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Les étudiants de Perpignan veulent-ils encore voter ? Réflexions sur une démocratie en crise

Illustrations Perpignan

Article mis à jour le 28 mars 2025 à 14:11

Dans l’amphithéâtre du campus Mailly de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) les jeunes arrivent petit à petit. Joan Chillon, étudiant et président de l’association « L’école Marianne Perpignan », accueille la dizaine d’étudiants et étudiantes. Bientôt, Henry Tyne, Jacobo Rios, et Vincenzo Celiberti s’installent sur l’estrade ; ils sont respectivement doyen de la faculté des Lettres et des Sciences Humaines, de celle des Sciences Juridiques et Économiques, et archéologue préhistorien et chercheur à Tautavel. Objectif de cette table ronde, réfléchir sur la problématique de l’abstention chez les jeunes. Un débat qui s’ancre dans la semaine de l’engagement organisée par « L’école Marianne Perpignan » du 24 au 28 mars.

C’est lors du scrutin des conseils centraux de l’université que les étudiants ont aussi choisi de se questionner sur l’abstention. Pour ce vote, seulement 21,9% des étudiants inscrits ont exprimé leur voix. Malgré la faible participation, Joan Chillon se veut optimiste « comparé aux dernières élections, (et les 7% de votants) c’est une très grande avancée ». Mais alors, qu’est-ce qui a changé entre-temps ? Cette année, les élections se sont déroulées par mail. Le premier débat se lance au sein de la table ronde : le vote en ligne.

Le vote en ligne fait-il disparaître la symbolique de l’acte citoyen ?

Chez les doyens et le chercheur, un même son de cloche semble se dessiner, le vote en ligne supprimerait la symbolique du vote. Même s’il consent que le taux de participation a triplé, Jacobo Rios déplore : « On lève la solennité du moment, mais c’est le prix à payer ». Pour Henry Tyne, voter via courriels électroniques est un risque : « C’est un mail parmi tant d’autres, il aurait pu passer à la trappe ».

Dans la salle, les étudiantes et étudiants se font timides, à défaut, c’est l’enseignant en droit public et candidat à la mairie de Perpignan qui monopolise les débats. L’ex-député s’interroge, quelle est la signification du vote des jeunes ? « Moralement, les étudiants ont été obligés de voter. Ils ne pouvaient pas se défausser en disant “ je ne suis pas là, je ne serai pas là, je ne pourrai pas venir” ».

Une première étudiante intervient, pour elle, le vote par mail comporte un défaut technique. « On était obligés de guider les étudiants pour qu’ils puissent voter. Il y avait plusieurs mails à aller chercher, un premier pour les identifiants, un autre pour les numéros… »

Le vote doit-il devenir obligatoire ?

Une camarade assise à côté d’elle prend le micro « Pensez-vous que l’on devrait rendre le vote obligatoire ? » À cette question, Joan Chillon et Vincenzo Celiberti rappellent que dans certains pays comme la Belgique et l’Italie, le vote est ou a été obligatoire. Le chercheur revient sur son expérience personnelle vécue en Italie. Sans émettre d’avis tranché, il répond « quelque part, ça peut responsabiliser un peu plus. Cela peut motiver ». Au contraire, pour Jacobo Rios, « obliger à voter, c’est restreindre la liberté personnelle ».

Pour un des étudiants, la vraie question n’est pas l’obligation du vote, la sensibilisation à l’importance du vote des jeunes. Rejoint par d’autres de ses camarades, l’étudiant explique que c’est surtout l’initiation au monde politique qui ferait défaut.

Joan Chillon intervient et amorce la dernière question du débat « Faut-il abaisser l’âge légal de vote à 16 ans ? ». Déjà mis en place en Estonie, en 2015, cette mesure avait été conseillée par le Parlement européen. Ce dernier conseillait aux pays membres d’harmoniser l’âge légal de vote à 16 ans.

En se souvenant de leur adolescent, les étudiants semblent émettre une réserve « je serais allé voter avec grand plaisir. Mais avec le recul, je me rends compte à quel point à 16 ans, j’étais sous l’influence totale de mes parents ». Des propos appuyés par un de ses camarades : « À 16 ans, on n’a pas le niveau d’éducation suffisant. Je pense qu’on ne connaît pas assez les institutions ».

Selon Henry Tyne l’avis politique « évolue tout au long de [la] vie ». Pour l’enseignant, à chaque âge, à chaque époque de la vie, une personne prend des décisions, comme le vote, avec les clés à sa diction à l’instant T.

Les jeunes ne prennent-ils plus part aux votes ?

L’abstention chez les jeunes est un réel sujet lorsque l’on regarde les chiffres. À l’élection européenne de juin dernier, les 18-25 ans se sont abstenus à 60 %. Cependant, pour les élections législatives qui ont suivi, les moins de 25 ans se sont déplacés à 57 % contre 31 % en 2022. Le désintérêt fluctue en fonction de l’enjeu des scrutins.

Une mobilisation illustrée par le témoignage de cette étudiante présente à la table ronde « Moi, je suis votante ». Pourtant, elle le reconnaît, autour d’elle, d’autres étudiants n’expriment pas leur voix. « J’ai des abstentionnistes autour de moi, j’essaie de leur expliquer que c’est important de voter », déclare-t-elle. Sa camarade ajoute : « Certains ne se sentent pas concernés, ils ne connaissent pas l’utilité qu’il y a derrière. Ils ne savent pas à quoi ça va leur servir de se déplacer pour voter. »

Un discours que l’on retrouve chez Timothy, 20 ans : « L’année dernière, j’ai beaucoup voté. Mais je trouve ça compliqué qu’il faille absolument être dans le village où on est né, ou celui où on habite, pour pouvoir voter. » Une problématique d’autant plus importante pour les jeunes étudiants loin de leur bureau de vote de rattachement. Pourtant, le dispositif des procurations a été largement renforcé.

Dans un article de la Fondation Apprentis d’Auteuil, le sociologue Vincent Tiberj explique que les jeunes ne reconnaissent « plus l’élection comme le moyen d’exercer leur citoyenneté ». Ils ont davantage tendance à choisir des moyens directs, manifestations, pétitions en ligne par exemple, pour exprimer leurs opinions.

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