Ce 30 septembre s’ouvre le procès des attachés parlementaires européens du Front national. À la barre du tribunal correctionnel de Paris, 27 cadres, dont Louis Aliot, du Front national devenu Rassemblement.
Parmi les chefs d’inculpation, détournement de fonds publics pour des faits commis entre 2014 et 2016. Les inculpés encourent jusqu’à dix ans de prison, et pour certains faits une amende de 1 million d’euros. Au-delà de ces peines, le tribunal pourrait prononcer une inéligibilité pour cinq ans. Une peine complémentaire qui inquiète les prévenus, dont Marine Le Pen, députée depuis 2017 et bien sûr le maire de Perpignan, Louis Aliot.
Louis Aliot pourrait-il rendre son écharpe de maire de Perpignan ?
Questionné lors de l’élection municipale de 2020, le candidat à la mairie de Perpignan se voulait confiant se basant sur les différents appels en cas de condamnation. « En cas de condamnation, il y aurait un appel. […] Cela irait au-delà des six années du premier mandat. » Or, c’est justement là que le bât blesse. Les mis en cause pourraient être condamnés à une inéligibilité assortie d’une mesure d’exécution provisoire.
En clair, si la peine principale, amende ou prison peut être suspendue à une procédure d’appel, la suspension des droits civiques serait quant à elle immédiate. À partir du mois de mars 2025, date attendue pour le rendu du tribunal, la totalité ou une partie des mis en examen pourraient se voir écarter de leur mandat électif. En clair, Louis Aliot ou Marine Le Pen devraient rendre leur écharpe de maire ou de députée. Contacté, Louis Aliot n’a pas répondu à nos sollicitations.
L’Europe, la « cash machine » du Front national ?
« Remet une bouteille, c’est l’Europe qui paye ! », aurait lancé Louis Aliot au tenancier d’un bar parisien en 2013. À cette époque, le cadre du FN était aussi assistant parlementaire de Marine Le Pen, députée européenne depuis 2004. Cette scène est révélée par l’enquête des journalistes Marine Turchi et Mathias Destal publiée aux éditions Flammarion et intitulée « Marine est au courant de tout… » Page 281, les journalistes révèlent les propos de Louis Aliot rapportés par un témoin direct de la scène. Après la victoire du FN aux élections européennes de 2014, un assistant parlementaire se confie aux deux journalistes : « quand nous sommes arrivés au Parlement, ils ont imaginé que c’était la fiesta, la cash machine ! »
La question que devront trancher les deux juges d’instruction financiers ? Les salaires versés aux assistants parlementaires européens ont-ils servi à libérer les députés FN de leurs « contraintes professionnelles » ou bien à financer des emplois sans lien avec cette fonction ? Après son élection de juillet 2014 au parlement de Bruxelles, Louis Aliot a embauché Laurent Salles jusqu’en février 2015. Mais les enquêteurs ne trouvent que huit mails et un seul sms échangés entre eux. Si les 31 000 euros de rémunération provenaient bien des fonds européens, le parquet de Paris suspecte Laurent Salles d’avoir surtout travaillé pour le Front national.
En 2020, quelques mois seulement avant l’élection à la mairie de Perpignan, Louis Aliot se disait confiant sur un éventuel empêchement. « Monsieur Bourquin avait été condamné pour des faits bien plus graves que moi, et ça ne l’a pas empêché d’être président de Région. » Pour rappel, Christian Bourquin fut condamné en 2009 pour avoir minoré les comptes lors des cantonales 2001. Il fut néanmoins élu président de la Région Languedoc-Roussillon en 2010.
Y a-t-il une différence entre les assistants parlementaires de François Bayrou et Marine Le Pen ?
Alors qu’il était poursuivi sur des faits similaires, François Bayrou était relaxé en février 2024. Pourrait-il en être de même pour les cadres du RN ? Pour rappel, en février dernier, les magistrats avaient relaxé François Bayrou, mais avaient condamné le parti Modem. Les juges ont considéré qu’il n’y avait aucun élément prouvant qu’il avait ordonné lui-même les embauches des assistants parlementaires.
Or, selon les nombreux éléments déjà sortis dans la presse, le système des embauches des assistants du RN pourrait avoir été piloté depuis le plus haut sommet du parti d’extrême droite. Selon le parquet, « les situations considérées n’avaient rien d’accidentel ni de ponctuel. (…) les détournements (…) se sont inscrits dans le cadre d’une gestion pilotée par les dirigeants successifs du FN et peu à peu structurée en véritable système centralisé, [alors que le parti était] en grande difficulté financière ». Ce qui pour les juges pourrait s’avérer une circonstance aggravante pour le détournement de fonds publics.