Article mis à jour le 23 novembre 2023 à 22:02
C’est au cœur du quartier Saint-Jacques à Perpignan que Paul Orell s’adonne soigneusement à la conception de ses guitares. Talentueux, ce luthier autodidacte est passé d’amateur à professionnel. Il nous raconte.
Des volets à changer et une vidéo sur le Net, voilà le point de départ de notre histoire
Âgé de seulement 14 ans, le jeune Paul démontait déjà sa première guitare – offerte par son père – pour en comprendre le mécanisme, la graine est semée. En 2015, alors qu’il doit changer ses volets, Paul tombe sur un site marchand proposant du bois adapté à la confection d’instruments. Quelques clics plus tard, il découvre la vidéo d’un luthier confectionnant une guitare. Sa passion prend alors vie.
Séduit par ce minutieux travail du bois, Paul enchaîne les tutos Youtube, se plonge dans les livres spécialisés et finit par acheter son premier kit pour confectionner sa guitare. Ne maîtrisant que peu les outils, il achève « son précieux » trois mois plus tard. C’est dans ce tourbillon de projets qu’il décide d’ouvrir son atelier de luthier. Avec pour seule formation sa persévérance et son envie, ce jeune gitan se lance dans cette aventure en solo. Depuis deux ans, Paul est aussi l’un des fondateurs des Deux rives. Ce réseau permet de mettre en synergie les compétences de chacun au service du collectif. Grâce aux Deux rives, de nouvelles perspectives s’ouvrent pour Paul, en témoigne ce récent stage avec un grand nom espagnol de la profession.
Les guitares de la rumba catalane comme marque de fabrique
Issu de la communauté gitane et lui-même joueur de guitare, Paul a cette passion chevillée au corps. En 8 ans de métier, il a affiné ses techniques de travail et a fait des guitares de rumba catalane sa spécialité. Fabriqué avec la méthode traditionnelle espagnole à base de bois d’épicéa européen, Paul détaille fièrement les dessins « flammés » sur le bois de l’instrument. Cette esthétique provient d’une maladie causée par un champignon qui peut affecter le bois. Une particularité qui donne sa singularité à cette pièce.
Pour faire vibrer les aficionados de la rumba catalane, Paul a également mis en place un dispositif inédit. Un capteur spécifique afin d’entendre les cordes vibrer autant que les percussions résonnant sur la caisse et la table d’harmonie de l’instrument.
Au bout du manche et en guise de signature trône une couronne. Paul a choisi ce symbole pour laisser sa patte. Certains y voient des cornes de taureaux, d’autres un « M » inversé. Désormais, lorsque des artistes de renom se produiront avec les guitares de Paul, les spectateurs seront en mesure de reconnaître l’origine de l’instrument. Outre la signature apposée à l’intérieur de la guitare par le luthier, le façonnage de la tête la rend identifiable au premier coup d’œil. Si Paul réalise chaque année entre 3 et 4 ventes à environ 3.000 euros pièce, ce sont surtout les réparations qui constituent le plus gros du chiffre d’affaires de l’artisan.
Faute de moyens, une transmission du métier difficile
Souvent transmis de père en fils, les secrets du métier de luthier sont jalousement gardés. Paul parle même d’un métier qui se perd. « Si je pouvais financièrement avoir des apprentis pour leur enseigner le métier, je le ferais. Quand on voit en France tous les beaux métiers artisanaux qui ont disparu à cause du coût excessif de la main–d’œuvre, cela m’attriste.»
Père, Paul place ses espoirs de transmission de son savoir-faire sur deux de ses enfants qui l’observent travailler dans son atelier de 14m2. Mais en attendant qu’ils grandissent, il a trouvé une alternative. Grâce aux Deux rives, il espère proposer dès 2024 des stages-ateliers à des groupes de trois personnes pour une durée de trois semaines. L’objectif : faire découvrir le métier de luthier par la confection de sa propre guitare. Comme une histoire qui se répète…
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