Ce 8 novembre 2024, Arnaud Rousseau, patron du principal syndicat agricole était dans les Pyrénées-Orientales. Alors que s’ouvrent les élections pour les chambres d’agriculture et que la sécheresse sévit toujours dans le département, les réponses à la colère des agriculteurs se font encore attendre.
Face à une soixantaine d’agriculteurs membres de la FNSEA* ou du syndicat des Jeunes agriculteurs, Arnaud Rousseau tente d’apporter des réponses. Les agriculteurs des Pyrénées-Orientales sont inquiets. Ils questionnent le syndicaliste sur les assurances, l’éventuelle signature du Mercosur**, les moyens d’action face aux taxes douanières annoncées par Donald Trump, les difficultés de la filière élevage, ou le détail des aides. Mais pour les agriculteurs et malgré les semaines de mobilisation en janvier dernier, le compte n’y est toujours pas. Et un nouvel appel à manifester est lancé pour la mi-novembre.
Quelle forme pourrait prendre la mobilisation agricole dans les Pyrénées-Orientales ?
Si les panneaux de nombreuses communes du département avaient mystérieusement disparu le 2 octobre dernier, du côté de la FNSEA, le message est clair : « mobilisation oui, mais pas d’atteinte aux biens, ni aux personnes », insiste Arnaud Rousseau. « Nous, on est responsables ! On a un discours et des revendications claires. Et on dira ce qu’on a obtenu, ce qu’on veut aller chercher et comment l’obtenir. » Et le syndicaliste de citer l’exemple du récent élargissement de la prise en charge par l’État des conséquences des différentes formes de la fièvre catarrhale ovine.
Dans les Pyrénées-Orientales, rien n’est encore acté, précise le responsable de la fédération départementale, Bruno Vila. Le producteur de fruits et légumes confirme « qu’aucune action importante n’est calée pour le moment ». Selon le syndicaliste, et même si les troupes s’impatientent, des réponses sont toujours attendues après la récente visite de la ministre Annie Genevard. « On est tolérants, parce qu’elle débarque et qu’elle prend le temps d’aller dans les territoires. On va attendre encore un peu pour voir les réponses et en fonction de ça, on réagira. »
Malgré cette patience, quelques actions symboliques, et notamment la restitution des panneaux sont prévues. « À la base, on aurait dû vous appeler pour les rendre dans le lit de l’Agly, mais il a plu trois jours après. C’est donc tombé à l’eau », lance avec humour, Pierre Hylari, président des Jeunes agriculteurs du 66. Avant de préciser que les actions seront différentes selon les départements.
Parmi les questions de la profession toujours en suspens, Bruno Vila rappelle n’avoir aucune réponse aux demandes sur les fonds d’urgence, d’allégement des charges ou prise en charge des cotisations. Par ailleurs, pour Bruno Vila, toutes les solutions ne sont pas du ressort de la ministre. Sur la ressource en eau, le syndicat veut des actions de la part des collectivités locales, conseil départemental en tête. Selon Pierre Hylari, si toutes les filières ont été impactées, » il ne faut pas oublier la situation particulière que nous vivons dans les Pyrénées-Orientales. Ici, nous avons des problèmes conjoncturels. » Et notamment autour des sujets de l’eau.
« La colère, ce n’est pas un projet pour l’avenir de l’agriculture »
Face à des discours syndicaux qui prônent des mobilisations plus fermes, le patron de la FNSEA calme le jeu. « La colère, ce n’est pas un projet pour l’avenir de l’agriculture. Nous ne sommes pas là pour emmerder les Français, mais plutôt pour les prendre à témoin sur des sujets tels que la durabilité agricole ou la souveraineté alimentaire. Parce que quand vous bloquez, vous emmerdez tout le monde. » Malgré ce calme apparent, la FNSEA appelle aussi à la mobilisation. Et notamment parce que, lors du G20 du 18 novembre prochain qui se tiendra au Brésil, des discussions autour du Mercosur sont à l’ordre du jour.
L’Europe passoire et les entraves à la production, « ça nous pose un problème »
Début 2024, les routes de France et des Pyrénées-Orientales étaient régulièrement bloquées par les tracteurs du monde paysan, un secteur qui perd du poids dans l’économie chaque année et qui ne parvient pas à sortir la tête de l’eau. Sécheresses, inondations, gel, normes sanitaires, déprise du foncier agricole, maladie dans les élevages, ou système assurentiel déficient, le monde agricole vit au rythme des crises successives. Après les mobilisations, le premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, avait semblé renouer le dialogue.
Mais patatras, la dissolution décidée en juin avait mis un coup d’arrêt aux avancées âprement obtenues. Or, selon Arnaud Rousseau, les manifestations n’ont pas été en vain. Il rappelle le travail fait autour de la loi d’orientation agricole. Selon l’agriculteur, le texte sera débattu au Sénat le 15 janvier prochain. Il revient aussi sur les éléments plus concrets obtenus ; tels qu’un assouplissement sur le gasoil non routier, ou le principe d’un contrôle administratif unique par an.
Mais Arnaud Rousseau rappelle que « le changement de logiciel attendu n’est toujours pas au rendez-vous » et pointe, entre autres, « l’Europe passoire ! On peut faire toutes les lois qu’on veut, si par ailleurs, il arrive de partout des produits qui ne respectent en rien nos standards. Il y a un moment où nous on a un problème. Si les Français ou les Européens ne sont pas gênés d’avoir du bœuf aux hormones, de la volaille avec des accélérateurs de croissance ou des produits phyto interdits, nous ça nous pose problème ! »
Des contraintes « injustes et incompréhensibles »
Sur certains points, le constat est partagé entre l’État et le monde agricole. Et pour Arnaud Rousseau, « il faut enfin passer aux travaux pratiques. » Plusieurs actions peuvent être décidées par décret. Et notamment sur l’usage des produits phytosanitaires. « Comment on fait pour lutter contre les insectes quand on produit de la nectarine ? On arrête la production, puis on importe les nectarines de pays qui utilisent ces matières actives ? Ça n’a pas de sens ! »
Pour Arnaud Rousseau, il faut lever ces contraintes. « Pas parce qu’on est des dingues », assure-t-il. « Mais parce qu’à chaque fois qu’on arrête de produire, on perd la souveraineté, et on dépend d’autres ; qui utilisent des méthodes qui ne sont pas les nôtres. Pour nous c’est à la fois injuste et incompréhensible ! »
Des élections à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales début 2025
Si la liste de la FDSEA sera déposée début décembre, la venue d’Arnaud Rousseau lance la campagne de la représentation syndicale au sein de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales. Du 13 au 21 janvier 2025, les agriculteurs sont appelés à voter pour élire leurs représentants pour un mandat de six ans.
« Avec Fabienne Bonnet (présidente de la Chambre d’agriculture sortante), on finit dans le dur. Sur une situation de sécheresse intense. Et on s’est tous battus collectivement pour défendre au maximum le territoire et les agriculteurs. Le mandat débute avec des enjeux énormes sur l’eau, le foncier, le maintien de filières majeures ou le renouvellement des générations. » Et Bruno Vila insiste sur la nécessité de mobiliser pour conserver une légitimité et mener à biens les négociations. « Quand on dit, nous avons été élus avec 60% des voix des agriculteurs du département, le préfet sait à qui il parle. » Pour le syndicaliste des Pyrénées-Orientales, » la représentativité est essentielle au niveau local, comme au nouveau national. »
*FNSEA, Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.
**Mercosur, accord de libre-échange entre l’Europe et les pays d’Amérique latine.
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