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Peut-on vous prescrire de la Chloroquine demain ? Ce que dit la loi, et ce que vous risquez

Article mis à jour le 27 mars 2020 à 16:08

La situation actuelle et la crise sanitaire que nous traversons conduisent à préciser certains points qui font polémiques sur l’usage du sulfate d’hydroxychloroquine. Certains prescripteurs utilisent aujourd’hui en France ce principe actif pour le traitement des symptômes liés au Covid-19. Respectent-ils la loi ? Quels sont les essais en cours ? Quelle posologie et pour quels effets indésirables ?

Nous nous sommes tournés vers un spécialiste : Dominique Le Vu, pharmacien, qui a exercé 21 ans dans l’industrie pharmaceutique. Également enseignant en droit pharmaceutique à l’Université de Nantes et l’UFR santé d’Angers, il siégeait au Comité de Protection des Personnes Ouest IV.

Article mis à jour avec ajout de l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique rendu publique le 25 mars.

♦ Les médecins sont-ils libres de prescrire de la Chloroquine ?

Tout d’abord, il importe de rappeler que les médecins ont une liberté de prescription ; conformément au code de la santé publique, article R.4127-8 du CSP. Cet article stipule : « dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

Ceci autorise donc un médecin à prescrire même hors de ou des indications de l’AMM. Cette Autorisation de Mise sur le Marché permet aujourd’hui d’évaluer la qualité, la sécurité et l’efficacité des médicaments. Dans un tel cas, il en va de la responsabilité décisionnelle du médecin prescripteur ; celui-ci engageant sa responsabilité à trois niveaux, pénal, civil et disciplinaire.

♦ Un éclairage sur le protocole à base de Chloroquine du professeur Didier Raoult ?

Les autorités compétentes ne se sont pas encore prononcées sur le résultat clinique constaté à l’IHU Méditerranée Infection. Ce résultat clinique, suite à une prescription hors AMM du docteur Raoult, relève donc de sa seule appréciation en qualité de prescripteur.

Ainsi, l’utilisation en association avec un antibiotique, l’azithromycine, du sulfate d’hydroxychloroquine 200 mg (200 mg x 3 par jour pour 10 jours) ayant conduit, sur un nombre limité de patient(e)s (24), à une amélioration notable de l’état de santé peut, voire doit, faire l’objet d’une communication ; et ce dans le cadre des échanges entre professionnels concernés notamment dans une situation de crise sanitaire.

Néanmoins, aussi importante que puisse être une telle observation tout comme un résultat de recherche appliquée, une évaluation fondamentale « bénéfice/risque » pour le/la patient(e) pour un emploi à « grande échelle » sur une population malade doit se faire et suivre de façon indépendante et sans aucun conflit d’intérêts des règles rigoureuses ; comme c’est le cas dans la procédure générale d’octroi de l’AMM même si, suite à un arbitrage, cette procédure d’évaluation puisse être accélérée.

Il peut ainsi être par exemple possible d’octroyer une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) avant l’AMM, lors de la dernière phase dite de phase 3 des études de développement clinique. Cette phase  permet de prouver l’efficacité selon des procédures définies de Bonnes Pratiques et avec une information et un consentement écrit du ou de la patient(e) ou de son représentant(e) légal(e) (information et consentement).

♦ Quid des patients actuellement traités par Chloroquine (Plaquenil) ? Quel risque de pénurie pour eux ?

Dans ce cadre, il est à souligner que les autorités de santé ont accepté récemment la mise en place d’un essai clinique européen avec des patients traités par l’hydroxychloroquine. Mais ils n’ont pas encore recommandé une utilisation plus large de ce médicament pour traiter, à l’hôpital ou en médecine de ville, les patients atteints par le COVID – 19.

En outre, si une telle recommandation devient effective, il ne faudra surtout pas laisser alors « au bord de la route », du fait d’une potentielle pénurie du médicament, les patient(e)s actuellement traité(e)s dans les indications de son Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) ; à savoir la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux, le traitement d’appoint ou la prévention des rechutes des lupus systémiques et la prévention des lucites.

♦ Quelle posologie pour l’hydroxychloroquine et quels effets indésirables ?

Les effets indésirables connus et décrits de l’hydroxychloroquine (troubles oculaires, atteinte de la rétine, effets toxiques au niveau du cœur, troubles neurologiques, hépatiques, cutanés graves, réactions allergiques) doivent être pris en compte.

De même, la dose quotidienne normalement établie pour l’indication revendiquée lors de la phase dite 2 des études cliniques, allant actuellement de 200 à 600 mg (selon l’indication) par jour chez les patients adultes, devra être validée dans cette potentielle indication. Sachant que le risque et la sévérité de ces effets indésirables augmentent avec la posologie d’hydroxychloroquine ; et qu’il s’agit de plus d’une association avec un antibiotique.

En tout état de cause, même dans une situation comme celle liée à l’infection par le Covid-19, bien qu’il importe de suivre et être attentif à l’évolution des connaissances sur une potentielle indication d’un principe actif comme l’hydroxychloroquine, il reste essentiel d’assurer avec prudence et rigueur la sécurité du patient ou de la patiente ; et respecterl’article L.1121-2 du Code la santé publique qui stipule que « L’intérêt des personnes qui se prêtent à une recherche impliquant la personne humaine prime toujours sur les seuls intérêts de la science et de la société ».

♦ L’avis du Haut Conseil de Santé Publique du 25 mars

Élaboré le 23 mars à la demande de la Direction générale de la santé, l’avis du HCSP précise la place de l’hydroxychloroquine (PLAQUENIL 200 mg comprimé) dans la stratégie thérapeutique du COVID-19.

« Le HCSP recommande donc :

  • de réserver le traitement par hydroxychloroquine aux formes sévères de COVID-19, pour des patients hospitalisés ;
  • de conditionner la mise en place de ce traitement à une décision collégiale ; 
  • d’inclure le patient dans la mesure du possible dans la cohorte French COVID-19 (https://reacting.inserm.fr/) pour enrichir les données pertinentes disponibles sur ce traitement. »

L’hydroxychloroquine n’est à ce jour pas recommandée par le Haut Conseil :

  • en prophylaxie de COVID-19,
  • chez des patients pauci-symptomatiques ou présentant une infection respiratoire basse non compliquée.

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Arnaud Le Vu