Article mis à jour le 9 mars 2023 à 16:19
Ce mois de février, les rédactions ont reçu un rapport de 85 pages dressant le bilan de cette expérimentation menée dans 8 départements, dont les Pyrénées-Orientales depuis janvier 2021. Objectif du ministère de l’Intérieur ? Regrouper sous une même direction territoriale, les policiers de la sécurité publique, de la police judiciaire, de la police aux frontières et du renseignement.
Mais si cela a du sens de mutualiser les moyens humains et matériels quand il s’agit de présence sur le terrain, la police judiciaire s’inquiète de l’alourdissement de ses tâches et donc une baisse de son taux d’élucidation. Explication avec Damien Albanell, secrétaire départemental de la Fédération Professionnelle Indépendante de la Police du 66.
«Le judiciaire est un métier à part entière»
Au-delà de la réforme, Damien Albanell insiste : « le judiciaire est un métier à part entière ». Jusque-là, les policiers de la brigade judiciaire ne traitaient que les « gros dossiers » : homicides, enlèvements, séquestrations, trafics de stupéfiants, affaires financières. La crainte des OPJ* est « de se voir confier des dossiers d’une moindre importance et de perdre leur spécificité ».
C’est donc tout naturellement que les agents de la police judiciaire s’opposent majoritairement à cette fusion des directions. «Ils ont peur d’être engloutis par la masse de dossiers.» Damien Albanell de donner quelques chiffres.
Aujourd’hui, il nous arrive d’avoir 850 dossiers alors que nous sommes 9. Des dossiers allant du vol simple à la disparition. C’est ingérable ! La synthèse fournie par le Ministère de l’Intérieur précise que les affaires confiées aux services de police judiciaire «représentent une part statistiquement marginale de la criminalité, mais particulièrement préjudiciable à la société.» Le rapport rappelle également «des résultats plutôt convaincants pour les affaires qui lui sont confiées, à savoir de 74 % pour les contrefaçons à 95 % pour les affaires de trafic de stupéfiants. Ces taux sont bien plus élevés que les taux moyens d’élucidation des différents services de la police nationale.»
À Perpignan, il y a aussi une problématique de locaux trop exigus. Ainsi, les services de la police judiciaire sont hébergés dans les locaux de la Chambre d’Agriculture, voisine du commissariat de Perpignan. Damien Albanell déplore aussi le manque d’officiers de police judiciaire à Perpignan.
Une réforme des procédures judiciaires nécessaire
Questionné sur la fusion des directions de police, Damien Albanell reconnaît que cela peut s’avérer positif, notamment concernant la mutualisation des moyens matériels et des effectifs en tenue. En effet, Damien Albanell constate que jusqu’à cette réforme, il avait eu «certaines aberrations empêchant parfois un travail collectif.»
Damien Albanell rappelle que les gendarmes fonctionnent bien avec un Colonel départemental qui commande tous les services. Pour Damien Albanell, c’est surtout les procédures qu’il est urgent de réformer. Des procédures qui sont trop lourdes pour Damien qui, la nuit, gère les premières investigations sans s’occuper de l’enquête.
Il faut absolument supprimer la complexité des démarches administratives dénonce le syndicaliste. «J’exagère à peine, mais 90% de notre métier c’est de la paperasse, de la rédaction de procès-verbaux qui n’ont aucun sens, tout donne lieu à un procès-verbal. Quand tu passes un coup de fil, que tu contactes le Procureur, la famille ou l’avocat d’un gardé à vue. Pour expliquer quand le prévenu a mangé ou s’il a vu un médecin, il faut systématiquement un PV, et si tu oublies, la procédure pète ! Ce n’est plus possible ! Il faut sortir du tout écrit.»
Selon le rapport du Ministère de l’Intérieur, pour faire face à une criminalité qui se complexifie et s’intensifie, les moyens humains et matériels sont jugés «globalement satisfaisants mais loin d’être surdimensionnés.» La synthèse préconise «une hausse importante des moyens matériels et technologiques consacrés à la lutte contre le haut du spectre de la criminalité». Plutôt que d’investir dans des dépenses de personnel.
Sur l’importance de la réforme et de la mutualisation des moyens, les inspections générales de la justice, de la police et de l’administratif sont formelles. «Le constat d’un besoin de réforme de la police fait l’objet d’un consensus. Le manque de cohésion et d’unité de cette dernière a pour conséquence des pertes d’information, un manque d’efficacité et entraîne même une certaine concurrence.»
*OPJ, Officier de Police Judiciaire
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