personnes qui porteront les idées, mais à ce jour, le moment est encore à la réalisation d’un programme structuré.
Depuis février, six ateliers thématiques ont été lancés pour faire émerger des propositions. Habitat, mobilités, transition écologique, démocratie locale, économie sociale et solidaire, ou la jeunesse et les solidarités, les groupes de travail rassemblent signataires et volontaires dans une logique de co-construction.
« Ce n’est pas nous qui allons tout écrire. On veut aussi aller vers la population, intégrer ses besoins et ses priorités », martèle Mathias Blanc. Les deux responsables évoquent la victoire de Louis Aliot « sans programme » en 2020 comme une anomalie démocratique. En réaction, leur démarche vise à remettre le fond au centre du débat. « On parle d’idées, ensuite on met des personnes autour, pas l’inverse », défend Françoise Fiter.
Mais cette inversion des priorités politiques suffira-t-elle à faire émerger une candidature unifiée ? Pour l’heure, les membres de « Perpignan autrement » ne tranchent pas. Leur priorité reste de « fédérer », d’élargir encore leur socle, puis de construire une solution électorale commune. La question de la tête de liste est volontairement laissée de côté, afin d’éviter les crispations.
Les enseignements des expériences passées, comme celle de l’Alternative en 2020 ou les conflits internes entre partis, ont nourri cette prudence. « C’est justement quand les partis ont repris la main que ça a échoué », résume Mathias Blanc. Le pari est donc celui d’une politique d’alliances réfléchie, patiente, et ancrée localement.
Des mains tendues, mais peu saisies …
Concrètement, les aspirants à gauche sont déjà nombreux à avoir pris position. Agnès Langevine, candidate écologiste en 2020, a confirmé qu’elle rempilait en 2026, cette fois sous la bannière de Place publique.
Du côté de La France Insoumise et des Écologistes Catalans, la dynamique initiée par « Perpignan autrement » est perçue avec scepticisme. En janvier dernier, Mickaël Idrac et Francis Daspe, animateurs LFI, dénonçaient une démarche qui « mène droit dans le mur », estimant qu’il ne s’agissait « en aucun cas d’une initiative du Nouveau Front Populaire, mais d’un cavalier seul relativement peu élégant des socialistes et des communistes qui font un choix de front républicain dès le premier tour ».
Des critiques que le collectif réfute en bloc. Dès l’origine, la démarche s’est voulue ouverte, non partisane, et portée par un appel citoyen largement soutenu – plus de 200 signataires, dont une majorité sans étiquette. En clair, l’idée, c’était d’éviter les erreurs de 2020. De ne pas reproduire la fragmentation des listes, mais de proposer une méthode claire : partir des idées, et non des appareils, rappelle Françoise Fiter. Un appel « posé au milieu de la table » pour être saisi librement par toutes les sensibilités républicaines, y compris celles situées au centre. Un positionnement difficile à concilier avec des logiques partisanes plus verticales, mais assumé comme condition sine qua non pour battre l’extrême droite à Perpignan.
À l’heure où les candidatures se multiplient à gauche, « Perpignan autrement » mise sur la lente sédimentation d’un socle programmatique commun. Reste à savoir si cette dynamique citoyenne, sans figure de proue désignée, saura transformer les intentions en coalition électorale solide d’ici 2026.
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