Article mis à jour le 17 mars 2025 à 18:52
Au-delà du volet politique du soutien ou non de cette école, l’enjeu réside surtout dans le récit de vie des enfants qui y font leur scolarité. Ce parent d’élève, qui a souhaité garder l’anonymat, nous a adressé cette lettre ouverte. Un message à destination des principaux responsables politiques appelés à soutenir financièrement la Bressola. La Bressola © Xavier Pi – Xavier Alsinet – ACN
« Madame la Présidente de la Région Occitanie, du Département, Mesdames, Messieurs les Maires des Pyrénées-Orientales, et habitants des Pyrénées-Orientales »
Il est important aujourd’hui de faire connaître la situation des élèves à besoins spécifiques qui sont accueillis au sein des établissements de l’association.
En effet, vous n’êtes pas sans savoir que, malgré la loi du 11 février 2005 sur l’inclusion des enfants en situation de handicap en milieu scolaire ordinaire, il reste encore d’énormes progrès à faire sur tout le territoire français pour que ces enfants puissent être mieux intégrés.
Souvent négligés, stigmatisés voire abandonnés par un système lui-même en échec dans cette mission, ces enfants sont encore mal considérés aujourd’hui et des familles entières souffrent.
En tant que citoyen directement concerné par cette réalité et dont l’enfant porteur de handicap est scolarisé depuis sa rentrée à l’école maternelle La Bressola de Sant Galdric de Perpignan (il y a quatre ans), j’aimerais vous porter un tout autre constat :
Scolariser un enfant porteur de handicap à La Bressola est une chance immense.
Pour preuve incontestable, la reconnaissance auprès des différents médecins spécialistes (neuropédiatre, pédopsychiatre) et autres professionnels de l’enfance du département que nous avons rencontrés.
À notre réponse à la question : « Dans quelle école est scolarisé votre enfant ? », nous avons eu systématiquement le même genre de réactions à l’annonce du nom de l’établissement : « Ah, au moins vous êtes tranquilles. (…) Je suis content(e) pour vous, car votre enfant ne pourrait pas mieux tomber. (…) C’est le meilleur établissement du département pour les enfants en situation de handicap. »
Cette réputation est la conséquence de la pédagogie mise en place à La Bressola, qui, en plus d’œuvrer pour la préservation de la culture et de la langue catalanes, est aussi basée sur la sensibilisation aux valeurs d’égalité et d’humanisme.
Ce qui était d’abord le fruit du hasard dans notre cas (notre enfant ayant été scolarisé juste avant la détection du handicap), nous a permis, en comparant régulièrement les expériences d’autres parents du département ou de la France entière, de prendre conscience du privilège que nous avons d’être entourés par une équipe aussi soucieuse de tous ses élèves.
Nous avons pu constater que cette école intègre déjà depuis d’innombrables années les outils pédagogiques recommandés par les professionnels du handicap pour adapter la scolarité des enfants en difficulté.
Les conseils concernant la vie scolaire, que nous avons reçus des professionnels de santé rencontrés dans le cadre du suivi thérapeutique de notre enfant, étaient déjà appliqués à l’école.
Que demander de mieux ?
En effet, assimiler ces méthodes et outils dans la pédagogie principale, au lieu d’en faire des aménagements exceptionnels sur demande, comme dans certains établissements (et souvent sous conditions de reconnaissance du handicap), facilite le quotidien de tous les élèves et des professeurs. Ainsi, l’acceptation et l’inclusion des enfants différents se font de manière bien plus naturelle et intuitive.
Je témoigne également :
- De la bienveillance du personnel de La Bressola, soucieux de l’épanouissement et de l’équilibre de ses élèves.
- De son dévouement pour pallier le manque de moyens, notamment d’AESH, afin d’assurer le soutien des enfants en difficulté.
- De sa capacité à adapter les apprentissages quand un enfant en a besoin, afin qu’il puisse progresser comme les autres et ne pas se sentir abandonné ou discriminé.
- De son travail au quotidien sur l’expression des émotions des enfants et sur le développement de l’empathie dès la maternelle.
- Du travail quotidien pour inculquer les valeurs d’entraide et de solidarité à ses élèves (travail en groupes, binômes, parrainage entre élèves de primaire et maternelle), ainsi que les valeurs de respect de l’autre et d’intégration.
(N’est-ce pas là aussi la meilleure manière de sensibiliser et de lutter contre le harcèlement scolaire ?)
Et tout cela est fait sans négliger le programme de l’Éducation nationale.
