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Interview – Le préfet Thierry Bonnier sur le départ : « Je me vois comme une sorte de chef d’orchestre »

Interview du préfet Thierry Bonnier avant son départ : "Je me vois comme une sorte de chef d'orchestre"

Avant de rejoindre la coordination sécuritaire des Jeux olympiques d’hiver 2030, Thierry Bonnier quitte les Pyrénées-Orientales après deux années à la préfecture. Sécheresse, accueil des gens du voyage, emploi et économie : retour sur les dossiers structurants de son mandat.

Interrogé sur l’empreinte laissée par son passage dans les Pyrénées-Orientales, Thierry Bonnier s’attarde sur les habitants du territoire. Il dit vouloir emporter avec lui le souvenir d’une population attachée à son identité et à ses traditions, mais aussi confrontée à de réelles fragilités sociales et économiques.

« Les Catalans sont parfois vus comme compliqués, moi je les trouve attachants. » Au-delà des sentiments, Thierry Bonnier constate parfois une réelle difficulté « à faire collectif ». « Je pense qu’aujourd’hui, si on veut avancer, il faut se serrer les coudes et avancer tous dans le même sens. »

La sécheresse : dossier fil rouge du Préfet Bonnier dans les Pyrénées-Orientales

« Quand j’étais préfet de l’Aude, en 2021, j’avais déjà commencé à réduire les autorisations d’usage de l’eau, mais dans les Pyrénées-Orientales, pour des raisons y compris sociologiques, la prise de conscience a été plus tardive. Du coup, ça a été plus brutal. Et dès mon arrivée, en septembre 2023, tout le monde voulait un plan Marshall pour l’eau. Mais ça n’existe plus ! Christophe Béchu* a également questionné les acteurs. ‘Qu’avez-vous fait depuis 25 ans ?’ J’ai prévenu que pour un préfet, la solution ultime était de fermer les robinets. Et puis, j’ai réuni tout le monde en leur demandant de proposer des solutions pour réduire et optimiser la ressource en eau. Et ils ont joué le jeu, chaque filière (agricole, tourisme), les collectivités, tous ont proposé des solutions. Avec ces propositions, nous avons bâti le plan de résilience et je suis allé le défendre à Paris. »

« Les premiers projets ont été identifiés et inscrits dans le plan de résilience. Désormais, je peux prendre comme exemple, la pose récente de la première pierre de la station de REUT d’Argelès-sur-Mer. À terme, chaque année, 1,3 million de M3 d’eau seront destinés à 600 hectares cultivés. Quand on travaille ensemble et qu’on arrête de s’opposer les uns aux autres, les choses avancent. »

Le dossier de l’accueil des gens du voyage repris en main par le préfet Bonnier

Comme chaque année, les maires des communes du littoral catalan sont confrontés à des arrivées de centaines de caravanes souhaitant s’installer. Et chaque année, parce que les communautés de communes ne respectaient pas leurs obligations en matière d’aires d’accueils, les procédures traînaient en longueur sans aucun moyen d’action pour les maires. Mais en 2025, Thierry Bonnier a repris les choses en main et fait en sorte que les obligations en matière d’accueil soient respectées. Désormais, les expulsions des caravanes installées de manières illicites sont plus rapides .

o »Effectivement, à partir du moment où la notification de quitter les lieux a été faite aux gens du voyage, ils sont partis dans les cinq jours. L’année dernière, il y avait beaucoup de tensions des élus envers l’État. Ils me disaient ‘que fait l’État ?’ Et moi je rétorquais : ‘Et vous, qu’avez-vous fait ? Vous n’avez pas mis en œuvre le schéma d’accueil des gens du voyage.’ J’ai donc proposé aux collectivités de m’indiquer des terrains, j’ai donné des autorisations et signé des arrêtés préfectoraux de désignation des aires qui m’ont été proposées. Cela permet d’être en conformité. »

PREFET THIERRY BONNIER PORTRAIT DEPART

Au-delà de l’accueil pur, la médiation a aussi été consolidée : « On a permis le recrutement par Solidarité Pyrénées d’un nouveau médiateur. » Et la feuille de route transmise à son successeur est explicite : « Il faut continuer, il faut poursuivre. »

Sur quel volet ou dossier auriez-vous pu faire autrement ?

« Là où il y a encore beaucoup à faire, c’est sur l’économie et l’emploi. On a des pépites, et on travaille au développement notamment via « Territoires d’industrie » par exemple. Quand j’étais dans l’Indre, un département très rural, 15% de l’emploi était dans l’industrie. Dans les Pyrénées-Orientales, il n’y en a que 4%. On a aussi un pôle nautique. C’est extraordinaire. Mais il faut faire mieux aujourd’hui. Parce que, concrètement, toute l’économie est basée sur du saisonnier. »

Sur l’insertion, le préfet résume la nouvelle architecture locale : « La politique d’emploi, c’est l’État. La nouvelle politique publique qui a été décidée et mise en place dans le département, c’est de réunir l’emploi et l’insertion. » Concrètement, une gouvernance départementale par comités locaux associant services de l’État, Département, CAF, missions locales et acteurs associatifs. Elle s’accompagne du « travail de suivi de la recentralisation du RSA. » Sur les freins au retour à l’emploi, la garde d’enfants, la mobilité et le logement ressortent comme déterminants, avec un appel à des réponses “très opérationnelles” au niveau des bassins d’emploi, au plus près des entreprises et des familles.

“La Méthode Bonnier” : proximité et transparence comme lignes de conduite

Sur la manière de « faire État » dans un département sous tension, Thierry Bonnier assume une ligne claire : « je souhaitais incarner un état proche à l’écoute et réactif. » Cette proximité se double d’un souci constant de pédagogie : « Comme sur tout, mon sujet est d’expliquer et d’être le plus transparent possible. » Quant à l’usage assumé des outils de communication ? « On a toujours un petit sujet entre le savoir-faire et le faire savoir. »

Le préfet Bonnier revendique enfin un rôle d’animateur-coordonnateur : « Finalement, je ne suis expert en rien du tout. Je suis une sorte de chef d’orchestre. J’aime ça : créer du lien ! » Mais le préfet s’est parfois heurté à un manque de volonté des acteurs à agir ensemble. « Je pense que si on ne travaille pas dans le collectif, on n’y arrivera pas. »

*Christophe Béchu a été ministre de l’Écologie de juillet 2022 à septembre 2024.

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