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Portrait de Cathy à Perpignan, cette femme inspirante nous livre sa rencontre avec le peuple gitan

Portrait de Cathy, cette femme inspirante nous livre sa rencontre avec le peuple gitan

Article mis à jour le 24 avril 2025 à 11:14

Ce vendredi, nous avions rendez-vous avec Cathy dans un café place de la République à Perpignan. Devant sa tasse encore fumante, cette jeune retraitée hyperactive nous livre son parcours. Infirmière en santé publique, le combat de sa vie a été d’œuvrer pour les plus fragiles et les plus discriminés.

« J’ai pris conscience que l’être humain est fait de culture », entame Cathy. « Si on ne connaît pas la culture de l’être, notamment ses représentations sociales en santé, on passe à côté de plein de choses. » Elle nous raconte son amour pour la communauté gitane, ses racines, sa beauté.

« Je suis tombée en amour avec le monde des Tziganes »

Très jeune, Cathy comprend le regard différent que la société porte sur le handicap. « J’ai grandi avec un papa handicapé et je l’ai vu souffrir de cela », confie-t-elle. Quelque part, c’est sûrement ce qui l’a menée à choisir le métier d’infirmière. Originaire du Tarn, Cathy débute sa formation à Toulouse, où elle fait la rencontre du docteur Jean-Claude Giraud. « Ce monsieur avec sa grande chevelure et son petit bandana est venu nous présenter l’association Tzigane Solidarité », se remémore-t-elle. « Je suis tombée en amour avec le monde des Tziganes. »

La jeune étudiante décide de réaliser son mémoire sur la relation entre les Tziganes et les professionnels de santé à l’hôpital. Après avoir obtenu son diplôme en santé communautaire, elle travaille en immersion auprès de la communauté des gens du voyage pendant neuf ans.

Les Tziganes regroupent plusieurs ethnies : les Roms viennent de l’est de l’Europe, les Sintis viennent plus d’Italie, les Manouches, d’Allemagne. Les Gitans de Perpignan sont sédentarisés depuis Isabelle la Catholique, ancienne reine de Castille. « Il y a des Gitans espagnols et des Gitans catalans », précise Cathy. « Entre le Gitan qui joue de la guitare et le Manouche qui joue du violon, il y a tout un monde ! », sourit l’infirmière. Si la communauté Tzigane est très riche, les différentes ethnies se retrouvent autour de la tradition orale, de la religion et du nomadisme.

Le singulier noyé dans le pluriel chez la communauté gitane

À bord d’un van aménagé en salle de soins, Cathy et son équipe sillonnent les routes et s’arrêtent sur les différentes aires d’accueil, dites « sauvages ». « À l’époque, on touchait 600 à 800 familles autour de Toulouse. Dans ces communautés, ce sont les femmes qui portent la santé de leurs proches », nous explique Cathy, qui quotidiennement réalise des actions de prévention et des consultations médicales.

Pour Cathy, établir un lien de confiance est essentiel pour soigner cette communauté porteuse de discrimination. » Au bout d’une année, la jeune infirmière parvient à nouer une relation privilégiée avec ces femmes. « Je suis même devenue marraine de trois enfants, deux petits gitans et un petit manouche », nous confie-t-elle.

Les yeux qui pétillent, elle nous décrit le rapport singulier qui existe entre la communauté gitane et le handicap. « Je me souviens avoir vu des choses magnifiques, comme ce monsieur porteur d’un handicap mental, qui sous le regard bienveillant de la communauté, venait me voir au camion pour me vendre des cigarettes. » Chez les gens du voyage, l’individu, le singulier, est noyé dans le pluriel de la communauté.

Son engagement auprès des publics les plus précaires

Après neuf années passées auprès de la communauté, Cathy quitte la région toulousaine pour suivre son compagnon. Si ce départ est un crève-cœur pour la jeune femme, elle ne perdra jamais de vue son intérêt pour les autres. À Perpignan, Cathy décroche un poste à l’Agence Régionale de Santé. « J’ai contribué à mettre en place des dispositifs d’accès aux soins pour des gens en difficulté. Notamment pour les bénéficiaires du RMI (Revenu minimum d’insertion). »

Aux côtés d’Aline Vinot et d’une autre infirmière, Cathy crée la première permanence d’accès aux soins de santé hospitalière (PASS). Une unité de soins destinée à toute personne malade en situation de précarité. Vingt ans après, ce système de santé est toujours debout, une fierté pour Cathy.

