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Du jamais vu dans les Pyrénées-Orientales : de plus en plus de tortues caouannes viennent pondre sur nos plages

La progression est impressionnante. On recensait une seule ponte de tortue Caouanne en 2006 pour toute la Méditerranée. Mais cet animal qui pèse jusqu’à 160 kgs et mesure jusqu’à 1,20 m semble de plus en plus présent, avec 9 pontes en 2023 et 2024, et 18 en 2025. Dans les Pyrénées-Orientales, la première ponte a été enregistrée à Saint-Cyprien, en 2024. Cette année, en septembre notamment, les tortues géantes ont pondu à Argelès-sur-Mer, au Barcarès, et dans l’Aude du côté de Leucate. Photo d’ouverture © Benjamin Guichard – Office Français de la Biodiversité

La tortue caouanne est aussi énorme que discrète. « Elle pond la nuit », explique Jessy Vivès, chargé de mission OFB pour le Parc Marin du Golfe du Lion. « Habituellement les tortues caouannes pondaient en Grèce, à Chypre, en Turquie, en Libye et en Italie. »

Pourquoi cette soudaine arrivée sur les côtes françaises ? Les facteurs restent hypothétiques à ce jour. Il faut savoir que les tortues caouannes vivent dans l’eau et ne viennent sur la plage que pour pondre, une fois tous les deux ou trois ans.

« Cela peut être dû à des causes hydrodynamiques qui transportent leurs ressources alimentaires vers chez-nous. »

Le réchauffement climatique pourrait avoir joué, de même que dans le réchauffement du sable de surface, plus propice désormais pour enfouir les œufs.

Des tortillons du cru

Mais l’autre raison pourrait être tout simplement le caractère « philopatrique » de la tortue. En clair, nos petites catalanes ont tendance à revenir pondre sur leur plage de naissance, mais seulement à leur maturité sexuelle, soit après 20 ou 30 ans. « Si ça se trouve, il y a vingt ans, des tortues qu’on n’avait pas vues ont pondu ici. »

Les nouveau-nés ne mesurent que deux ou trois centimètres © Mathurin Aubry – Groupe Ornithologique du Roussillon (GOR)

S’ils survivent, les tortillons plus nombreux nés cette année sur les côtes des Pyrénées-Orientales pourraient intégrer une chaîne croissante de retours dans les décennies à venir. Cela paraît atypique car dans l’imaginaire du grand public, la tortue caouanne est un animal exotique.

« Pour le public, la tortue caouanne ne vient pas d’ici. Mais elle est un animal qu’on appelle cosmopolite, elle est présente dans quasiment toutes les eaux du globe, dont la Méditerranée. »

Bonne nouvelle ou signe de changement ? Incertain à ce jour. « Nous sommes très contents de pouvoir gérer cette thématique au sein du parc. Et le capital sympathie de la tortue est important, cela nous permet de rendre visible notre travail. En revanche, d’un point de vue de la biodiversité, nous n’avons pas encore les conséquences scientifiques. »

Les œufs fragiles sont enfouis à 20 cm sous le sable

Les œufs pondus en été mettent en moyenne 55 jours à éclore. De même que les nouveau-nés, ils sont d’une fragilité notoire. Le parc a mis en place des zones de protection autour des sites repérés afin que les badauds n’écrasent pas des œufs enfouis parfois à 20 cm sous le sable. « On fait en sorte que les machines passent plus loin. » Certaines tortues ne pondent qu’à quelques mètres de l’eau, d’autres remontent davantage sur les plages.

« Elles peuvent remonter sur vingt mètres. Au Barcarès, elle a pondu à quatre mètres de l’eau, on pense qu’elle a été dérangée sur un précédent site et qu’elle est allée ailleurs. Elle n’en pouvait plus, elle a lâché les oeufs très bas sur la plage. »

La présence d’agents et de bénévoles – dont ceux des associations animalières le GOR et la Charbonnière – au moment de l’éclosion évite aussi la prédation par les goélands. Mais une fois dans l’eau, les tortillons de deux ou trois centimètres peuvent être dévorés par les requins peau bleu ou les thons. « La vie d’une tortue n’est pas facile, très peu atteignent l’âge adulte. »

Sur les plages du Barcarès et d’Argelès-sur-Mer, des zones de protection et des « chemins vers la mer » ont été délimités. © OFB

Peu de chances également de plonger au milieu des tortues adultes. « Elles vont en général rejoindre la haute mer après la ponte, très loin de leur nid. »

Le Parc Marin du Golfe du Lion a mis en place cette année un programme de sensibilisation. Sauveteurs et police municipale, souvent les premiers appelés par des promeneurs, ont été informés. Le parc continue par ailleurs les suivis pour mieux étudier le phénomène.

Bonne conduite : que faire si vous apercevez des tortues ou leurs traces ?

– La tortue laisse une trace plate centrale avec son plastron, flanquée de remous faits avec les nageoires. En prenant du recul cela ressemble un peu à une trace de roue de tracteur.
– Si vous apercevez l’animal ou les œufs sans protection, appelez le Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française au 06 16 86 26 86.
– Réfrénez votre curiosité et éviter d’approcher à moins de dix mètres pour ne pas déranger la ponte.
– Pas de flash pour les photos, qui désorientent les adultes comme les petits : ils se guident à la lumière de la Lune.
– Restez dans le dos de la tortue. Ne la touchez jamais.

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