Grâce à cela, nous pouvons avoir, en tant que parents d’enfant porteur de handicap, une vraie relation de confiance avec l’école. Et cette relation est précieuse.
Pourtant, depuis plusieurs années, les conditions de travail se dégradent suite aux obstacles mis en place pour fragiliser le fonctionnement des établissements de Perpignan.
Ces actes d’entrave ont, entre autres conséquences, l’augmentation des frais liés à la scolarité (cantine et autres), que doivent subir les familles, citoyens et électeurs de cette même ville.
Si La Bressola est une école aussi combative aujourd’hui, c’est grâce à la passion de son personnel, mais aussi grâce à la mobilisation des parents d’élèves et de leurs associations qui soutiennent La Bressola et ses équipes éducatives.
Si La Bressola est une école aussi accueillante aujourd’hui, c’est aussi grâce à un système éducatif plus humain, notamment en faisant le choix d’ouvrir de nouvelles classes plutôt que de surcharger celles existantes. Ce qui offre la possibilité aux professeurs et aux élèves de travailler dignement, de dispenser des cours de qualité et d’avoir la possibilité de s’occuper des enfants en difficulté en classe.
Maintenant, j’aimerais vous demander, en sachant qu’en France, le quotidien de la majorité des enfants porteurs de handicap reste l’isolement social et la souffrance en milieu scolaire :
• Combien de parents d’enfants en situation de handicap voient leurs enfants accueillis chaque matin avec un sourire et enthousiasme ?
• Combien de parents d’enfants en situation de handicap reçoivent des messages de soutien de la part des camarades de classe et de leurs parents pendant la période de convalescence de leur enfant ?
• Combien de parents d’enfants en situation de handicap ont la chance de pouvoir témoigner de l’aide et de la coopération de l’équipe pédagogique quelles que soient les problématiques qui se présentent ?
• Combien de parents d’enfants en situation de handicap voient leurs enfants heureux d’aller à l’école ?
C’est mon cas… et je ne pense pas être le seul à la Bressola.
L’inclusion faisant partie de l’ADN de cette association, avec un système de cotisation équitable (basé) sur les revenus, permettant aux familles issues de tous milieux et classes sociales d’être scolarisées à la Bressola.
La diversité au sein de ces établissements le prouve, et la condition de mon enfant dans son école s’inscrit dans cette continuité.
Il faut que les acteurs de nos villes et villages, notre département, notre région, aient conscience du trésor que constitue l’enseignement de la Bressola sur leur propre sol.
Qu’il est d’intérêt public de préserver cette institution rare, maintenant en danger à cause de la conjoncture économique, de l’accumulation de contraintes financières et du manque de subventions.
Aujourd’hui, j’ai peur pour le futur de mon enfant
Peur qu’une augmentation du montant de la cotisation aux familles (qui pourrait être nécessaire pour la survie de l’école) nous contraigne à faire le choix financier de sacrifier la scolarisation de notre enfant, qui lui apporte tant, ou de sacrifier une partie des soins qui lui permettent de mieux vivre son handicap.
J’ai peur que la disparition de la Bressola propulse mon enfant dans un environnement scolaire hostile, comme c’est le cas pour des milliers d’autres enfants partageant ses difficultés, étant plus régulièrement victimes de harcèlement et de phobie scolaire.
Je mesure la chance que j’ai d’avoir mon enfant scolarisé dans un tel établissement qui, en enseignant la langue et la culture catalane, véhicule et défend aussi les valeurs de la République française avec conviction.
Ce privilège ne devrait pas être menacé, mais au contraire, il devrait être porté fièrement à travers toute la France. Ce type de pédagogie mériterait de se démocratiser, pour le bien de tous les élèves, des professeurs, et surtout pour celui des élèves handicapés.
Dans ces temps troublés où l’obscurantisme refait surface, abandonner une richesse telle que la Bressola serait dramatique.
Pas uniquement pour mon enfant et les autres, mais aussi pour notre territoire, notre identité, notre département.
Il est essentiel que les instances publiques en prennent conscience et agissent en bonne intelligence pour le bien commun. Que vous ayez des enfants scolarisés à la Bressola ou non, cela vous concerne aussi. Ces élèves sont sûrement les enfants de vos proches, de vos voisins… Ils font partie de ceux qui prendront la relève pour faire vivre nos villages, notre terroir, notre culture.
Ne laissons pas s’éteindre une réussite locale qui nous apporte tant, directement et indirectement.
C’était le cri du cœur et de la raison d’un parent reconnaissant la valeur unique de l’association Bressola. Merci.
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