Article mis à jour le 19 octobre 2025 à 10:17
Deux des séries du moment sur Netflix et Disney+ ont été tournées en partie dans le département. Alors que l’Occitanie est devenue la région la plus attractive du pays en matière de cinéma, différents professionnels locaux s’organisent pour que les Pyrénées-Orientales se fassent une place dans le paysage. Illustration avec Mire Tournages. Photo © Karé productions | Bonne Nouvelle | Netflix
Voir au cinéma des lieux que l’on connaît suscite toujours une petite émotion. Mais pour pouvoir contempler sur (grand) écran les pépites de notre département, des protagonistes s’activent dans l’ombre pour attirer des super-productions. Un travail de longue haleine mené par des acteurs comme Mire Tournages, le bureau d’accueil des tournages créé dans les Pyrénées-Orientales par le Pays Pyrénées Méditerranée, dans le cadre de sa mission en faveur du développement territorial. En cinq ans d’existence, la structure a accompagné une quarantaine de projets (documentaires, courts et longs-métrages). Alors, concrètement, comment ça se passe en coulisses ?
« Notre rôle est d’abord de faciliter en amont le travail des équipes de production, explique Anicée Sedaghat, responsable de Mire. Pour Néro, j’avais travaillé avec la personne chargée de repérer les décors. Elle était venue m’expliquer ce que la production recherchait. Et en fonction de ses critères, on avait fait toute une série de propositions. Finalement, ils ont retenu le Château d’Aubiry à Céret, le fort de Bellegarde au Perthus et la forteresse de Salses ».
Photo © 2025 Disney et ses sociétés affiliées.
Une fois les lieux identifiés et le tournage acté, le rôle de Mire est d’ouvrir des portes et de créer des liens entre les productions et les acteurs institutionnels locaux, comme les collectivités et les services de l’Etat. Un rôle méconnu mais essentiel qui consiste à accélérer la délivrance des autorisations de tournage, ainsi qu’à sensibiliser ou rassurer les élus locaux sur l’intérêt d’un projet.
« Sur Les Disparues de la gare, les producteurs ont pris des précautions quant à la manière avec laquelle leur projet pouvait être perçu au niveau local. Il y a eu un vrai travail préparatoire en amont. Certains élus, au départ, étaient un peu réticents à l’idée d’être associés à ce sujet, surtout à l’écran. Notre rôle a donc été d’aller à leur rencontre, de discuter, d’expliquer les bénéfices que pouvait apporter le projet et de servir d’intermédiaire avec la production », détaille Anicée Sedaghat. Un positionnement entre-deux destiné à huiler les rouages, dans les deux sens. « Il a parfois fallu aussi négocier des ajustements dans le scénario, pour que certaines communes apparaissent de manière plus neutre ou anonyme. C’est tout un travail d’équilibre entre les attentes de la production et les sensibilités locales ».
Anecdotes de tournages
Vient alors le moment du tournage. La connaissance fine du territoire fait des bureaux de tournage des interlocuteurs privilégiés des productions, notamment quand il faut trouver des techniciens ou des figurants et ainsi faire gagner beaucoup de temps aux projets. Parfois, en urgence, certains éléments ou accessoires inattendus sont aussi à dégoter : « Pour Néro, il a fallu dénicher des barnums au pied levé ou encore une trentaine de vélos électriques… C’est le genre de demande qu’on peut avoir et auxquelles on répond dans l’heure ou presque! », sourit Anicée Sedaghat.
Les plateformes bousculent les codes
Le rythme et la fréquence des tournages dans le département dépendent des années. Mais les professionnels du secteur ont constaté que l’arrivée des plateformes a bousculé certaines façons de faire. « Netflix, Disney+ ou Amazon sont entrés dans la production et avec eux, ce sont tout de suite des tournages plus importants, au sens logistique comme financier, explique la chargée de mission de Mire. Par exemple, le fait d’avoir deux tournages pour des plateformes l’année dernière, c’est énorme. On n’avait pas ça avant ». La manière de travailler de ces groupes modifie également le rapport aux tournages, qui deviennent plus confidentiels. Ce fut notamment le cas avec Le Comte de Monte-Cristo, tourné en partie au Château d’Aubiry de Céret. Très peu de personnes du crû étaient au courant que l’acteur Pierre Niney était sur place.
