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Juani, en parcours de transition : « Même en étant gitan, on a le droit d’être heureux »

« Je n’étais pas à ma place » : le parcours de Juani dans la transition de genre

Sabrina était une adolescente silencieuse, parfois en retrait, observatrice d’un monde dans lequel elle peinait à se reconnaître. Dès l’âge de 17 ans, elle avait confié aimer une fille, mais le malaise était plus profond : un mal-être dans son propre corps, une absence de reconnaissance dans son genre féminin.

Aujourd’hui, Juani, 22 ans, raconte avec calme et conviction cette réalité : « Ce n’était pas seulement mon orientation, c’était mon genre. Je n’étais pas à ma place. »

Cet article fait partie d’une série intitulée « Identités LGBTIQA+ », réalisée à l’occasion du mois des fiertés, et soutenue par la Dilcrah.

Un parcours médical encadré mais encore semé d’obstacles

Entamée en 2021, sa transition repose sur un suivi médical long. Deux années de rencontres avec une psychiatre à Montpellier ont permis d’initier le processus. Puis vinrent les injections de testostérone, les premiers changements physiques, une opération à Toulouse. Le tout, encadré par un parcours administratif encore très rigide en France, notamment sur le volet de l’état civil.

En France, les personnes trans doivent souvent composer avec un parcours balisé : diagnostic psychiatrique, approbation d’un endocrinologue, traitements hormonaux et interventions chirurgicales. Juani a entamé cette traversée à 18 ans. « J’ai attendu deux ans avant qu’on m’autorise les injections », explique-t-il. Aujourd’hui, il reçoit 4 ml de testostérone toutes les dix semaines.

Il a déjà subi une mammectomie (ablation de la poitrine) à Toulouse. Deux autres étapes restent en prévision, mais il préfère attendre que les techniques soient plus abouties. Quant au changement d’état civil, il est suspendu : « Si je change maintenant, je ne pourrai plus accéder à certaines opérations. Il faut donc rester encore « féminin » sur les papiers. »

Identité de genre et communauté gitane : un double défi

La transition ne concerne pas seulement le corps ; elle bouleverse aussi les équilibres familiaux. Pour Juani, ce fut un choc, surtout pour sa mère. « Elle préférait que j’aime une fille, plutôt que je change. Mais aujourd’hui, elle a fini par accepter. »

En 2021, la situation était particulièrement tendue : « Elle a fini par refuser que je la vois. La seule solution que j’avais était de prendre la fuite, même si je sais que ça a fait beaucoup de mal à mes parents. Je ne supportais pas de rester des jours sans ma copine. » Juani a trouvé refuge chez les parents de celle-ci, et a rapidement décroché un emploi.

Depuis, les choses ont évolué. La disparition du père en 2023 a également redessiné les liens familiaux. Son frère, lui, a toujours été présent. Même ses cousins et sa grand-mère le soutiennent : « Ma mère a beaucoup parlé avec elle, ça a aidé ». Ce soutien familial progressif contraste avec les difficultés rencontrées plus jeune.

Faire partie de la communauté gitane et entamer une transition de genre reste, même aujourd’hui, un tabou. Juani en est conscient : « C’est plus dur dans la communauté gitane. » Son orientation sexuelle était déjà un problème il y a quelques années, notamment à cause de sa religion. 

Malgré cela, il refuse l’exclusion : « Je fais encore partie de la communauté. C’est mon droit. » Il vit aujourd’hui à Perpignan et reste attaché à sa culture : « Je vais voir ma mère, mes cousins, mais je ne dis pas tout à tout le monde. Ce n’est pas à eux de savoir ma vie. » Sa compagne, originaire de Narbonne, l’accompagne depuis trois ans. Ensemble, ils prévoient une PMA à Barcelone.

Témoigner pour les autres : un message d’espoir

Après la couture, Juani travaille désormais derrière les fourneaux à Perpignan, dans un restaurant LGBT-friendly. L’accueil y est décrit comme ouvert : « Ma patronne est en couple avec une femme depuis 30 ans, et un serveur est avec un homme. » Dans cet environnement inclusif, il a pu s’épanouir.

Mieux dans sa peau, il se décrit aujourd’hui comme plus sociable, plus sûr de lui : « Avant, j’étais réservé, toujours dans mon coin. Maintenant, je parle plus facilement. » Si Juani accepte aujourd’hui de témoigner, c’est pour aider d’autres jeunes : « Beaucoup se cachent. Il y a des risques de suicide. Moi, j’ai eu du soutien. Je veux que d’autres sachent que c’est possible. »

Il ne se revendique pas militant, mais affirme qu’il se rendra à Paris ou Montpellier si nécessaire pour faire avancer la cause. Son message est limpide : « Même en étant gitan, on a le droit d’être heureux. »

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