Des années plus tard, elle prend la tête du Codes (Comité Départemental d’Éducation pour la Santé). Durant cette période, elle renoue avec la communauté gitane et le quartier Saint-Jacques. « J’étais directrice, mais j’avais gardé une petite marge de manœuvre pour être sur le terrain en tant qu’infirmière », explique-t-elle. Avec Karine Briot, chargée de projet au Codes, elles proposent une action de santé communautaire aux femmes gitanes du Nouveau-Logis.

« Karine a construit un projet à partir de leurs attentes, de leurs besoins », souligne Cathy. Ces femmes gitanes, qui n’avaient jamais fréquenté la piscine, ont appris à nager et à se reconnecter à leur corps. « Il y en a qui ont exprimé leur envie de perdre du poids. Donc on a mis en place des ateliers autour de l’alimentation, de l’activité physique », se souvient Cathy. Un projet retenu par l’Institut Renaudot, à Paris.

Quelque temps après, Cathy crée une nouvelle action : la « pause santé » au sein du quartier Saint-Jacques. En tant qu’infirmière, elle réalise des permanences et oriente les habitants vers le système de santé. « J’accompagnais les femmes Tziganes à l’hôpital, parce que j’avais très vite repéré qu’elles étaient porteuses d’une anxiété qui se transmet de génération en génération, comme une pathologie chronique. »

Les travailleurs sociaux particulièrement touchés par le burn-out

Suite à la fermeture du Codes en 2015, Cathy rejoint l’Anpa (l’association Addiction France) où elle découvre le monde des addictions. Elle se souvient de l’arrivée du Covid et des consultations en distanciel. La souffrance des patients au bout du fil, en train de décompenser et les professionnels de santé qui craquent les uns après les autres… Un épisode douloureux pour Cathy qui sera elle-même victime d’un burn-out.

Sa rencontre avec le directeur de l’association Solidarité Pyrénées l’aide à se relever des mois plus tard. À l’époque, Laurent Cavailhes Roux souhaite mettre en place un dispositif expérimental : une médiation en santé sociale liée au logement.

« Les bailleurs publics étaient confrontés à des personnes en difficulté sociale sur leur parc. Elles connaissaient des problèmes de surendettements ou de voisinage… », souligne Cathy. « C’était un dispositif « d’aller vers » ces personnes-là qui ne demandaient pas d’aide. De créer le contact et de leur proposer notre accompagnement, ce qui n’était pas gagné ! »

En parallèle, Cathy poursuit ses activités au quartier Saint-Jacques. À la tête de l’association le Fil à métisser, elle continue d’œuvrer auprès des communautés les plus fragiles et particulièrement des femmes gitanes.

Le Fil à métisser : dix ans d’écoute des Gitans de Perpignan 

Le réseau de santé Xarxa était animé par de nombreux professionnels issus du monde éducatif, de la santé, de l’éducation nationale et du monde social. La présence du Fil à métisser sur le quartier a permis aux femmes de la communauté gitane d’avoir un lieu ressource pour s’exprimer et se rencontrer, pour parler d’elles et de leurs difficultés.

Pendant le Covid, l’association est fortement sollicitée. En mars 2020, à Perpignan, la communauté gitane fut la plus touchée par la pandémie. « Il y avait un cluster communautaire et l’hôpital est venu nous chercher », raconte Cathy. Rapidement, une écoute psychologique est mise en place, l’équipe réalise des vidéos pour expliquer les gestes barrières en langue gitane.

Après 10 ans de médiation et d’écoute, l’association a été liquidée et fermée en février 2025. L’histoire du Fil à métisser s’achève par une cessation de paiements, et une liquidation judiciaire. Si l’association n’existe plus, son implantation dans les quartiers prioritaires de la ville laisse une empreinte indélébile. En témoigne le soutien indéfectible des femmes gitanes qui se sont battues pour le maintien du Fil à métisser.

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Célia Lespinasse