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À Perpignan, un nouveau regard sur la mixité sociale à l’école, clé de la réussite ?

À Perpignan, un nouveau regard sur la mixité sociale à l'école, clé de la réussite ?

Article mis à jour le 25 novembre 2024 à 17:46

Dans les Pyrénées-Orientales, certains établissements scolaires souffrent d’un cruel manque de mixité. Une ségrégation en partie révélée en 2022, par les indices de position sociale (IPS) publiés par le ministère de l’Éducation nationale. Marie Chartier, sociologue, et Frédéric Miquel, inspecteur d’académie, nous expliquent l’évolution de ce phénomène, qui pèse sur la réussite des élèves.

Pap Ndiaye, ancien ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, avait pour objectif de réduire la ségrégation sociale des établissements scolaires publics de 20% d’ici à 2027. À Perpignan, l’école primaire Pierre de Coubertin a créé un tout nouveau poste d’enseignant « référent mixité ». Focus sur la situation des établissements à Perpignan.

Une absence de mixité dans les écoles des Pyrénées-Orientales

En France, le terme de mixité sociale est apparu pour la première fois sur des questions d’urbanisme, nous explique Frédéric Miquel, inspecteur de l’académie de Montpellier. « L’absence de mixité n’est pas que liée à l’éducation nationale, mais aussi à la politique de la ville. » Chaque secteur géographique correspondant à une école, un collège et un lycée. « Par conséquent, quand il y a une absence de mixité dans le secteur d’habitation, il y a une absence de mixité à l’école. »

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Selon l’inspecteur, lorsque les familles considèrent que cette mixité est déséquilibrée, « et qu’elle va se faire au détriment du niveau supposé de leurs enfants », elles ont des réflexes d’évitement. « Il faut essayer de comprendre cette rationalité des familles qui n’obéit pas à une forme de racisme, de ségrégation, de discrimination. Les parents cherchent ce qui peut être le mieux pour leur enfant. »

Comment la carte scolaire est-elle évitée aujourd’hui ?

« La ségrégation scolaire dépasse la ségrégation sociale », assène Marie Chartier, maîtresse de conférences à l’Université de Perpignan. Pour la sociologue, le manque de mixité scolaire est en partie lié aux choix d’orientation des parents. « Il n’y a pas si longtemps, ce choix portait principalement sur l’entrée au collège », rappelle-t-elle. « C’est à ce moment-là que l’on peut faire des choix d’options, de filières… »

« Historiquement, il y avait une forte opposition entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat, souvent catholiques. Aujourd’hui, leur fonction n’est plus seulement de dispenser un enseignement religieux, ils servent de stratégie de contournement aux parents. »

L’évitement de la carte scolaire passe par exemple par le choix de classes à horaires aménagés musique (CHAM) ou d’options spécifiques dans des établissements publics. Avec l’orientation vers le privé, il s’agit des deux alternatives privilégiées des parents pour contourner l’établissement assigné.

« L’éducation s’est transformée en business »

Aujourd’hui, l’offre éducative s’est considérablement élargie, jusqu’au premier âge… Dans les rues de Perpignan, il n’est pas rare de croiser des panneaux publicitaires vantant, par exemple, les mérites d’une crèche ou d’une école Montessori. « Depuis le début des années 2000, il y a un essor de ces écoles privées, hors contrat et de type alternatif », souligne la sociologue.

Pédagogie Montessori, école démocratique, ou forest school… Il y en a pour tous les goûts ! Si ces nouvelles écoles contribuent à diversifier encore un peu plus l’offre scolaire, c’est aussi un moyen supplémentaire de contourner l’affectation d’un élève vers l’établissement correspondant à son lieu de résidence.

Si l’école républicaine semble délaissée par certains parents, les « normes de bonne parentalité », elles, gagnent du terrain. Mantra des modèles alternatifs, les normes sur le « bien-être » et « l’épanouissement des enfants » sont de plus en plus diffusées dans la société. Pourtant, « mettre l’enfant au coeur des apprentissages » n’est-il pas aussi l’un des principes inscrit dans l’éducation nationale ?

« L’éducation s’est transformée en business », assure la sociologue. Apparu dans les années 80, le terme de « consommateurs d’école » désigne les parents choisissant des établissements scolaires qui proposent des modèles éducatifs correspondant à leurs valeurs. « Avec ce découpage de l’offre scolaire, la tendance à l’entre-soi s’est accentuée. Ce qui est paradoxal, c’est que certains parents sont pour le service public, ce modèle est important à leurs yeux. Mais pour autant, ils vont préférer contourner la règle et inscrire leur enfant dans un établissement qui leur ressemble. »

À Perpignan, les enfants habitant des quartiers populaires sont-ils pénalisés ?

En 2022, les services de l’éducation nationale publiaient un indice de position sociale (IPS). D’après Marie Chartier, ces indices ne témoignent pas de la mixité sociale, mais plutôt des conditions qui seraient plus ou moins favorables à la réussite des élèves. Il a été mis en place par l’éducation nationale en 2016, afin d’appréhender le statut social des élèves, à partir des professions et catégories sociales de leurs parents.

