Article mis à jour le 4 mai 2023 à 10:35
Ce 24 février de commémorations a débuté à Montauban par l’hommage rendu à Manuel Azaña, président de la République Espagnole de 1936 à 1939. Puis Pedro Sánchez et la délégation espagnole se sont rendus dans les Pyrénées-Orientales. D’abord à Collioure pour déposer une gerbe en hommage au poète espagnol Antonio Machado, mort en 1939 seulement un mois après son exil en France.
La Retirada, cet exode qui jeta sur les routes près de 500.000 Espagnols à l’hiver 1939 et, auprès desquels, Pedro Sánchez s’est excusé à Argelès-sur-Mer au nom du peuple espagnol. 80 ans plus tard, la venue du chef du gouvernement socialiste espagnol a été accueillie sous des huées par des indépendantistes catalans.
♦ Hommage sur la tombe de « Don » Antonio Machado
Fuyant la guerre d’Espagne, le poète Antonio Machado décéda le 22 février 1939. Moins d’un mois après avoir traversé la frontière avec sa famille, sa dépouille est enterrée à Collioure. Et c’est sur sa tombe que le Président du gouvernement espagnol a choisi de lui rendre hommage en déposant une gerbe et en y dévoilant une plaque commémorative. Avec cette inscription : « Le gouvernement d’Espagne rend hommage au poète Don Antonio Machado, un des hommes les plus dignes et illustres, décédé il y a 80 ans en exil ».
Présente lors de cette cérémonie, la présidente de la Fondation Antonio Machado, Joelle Santa-Garcia, rendait également hommage au célèbre poète. En 1960, Louis Aragon, poète et romancier français écrivait ces vers sur Antonio Machado :
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d’Espagne
Que le ciel pour lui se fit lourd
Il s’assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
♦ À Collioure et Argeles-sur-mer Pedro Sánchez attendu par des défenseurs de la République Catalane
Alors que certains Gilets Jaunes du département faisaient circuler une fausse information selon laquelle le ministre de l’Intérieur français était dans les Pyrénées-Orientales, ce sont bien les indépendantistes catalans qui se sont mobilisés pour huer le président du gouvernement espagnol.
Derrière un lourd cordon de sécurité à Collioure, ils étaient environ 200 à scander, « Liberté pour les prisonniers politiques* ». Ou encore, « Ici, c’est la République, dehors les fascistes ». Le parti ERC** de Catalogne nord, accuse Pedro Sánchez de « s’offrir une opération de blanchiment démocratique par le biais d’une photo devant la tombe de Machado à Collioure et au cimetière des Espagnols à Argelès ».
♦ Pedro Sánchez rend « hommage à cette démocratie espagnole vaincue par la tyrannie »
Et pour une Europe qui crée « des ports d’accueil » et non « de nouveaux murs »… Pedro Sánchez fait acte de contrition au nom du peuple espagnol : « Il est tard, très tard. De nombreuses années se sont écoulées depuis qu’ils furent obligés de partir. L’Espagne aurait dû s’excuser bien avant de cette infamie« .
Pedro Sánchez a choisi, depuis son arrivée au pouvoir après le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, de faire un travail de mémoire sur l’histoire espagnole. Aussi bien dans les Pyrénées-Orientales qu’à Montauban sur la tombe de Manuel Azaña président de la République Espagnole de 1936 à 1939. Mais également en Espagne, avec la ferme volonté de revenir sur les secrets enfouis après la mort du dictateur Francisco Franco. Des secrets qui, comme des fantômes, hantent encore l’Espagne contemporaine.
Après ce retour sur cette histoire d’Europe des années 30, le Président du mouvement espagnol a fait le constat d’une Europe « où la xénophobie se répand partout ». Une Europe où les ports ne permettent pas « aux bateaux pleins de personnes affamées et malades d’accoster ». Pedro Sánchez faisant ainsi explicitement référence au refus du gouvernement italien de Matteo Salvini d’ouvrir ses ports à l’Aquarius.
Le bateau humanitaire qui a sauvé de nombreux migrants d’une mort certaine en Méditerranée a essuyé plusieurs refus de la part de l’Italie, puis Malte, mais aussi de la France en juin 2018. C’est finalement le gouvernement de Pedro Sánchez qui ouvrira ses portes aux 630 passagers de l’Aquarius.
♦ Quand cinéma et actualité se télescopent
Signe des temps, le cinéma contribue à la résurgence de la mémoire et du souvenir. « Le silence des autres » est actuellement en salle (VO au cinéma Castillet) depuis début le 13 février. Selon Télérama, Ce documentaire impressionnant sort de l’oubli les nombreuses victimes du franquisme et soulève la chape de plomb qui pèse toujours sur l’Espagne.
* Depuis le 12 février dernier, se tient à Madrid devant le tribunal suprême, le procès de 12 indépendantistes catalans accusés de rébellion. Emprisonnés au lendemain du vote organisé en Catalogne le 1er octobre 2017, ils risquent entre 7 et 25 ans de prison. Ils sont devenus, pour les partisans d’une république catalane, le symbole de la répression politique de l’État espagnol.
**ERC : Esquerra Républicana Catalane, parti de la gauche républicaine catalane.