Article mis à jour le 17 juin 2024 à 15:17
Au lycée de Narbonne, douze élèves de première et terminale ont participé à un projet inédit au sein de la «classe média». Leur objectif ? Sensibiliser aux violences intra-familiales à travers les témoignages de Marie et Aurélie, deux survivantes. Photos © Violette Filmaker.
Depuis la réforme du bac en France, un panel d’options est proposé aux élèves. Mais au lycée public Docteur Lacroix de Narbonne, une particularité existe. Secondes, premières et terminales peuvent adhérer, à l’année, à la «classe média» ; un engagement qui n’affecte en rien le cursus scolaire des élèves. « Nous ne notons pas et l’option ne compte pas pour le bac. Nous sommes donc face à des élèves vraiment motivés », confie Paul Rouffia, enseignant et référent de cette classe média.
« C’était mon chemin de croix »
Cette année, le projet de la classe média est bien différent. Preuve en est, les élèves de seconde ne sont pas conviés à y participer. Le projet intitulé «Elles, au-delà des blessures», initié en 2020 par le photojournaliste catalan Idhir Baha et l’association Apex, s’est poursuivi cette année sur trois mois. Face aux lycéens, deux femmes qui ont un point commun.
Marie et Aurélie sont des survivantes. Pendant des années, elles subissaient des violences conjugales. Grâce à un soutien approprié et une détermination remarquable, Marie réussie à s’échapper de cette emprise psychologique. Aujourd’hui et depuis maintenant quatre ans, elle témoigne.
«Dès le début, lors de notre rencontre avec Idhir, c’était une évidence de sensibiliser au sujet des violences conjugales le visage découvert. Inconsciemment, pour moi, j’ai révélé ce qui m’était vraiment arrivé », indique Marie. « Avant le projet, « Elles, au-delà des blessures », je ne l’avais dit à presque personne de mon entourage. Suite à mes prises de parole, un long processus de guérison a commencé. C’était mon chemin de croix. »
Une confiance établie entre lycéens et survivantes
Trois mois ont suffi à nos 12 lycéens narbonnais pour sortir ce magazine dédié aux violences intra-familiales. Un projet résumé en un mot : « confiance ». Pour Idhir, il n’y a pas de doute, les relations entre tous les intervenants du projet étaient basées sur la confiance.
« Marie et Aurélie étaient vraiment motivées et impliquées. Je savais que les accompagnants comme Paul, qui m’a contacté, étaient investis. Je pense qu’il faut casser cette image que l’on pourrait se faire des lycéens. Face à nous, on avait des élèves matures, ce qui m’a donné envie de faire ce projet », explique Idhir.
C’est ainsi que les témoignages de Marie et Aurélie ont été partagés dans l’enceinte du lycée Docteur Lacroix. « C’était vraiment de supers échanges avec beaucoup de discrétion du côté des lycéens. Ils ne sont pas allés chercher des détails que nous n’avions pas spontanément donnés sur les types de violences, le déroulé précis des faits… Le projet n’était pas du tout intrusif. Ils avaient leurs questions liées à leur thématique et les séances se sont déroulées très naturellement », assure Marie.
Le retour d’expérience de Zoé, élève en terminale
Si les thématiques traitées par la classe média varient au fil des ans, ce n’est pas la première fois que des lycéens se retrouvent face à de lourds témoignages. Il y a deux ans, les élèves avaient pu interviewer des journalistes réfugiés tout droit venus du Yémen et de Mauritanie. Des sujets difficiles qui se sont concrétisés grâce à Paul, Corinne et Perrine, accompagnateurs de l’option média.
Interrogée sur le projet de l’année, Zoé, en terminale, se confie : « Au début, ce n’est pas facile, surtout sans expérience. Écrire un article n’est pas une compétence innée. On voulait d’abord rester fidèles à leurs paroles mais il nous fallait également trouver le juste milieu entre ce fait de société et leur témoignage ». Aidée d’une juriste de l’association audoise Anav-11, les élèves ont posé leurs questions en lien avec la législation française et les violences au sein de la famille.
Si au départ Zoé a rejoint la classe média pour être avec ses amies, cela fait maintenant trois ans qu’elle suit les ateliers. Pas de regret pour la jeune fille, en témoignent ses récents résultats obtenus sur Parcoursup : admissible à l’Académie de l’ESJ Lille, école de journalisme prestigieuse. Son souhait de devenir journaliste est plus que confirmé par l’ensemble des projets menés au sein de son lycée.
«Elles, au-delà des blessures», un projet initié en 2020 à Perpignan
En 2020, en collaboration avec la rédaction de Made In Perpignan, Idhir Baha entamait son projet « Elles, au-delà des blessures ». Avec comme postulat, un confinement rendant plus que vulnérables les victimes de violences conjugales, Idhir est parti à la rencontre de trois femmes ayant survécu aux coups de leur conjoint.
Pour rappel en 2023, le collectif #NousToutes décomptait 134 féminicides perpétrés en France. Un phénomène mondial, présent à toutes les échelles sociales. Aujourd’hui encore, Marie témoigne pour sensibiliser : « À chaque fois, c’est une réparation supplémentaire sur ma confiance en moi. Le retour de nos interlocuteurs, c’est vraiment un apport à double-sens. »
Une exposition se tiendra jusqu’à septembre 2024, au lycée Docteur Lacroix de Narbonne, et reprendra les textes et photos des élèves en lien avec ce projet. « On en profitera pour diffuser et partager le beau magazine papier, qui fait une quarantaine de pages », nous précise Idhir.
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