À Perpignan, tous les collèges publics sont en dessous de la moyenne nationale et tous les collèges privés au-dessus, quand deux écoles perpignanaises, Léon Blum et la Miranda, affichent l’IPS le plus bas de toute la France métropolitaine. « Le collège Jean Moulin a un profil un peu différent », assure Marie Chartier. Pourtant situé en plein coeur de ville, à proximité du quartier Saint-Jacques, cet établissement possède un IPS bien supérieur aux autres collèges publics de Perpignan. « Les sections CHAM attirent des familles, qui sans cela, auraient tendance à partir », explique Frédéric Miquel.

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« Le premier argument mobilisé par les parents qui font le choix du contournement, c’est le fait de permettre à leur enfant d’avoir de bonnes fréquentations, avant même la réussite scolaire », nous apprend Marie Chartier. « Les enfants qui vivent dans les quartiers populaires sont donc doublement pénalisés. Ils sont à la fois victimes du défaut de mixité sociale et du système scolaire. » Car souvent identifiés comme les responsables du manque de réussite de certains élèves.

En juin 2018, le conseil départemental se prononçait pour l’affectation des élèves de l’école élémentaire de Pollestres au collège Madame-de-Sévigné, classé en REP+ à Perpignan. Les parents d’élèves avaient manifesté pendant plusieurs jours afin de s’opposer à ce vote. Sur les 64 élèves scolarisés en classe de CM2, seuls huit avaient fait leur rentrée à Sévigné.

À l’inverse, l’inspecteur cite cet exemple où, à Montpellier, les communautés maghrébines avaient exigé plus de mixité dans l’école de leurs enfants. « Ils en avaient marre d’avoir des écoles marocaines, et leur action avait fait évoluer la situation. » Parmi ses missions, Frédéric Miquel veille aussi à la scolarisation des enfants de familles gitanes. « Il faut rendre l’école de secteur désirable à tous, même à ceux qui auraient tendance à la fuir. Dans le cas des familles gitanes, personne ne bloque la rue pour demander une meilleure école à ces enfants qui restent chez eux », regrette-t-il.

La mixité sociale n’enraye pas la réussite scolaire

Qu’est-ce que les enfants des communautés discriminées, ou plus pauvres socialement, peuvent apporter aux autres ? D’après Frédéric Miquel, le manque de mixité engendre un repli sur soi et renforce la stigmatisation. Créer des projets communs, rassemblant des élèves d’origines différentes, est vecteur d’une meilleure diversité. « C’est vrai pour la langue, quand on travaille avec des élèves allophones, on essaie de faire en sorte que leur langue première soit reconnue dans toute la communauté éducative », explique-t-il.

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Selon Marie Chartier, les études réalisées sur les questions de diversité sociale, en lien avec la réussite et l’échec scolaire, montrent que lorsqu’il y a mixité, le niveau augmente pour les élèves à capital socio-économique plus faible. « Mais il est intéressant de noter que le niveau des élèves issus des classes supérieures ne baisse pas pour autant », assure la sociologue.

Pour l’inspecteur, la mixité doit aussi se mettre en place grâce à des politiques publiques. « Cela se traduit par des déplacements d’élèves, comme c’est le cas à Toulouse ou en région parisienne. Dans certains secteurs, les élèves de quartiers défavorisés vont chaque jour dans des collèges et lycées de centre-ville. » Cette mixité volontariste a entraîné non pas une baisse du niveau global, mais une augmentation du niveau des élèves les plus défavorisés. Frédéric Miquel croit à l’interculturalité à l’école. « On est là dans une élévation collective », souligne-t-il.

À Perpignan, cette école ambitionne d’améliorer la mixité scolaire

Sophie Nou est enseignante « référente mixité », un poste spécialement conçu pour l’école Pierre de Coubertin, à Perpignan. Située à la frontière entre le quartier Saint-Gaudérique et Saint-Jacques, l’école a pour objectif de pallier le manque de mixité, autour de plusieurs axes de travail. L’enseignante organise par exemple des ateliers parents-enfants ou travaille des fondamentaux par le jeu. « Nous avons un gros travail sur l’attention et la concentration, sans ça, on ne peut pas accéder aux autres apprentissages. On travaille aussi sur les compétences psychosociales*, à partir de la petite section. »

Le dernier volet est dédié à la communication vers l’extérieur. « Nous mettons en avant tout ce que nous faisons sur notre école, pour faire connaître notre établissement et tenter de ramener de la mixité. » Si le public de l’école doit être mixte, l’enseignante constate depuis quelques années une importante fuite des élèves vers les écoles aux alentours, notamment au profit des établissements privés.

*Savoir-faire ou savoir-être qui permet de faire face aux exigences et aux défis de la vie quotidienne.

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Célia Lespinasse