fbpx
Aller au contenu

Théâtre | À Perpignan, la science-fiction ce n’est pas qu’au cinéma !

Photos © Compagnie Les Reptiles de France.

Article mis à jour le 16 février 2023 à 11:02

Du 1er au 15 février, plusieurs cinémas et médiathèque en France, dont Perpignan, accueillent Les Mycéliades, festival de science-fiction. Au programme, des ateliers, et des projections de films. Mais saviez-vous que la science-fiction ça se passe aussi au théâtre ? Et ce genre est encore plutôt méconnu du grand public en France. Pourtant à Perpignan se trouve l’une des rares compagnies de théâtre de science-fiction du pays, Les Reptiles de France.

Elle propose des spectacles d’anticipations et nous projette dans un monde futuriste où il n’est pas rare de croiser extraterrestres, technologies avancées et personnages cyberpunk, mi humain-mi machine. Rencontre avec l’un de ses fondateurs, le dramaturge Nicolas Béduneau. Photos © Compagnie Les Reptiles de France.

Depuis quand existe le théâtre de science-fiction ?

Nicolas Béduneau : La pièce de théâtre d’anticipation connue la plus ancienne remonte à 1926. Elle a été écrite par un Tchécoslovaque Karel Čapek, et a pour titre « R.U.R. ». Il semblerait même que ce soit lui qui ait pour la première fois utilisé le terme « robot ». Il était déjà dans un des sous-genres de la SF : la dystopie. Le texte préfigure les avancées technologiques des années qui vont suivre. La pièce a été jouée mais n’a pas connu un succès mondial.

Puis on retrouve la science-fiction au théâtre dans les années 70’s – 80’s en France, avec des adaptations de Solaris par exemple. Récemment il y a eu aussi de nombreuses adaptations de l’oeuvre d’Alain Damasio, comme Les Furtifs – c’est un peu l’auteur qui a remis la SF au goût du jour – et plein d’expérimentations théâtrales autour de son livre La horde du contre-vent.

Et vous, quelles sont vos influences ?

NB : J’ai mes auteurs fétiches : Robert Charles Wilson, Stephen Baxter qui a écrit entre autres La longue terre (j’aime beaucoup les histoires de mondes parallèles). Il y a Ursula le Guin aussi, qui situe la science-fiction complètement ailleurs, dans des mondes très différents aux multiples possibilités ; elle fait plein de propositions de sociétés possibles. J’aime bien aussi la mystique, la métaphysique qu’on peut retrouver aussi dans la BD l’Incal, d’Alexandro Jodorowsky et Moebius.


Comment fait-on de la science-fiction au théâtre ?

NB : Il faut revenir à comment je conçois le théâtre à la base. Pour moi le théâtre est à mi-chemin entre la littérature et le cinéma : la première ne fait appel qu’à l’imagination, alors que le second envoie le spectateur dans un monde où tout lui est donné. Le théâtre donne à voir, à entendre, à ressentir. On est des boosters d’imaginaire ! Il y a aussi un échange d’énergie entre les gens qui voient et ceux qui jouent.

Pour créer l’ambiance, on fait un travail primordial sur les lumières et le son. Il faut immerger le public dans un contexte bien particulier. Après, quand j’ai commencé la science-fiction, j’ai dû chercher quels pouvaient être les codes de jeu. Et ils peuvent être différents. Par exemple, j’aime bien quand les acteurs et actrices font leurs propres bruitages sur scène, quitte à ce que ça devienne un peu parodique, comme avec ce que nous avons fait avec la série théâtrale Entropie.

Qu’est-ce qui change dans le jeu des acteurs ?

NB : Il y a quelque chose qui compte beaucoup, c’est le champ lexical. Ce sont les mots qui vont donner l’univers dans lequel on est. Le langage évolue en permanence, alors on se pose la question : dans le monde qu’on décrit, qu’est-ce qui sera modifié dans notre langage? J’aime chercher des appellations technologiques bizarres.

Après ça dépend aussi si on se situe dans un futur qui se soucie de la science ou pas. Parfois, j’ai travaillé sur de la hard science-fiction, qui propose un monde qui serait rendu plausible par la science. Dans « Le 3ème type », je joue un extraterrestre mais je dis des choses objectivement vraies. C’est même parfois un cours d’astrophysique simplifié que je fais aux spectateurs.


Où trouvez-vous l’inspiration pour les costumes et les décors ?

NB : Il y a de super sources d’inspiration dans la cinématographie SF des années 50,60, 70… Il y a des films incroyables pour l’époque, comme La Planète des vampires, avec quatre panneaux avec des diodes qui s’allument. C’est du bricolage, de la pacotille, et c’est ce qui se retrouve au théâtre.

Il m’arrive d’utiliser de vieux pistolets à colle pour faire des pistolets laser. J’aime quand on voit les « trucs » de théâtre, le bricolage comme fait Michel Gondry dans ses films par exemple. Les costumes brillants aussi, les grandes épaulettes, ça marque un univers.

Comment réagit le public face à vos créations ?

NB : Je dirais qu’il y a deux types de spectateurs : ceux qui viennent suivre une histoire et sont plutôt novices en SF, et les connaisseurs du genre qui ont beaucoup de références. Moi je m’adresse aux deux. Que ce soit de la SF ou non, c’est d’abord la dramaturgie qui va amener quel que chose aux gens. Et l’important c’est que quelque soit le niveau de connaissances du public, on puisse lui donner assez de billes pour qu’il se repère dans l’univers particulier qu’on lui propose.

Parfois certains fans voient des références auxquelles je n’avais même pas pensées. La SF est aussi un super biais pour amener certaines personnes au théâtre, je pense par exemple aux ados que j’ai en atelier scolaire. J’aime susciter l’intérêt de ceux qui pensent que le théâtre est élitiste et un peu ringard.

Qu’est-ce qui vous plaît dans le théâtre de science-fiction par rapport à d’autres genres ?

NB : Au théâtre, je ne vais pas avoir envie de me diriger vers quelque chose de trop réaliste. La science-fiction me propose d’être complètement ailleurs dans l’espace et le temps, ça nous permet d’être très libres dans la création. Ce qui m’intéresse, c’est pousser à fond les curseurs du monde actuel, voir jusqu’où on peut aller.

Ça nous fait nous questionner sur nous, notre place dans l’univers, et donc dans la cité ; c’est le rôle qu’avait le théâtre d’ailleurs dans l’Antiquité. On parle beaucoup d’utopie et de dystopie, mais j’aime faire de la prototopie, c’est-à-dire explorer comment le futur pourrait changer, comme avec notre dernière création « Je viens d’étrange ».

En novembre, Alain Damasio est venu se produire au Médiator devant une salle comble. Assistons-nous à un retour en force de la science-fiction ?

NB : C’est vrai que la SF a longtemps été considérée comme un sous-genre de gamins, alors que c’est un formidable outil pour parler du présent et du monde actuel. Comme maintenant on a plus d’angoisses vis-à-vis du futur, et avec la pandémie, j’ai l’impression que ça revient. Les séries grand public ont aussi permis de remettre la SF au goût du jour.

Participez au choix des thèmes sur Made In Perpignan

Envie de lire d'autres articles de ce genre ?

Comme vous avez apprécié cet article ...

Partagez le avec vos connaissances

Alice Fabre