Ce culte du secret s’explique par l’énorme concurrence qui règne entre ces différents groupes sur un marché à gros enjeux. « On perçoit toujours le cinéma comme la Culture, explique Anicée Sedaghat, or c’est véritablement une industrie ». Netflix, Disney+ et la plateforme Amazon Prime Video ont en effet contribué à hauteur de 362 millions d’euros à la production audiovisuelle et cinématographique française en 2023, d’après l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et le Centre national du cinéma (CNC).
Structurer les acteurs
Forcément, chacun veut sa part de ce (gros) gâteau. Les régions ont notamment compris l’intérêt d’attirer des productions pour en faire un levier de développement économique. La plupart d’entre-elles se sont ainsi dotées de structures chargées de vanter leurs territoires aux professionnels du cinéma et de distribuer des subventions pour convaincre les producteurs de venir tourner chez elles. Si cette mise en concurrence des territoires peut interroger, elle fait partie des réalités économiques, estime Anicée Sedaghat.
« Il faut savoir qu’1€ investi dans le cinéma par une collectivité génère en moyenne 7,60€ de retombées économiques directes comme l’a montré une étude du CNC. Car lorsqu’une production bénéficie de subventions régionales, elle a l’obligation de tourner sur place et de recruter des techniciens locaux. A cela s’ajoutent les bienfaits en matière d’image, qui profitent directement au tourisme et à la culture. Et puis, lorsqu’une région devient reconnue dans le secteur, tout un tissu économique se crée et prospère autour du cinéma. Dans les Pyrénées-Orientales, on a des studios à Saint-André et au Soler ou encore l’IDEM, qui forme aux métiers de l’audiovisuel. Il y a tout un ‘effet cinéma’ qui génère des cercles vertueux et qui est bénéfique pour tout le monde ».
L’année dernière, l’Occitanie (qui s’appuie sur Occitanie Films) est devenue la première région en termes de tournage de fictions télévisées en France. Et les Pyrénées-Orientales, le deuxième département le plus fréquenté par les équipes de tournage après l’Hérault. « Ce qui fait la richesse de notre territoire, c’est la diversité des décors dans un périmètre restreint : on peut passer, dans le même département, de la montagne à la mer en traversant la plaine, souligne Anicée Sedaghat. Notre force, c’est aussi cette côte rocheuse exceptionnelle, qui nous distingue du reste du littoral. Ce sont des atouts majeurs, car l’activité cinématographique est très intense sur tout l’arc méditerranéen, avec des projets français comme européens. Il ne faut surtout pas relâcher nos efforts : tout doit être fait pour que les Pyrénées-Orientales trouvent pleinement leur place sur cet arc ! ».
Pour y parvenir, Mire a entamé un travail de fond pour mieux structurer et fédérer les acteurs locaux. « Depuis un an, la filière cinéma du département se structure peu à peu et les liens se resserrent, souligne Anicée Sedaghat. Avec l’Institut Jean Vigo et sa présidente Chantal Marchon, nous avons créé un collectif de professionnels du cinéma pour rompre l’isolement et favoriser les échanges. Tous les deux mois, techniciens, réalisateurs, producteurs, comédiens et studios se retrouvent à l’Institut pour partager leurs projets, échanger des informations, projeter des films réalisés localement et créer des synergies. L’idée, c’est vraiment que tout le monde y gagne ».
En plus de compter des paysages exceptionnels et un certain nombre de professionnels installés dans le coin, les Pyrénées-Orientales possèdent un ultime atout : un public ravi d’accueillir des tournages. « Sur la Côte d’Azur, les gens sont un peu blasés. Ici, au contraire les habitants sont enthousiastes. Quand on a eu des projets de films ou de séries comme Rivière-Perdue, tourné dans le Haut-Vallespir, c’était génial : il y avait énormément de figurants locaux. Du coup, c’était une vraie aventure pour le territoire et ses habitants ! ». Ici, le cinéma ne se contente pas de poser ses caméras : il trouve un décor et une énergie.
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