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Pyrénées-Orientales, récit d’une mort annoncée – Maryse vivait dans le Conflent

Pyrénées-Orientales, récit d'une mort annoncée - Maryse vivait dans le Conflent

Article mis à jour le 21 décembre 2024 à 14:19

Marie-Thérèse, plus connue sous le prénom de Maryse, était l’une des 60 habitantes de cette commune reculée dans le Conflent. Les circonstances de son décès à 80 ans posent la question de la prise en charge des personnes âgées. Un système de soins qui peine à respecter les exigences morales qu’il s’est lui-même fixé, qui « part en sucette » résume la maire de Conat. Photo © Archives 2020.

Sur une boucle WhatsApp, Olivier, infirmier près de Prades, partage son désarroi

Des mots qui oscillent entre lassitude et colère d’un système de soins malade. « Cette semaine, pas à des milliers de kilomètres d’ici, mais à côté d’ici, des gens meurent faute d’accès aux urgences. »

Contacté par téléphone, Olivier se rappelle la journée du vendredi 26 juillet 2024. « En ce moment, nous avons des journées de 15 heures, et vendredi on m’a appelé pour me demander de passer voir cette dame que je ne connais pas. Sur le coup, j’ai répondu que ce n’était pas possible. » Mais à l’autre bout du fil, Johanna Messager, maire de Conat, insiste. « La dame n’allait vraiment pas bien. J’ai demandé à Johanna Messager ce qu’elle attendait de moi. Et c’est là qu’elle m’a dit qu’une ambulance était venue la veille, mais que le service des urgences leur avait dit que compte tenu de l’attente, il ne valait pas mieux la prendre. » Avant de se décider à prendre la route, Olivier joint le médecin traitant, qui selon l’infirmier, refuse aussi de se déplacer.

Bref, Olivier décide de prendre la route. « Je suis infirmier et oui c’est un sacerdoce, sincèrement. Et je lui ai juste fait une toilette, mettre un peu d’humanité dans tout ça. »

Selon le soignant, le système de soins ne veut plus prendre en charge les personnes âgées. Entre colère et tristesse, il ne peut que constater que le système actuel déraille faute de lits, de soignants et finalement d’une prise en charge des plus fragiles.

Après 15 ans dans la profession, Olivier se dit dégoûté. La voie éraillée par l’émotion l’infirmier conclut : « Dans ce département, et surtout en été, ils ne viendront pas vous chercher si vous avez plus de 80 ans. »

« Dans la lettre au préfet, je ne peux que déplorer que le système de soins part en sucette »

Après avoir été conseillère municipale, Johanna Messager est maire sans étiquette de Conat depuis 2020. Elle est sur le point d’écrire une lettre au préfet. Ce mardi 30 juillet, alors que la canicule est déjà installée depuis plusieurs jours, la jeune élue revient sur la prise en charge de Maryse.

Loin de sa famille, Maryse vit seule à Conat et les élus se relaient pour garder un œil sur elle. Johanna savait que Maryse était sortie de l’hôpital le mercredi 24 juillet et qu’elle avait rejoint son domicile à Conat. Le soir même, Maryse a tenté de joindre la maire, mais cette dernière n’a eu son message que très tard. Le lendemain, jeudi, Johanna se rend directement chez Maryse. Elle est dans son lit, affaiblie, souillée, mais réagissait aux paroles de Johanna.

« Il devait être 9 ou 10 heures, et j’ai décidé d’appeler le 15. Le médecin régulateur m’indique que Maryse avait refusé d’aller en centre de soins de suite. Après un long monologue, me précisant qu’elle aurait dû se trouver en gériatrie. Il a finalement accepté d’envoyer une ambulance. Ils sont arrivés vers 10h30 et l’état de Maryse s’était dégradé. Ils m’ont dit qu’il y avait 14 heures d’attente à l’hôpital et qu’il valait mieux qu’elle reste là, plutôt que de passer toute la nuit sur un brancard. Et ils sont repartis. »

Johanna rentre aussi chez elle, mais au petit matin, elle se réveille en sursaut, craignant que la grand-mère était décédée. « Je suis allée chez elle, et elle était tombée de son lit. Avec mon compagnon, on l’a relevée et remise dans son lit. Elle était pleine de bleus, et gémissait. Puis j’ai rappelé le médecin, qui m’a dit de faire revenir l’ambulance. Entre-temps, j’ai appelé un infirmier au hasard, et je suis tombée sur Olivier. Je lui ai demandé de venir m’aider à faire sa toilette, à la changer. En attendant Olivier, j’ai rappelé le Samu*, qui m’a à nouveau remballée. Ils m’ont rétorqué qu’ils avaient des choses plus importantes à faire. » Finalement l’ambulance est revenue vers 13h le vendredi et a pris Maryse qui décédera 2 jours plus tard.

Qui doit venir au chevet de nos aînés ? La maire de cette commune du Conflent s’interroge

Si Johanna ne remet pas en question sa place auprès de Maryse, elle s’interroge sur le rôle d’un élu. « Sur une commune plus grande comme Prades, les élus viennent-ils au chevet des personnes qui ont des problèmes ? Qu’est-ce qui fait que nous, en tant que maire d’une petite commune, devons absolument tout gérer et prendre la responsabilité de tout ? Si je n’avais rien fait, peut-être qu’on me l’aurait aussi reproché. »

« Je ne sais pas quelles sont les réponses qui peuvent être apportées par la préfecture, mais en matière de santé, c’est l’ARS qui donne les ordres et les directives de l’État. Et là, clairement, l’État était défaillant. Et à notre petite échelle, il y a zéro solution. »

Johanna est excédée, mais se donne le temps de reprendre ses esprits. À chaud la jeune élue ne peut que constater l’absence de médecins et qu’ils ne se déplacent plus sur sa commune. « C’est juste pas normal », déplore-t-elle. « Et puis on fait travailler les gens plus vieux, mais après on peut pas ou on n’a pas les moyens de vivre plus longtemps, donc c’est un peu paradoxal. »

Quelle prise en charge pour la fin de vie ?

Alors que l’espérance de vie a fait des bonds considérables, les personnes âgées sont de plus en plus isolées. Comment faire quand leur commune est elle-même éloignée de toute structure de soins ? Dans un département où les seules structures d’urgences sont sursaturées et peu adaptées à l’accueil des personnes âgées, quelle prise en charge pour ces personnes qui nécessitent soutien et accompagnement pour leur fin de vie ? Doit-on se résoudre à voir nos aînés mourir seuls dans leur lit ? Une chose est certaine, personne n’a la réponse et encore moins Maryse.

*Contacté, le service communication de l’hôpital de Perpignan n’a pas donné suite.

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