Article mis à jour le 8 avril 2018 à 14:37
Le droit dans Game of Thrones, voilà une idée « saugrenue » pour certains, « géniale » pour d’autres, et plus particulièrement pour les fans de la série qui multiplie les records autant en terme d’audience que de budget. Ils étaient nombreux à l’amphithéâtre du Campus Mailly de l’Université de Perpignan, la plupart étudiants en droit curieux de voir ce mélange des genres. Une volonté de montrer « que le Droit est partout dans le quotidien » pour Vassily Lorre, de « Revu Campus Mailly », association d’étudiants à l’origine de l’invitation du conférencier Valère Ndior. Une conférence ponctuée d’extraits de la série pour illustrer l’importance du droit et la façon dont il est appliqué dans l’univers du Trône de Fer. Avant le début de la conférence, le jeune enseignant s’est fendu d’un avertissement peu habituel dans ce genre d’environnement « Risque de spoils* dans cette conférence ».
♦ Le duel judiciaire de Tyrion Lannister très répandu en Europe du Moyen Age au XIXème siècle
C’est pour contrer la toute puissance, souvent injuste, d’un souverain que le duel judiciaire est né. Les exemples de justice expéditive dispensés par les souverains pour sanctionner leurs vassaux accusés d’actes de trahison ou de violation de serments sont légion à travers l’histoire. Dans la série aux Sept Couronnes, ces semblant de procès se soldent souvent par la mise à mort de l’accusé. Valère Ndior illustrant son propos:
- Ned Stark procède ainsi dès le début de la saison 1
- Robb Stark exécute Rickard Karstark au début de la saison 3
- Jon Snow décapite Ser Janos Slynt dans la saison 5.
Pour l’enseignant, « la justice est souvent radicale, d’issue violente, mais elle existe ».
Pour contrer ce semblant de justice, dès le moyen âge, de nombreux cas de duel judiciaire sont rapportés dans les ouvrages d’histoire. La pratique consiste à exiger un combat à mort pour prouver son innocence. Une justice qui fait appel aux Dieux, seuls à même de pouvoir donner aux combattants la force nécessaire à remporter le combat. Une victoire synonyme d’innocence, elle lave ainsi le prévenu de toute accusation et coupe court au procès.
Valère Ndior de prendre l’exemple de Tyrion Lanister qui utilise ce mécanisme juridique à deux reprises.
« Tyrion Lannister est amené à faire appel deux fois au duel judiciaire dans la saga, tout en mettant en avant, de manière très critique, les failles du système judiciaire existant dans les Sept Couronnes, notamment l’absence de véritable contradictoire. L’épisode 6 de la saison 1 en offre une excellente illustration avec le procès de Tyrion aux Eyrié. La critique de la justice développée par Tyrion dans cet épisode est pertinente dans la mesure où l’autorité amenée à juger semble avoir le dernier mot. On peut toutefois souligner de manière très critique le caractère abusif de ce procédé. Comme le confirme la scène suivante issue de la saison 4, le recours au Trial by combat peut être envisagé dès lors que la personne accusée estime que le vent tourne et que son procès, si on peut le qualifier ainsi, ne connaîtra pas d’issue favorable ».
♦ La Pop culture dans l’enseignement « Une pratique scandaleuse à mon époque »
Valère Ndior, maître de Conférence à l’Université Toulouse 1 nous confiait : « Si je mobilise mes souvenirs d’étudiants, nous avions des enseignants qui faisaient référence à la Pop culture, mais ces procédés se sont développés d’abord en Belgique puis en France depuis une dizaine d’années. À mon époque, certains de mes enseignants, voire des étudiants, auraient trouvé cette pratique scandaleuse ».
Depuis, ce « tout juste trentenaire » a franchi le pas, il a décidé d’enseigner le droit autrement, et ça marche ! Pas seulement auprès des étudiants mais aussi auprès de ses collègues, qui sont nombreux à le solliciter pour dispenser ses conférences à travers les universités. Comme Valère Ndior, Jacobo Rios, Maître de Conférence en droit international et Vice doyen de la faculté de droit de Perpignan, dans l’assistance ce vendredi 6 avril, utilise de nombreuses références à Game of Thrones mais aussi à 007, le célèbre espion britannique.
En janvier 2016, les Licence 3 ont eu la surprise de voir arriver sur leur sujet de partiel un cas pratique assez étonnant. L’étudiant devait se mettre dans la peau d’un conseiller juridique et apporter ses lumières au Ministère des affaires étrangères de Winterfell. En effet, deux heures auparavant Castral Roc publiait un communiqué « se réjouissant de l’acceptation de ses prétentions par Winterfell ». La petite histoire ne dit pas si la majorité des étudiants a choisi ce cas pratique, mais il est certain que les fans de la série auront pu laisser libre cours à leur imagination tout en appliquant leurs connaissances juridiques.
L’enseignant avait tout de même prévu pour les moins à l’aise une dissertation avec un sujet plus classique. « Ressemblances et dissemblances entre la société internationale et la société humaine : peut-on appliquer le droit international à la vie quotidienne ? ».
Jacobo Rios et Valère Ndior se connaissent bien, ils étaient tous deux chargés de Travaux Dirigés à l’université de Cergy-Pontoise. Valère Ndior également à l’initiative du blog « Le droit international expliqué à Raoul » a interviewé son ancien collègue en 2015. Il s’interrogeait sur la représentation que donnait l’enseignant du droit international à travers 007 ou la série 24h Chrono et la manière d’utiliser ces notions lors de ses enseignements.
« La réalité dépasse souvent la fiction, mais si vous regardez Casino Royale, des exemples flagrants de violation de la Convention de Vienne de 1961 apparaissent, avec la prise d’assaut d’une ambassade par James Bond ! Le lien entre 007 : Rien que pour vos yeux et l’affaire du Détroit de Corfou (CIJ, 1949) est également frappant. J’analyse l’action britannique dans ces films comme une vision « réaliste » des relations internationales, James Bond agit dans un monde westphalien où les souverainetés sont juxtaposées, à la différence d’un certain « idéalisme » anachronique d’OSS 117, symbole d’un colonialisme dépassé, dans une vision parodique de l’action extérieure française. Jack Bauer, dans 24 heures chrono, présente des caractéristiques très particulières : bien ancré dans l’époque de l’administration Bush, il défend une vision « jusnaturaliste » du droit international, un jusnaturalisme quantitatif : sauver des vies entraîne la violation du droit, et Jack Bauer agit ainsi sans pour autant contester l’illicéité de ses actions. On peut notamment le constater lorsqu’il est interrogé par une commission d’enquête du Sénat américain, au début de la saison 7 ».
♦ Le droit pour tous et partout
Dans la même veine que la conférence de Valère Ndior, le concours d’éloquence organisé par les étudiants de la faculté de droit de Perpignan. Chaque année, les meilleurs orateurs parmi les étudiants s’affrontent devant le jury composé d’enseignants et de magistrats. En 2017, ils étaient 10 à déclamer leur plaidoirie pour répondre à des questions parfois métaphysiques telles que : « Faut-il cultiver son ignorance ».
Ce genre de concours est de plus en plus fréquents allant même jusqu’à mettre en scène le jugement de l’un des plus « grands méchants » de la culture cinématographiques, Dark Vador.
À Perpignan, la finale du concours d’éloquence se tiendra le 20 avril au Tribunal de Grande Instance de Perpignan.
*Spoils : Fait de révéler le dénouement d’une fiction. En anglais, le mot spoiler signifie gâcher.
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