Article mis à jour le 12 avril 2024 à 15:06
Dans le cadre du «Forever Pollution Project», une enquête du journal Le Monde révèle la présence de polluants éternels, les PFAS – lire Pifas pour per– et polyfluoroalkylées – dans de nombreux cours d’eau en Europe. Grâce à l’analyse de milliers de données, le journal a minutieusement cartographié ces pollutions. Dans les Pyrénées-Orientales, l’eau de quatre sites révèle la présence de taux bien supérieurs à la valeur toxique pour l’environnement et pour l’Homme.
Du fond de nos poêles antiadhésives aux pulls antitranspirants, les PFAS sont partout et leurs molécules sont quasiment indestructibles. Échange avec Anne-Leïla Meisterzheim docteur en biologie marine et fondatrice de la start-up Plastic@sea et avec le porte-parole d’Europe Écologie Les Verts dans les Pyrénées-Orientales.
Où sont les sites des Pyrénées-Orientales contaminés par les PFAS ?
Les données indiquent une contamination présumée ou avérée sur les eaux de surface des trois fleuves des Pyrénées-Orientales. Si l’Agence danoise de l’eau estime que l’eau potable ne doit pas contenir plus de 2 nanogrammes par litre, en France, la limite est fixée à 10 nanogrammes. La France compte près de 1.000 sites contaminés, plus de 17.000 à l’échelle de L’Europe.
– Agulla de la Mar à Alenya, 43,5 nanogrammes par litre. Echantillon analysé en 2022.
– Le Tech à Elne. Le relevé de 2022 fait apparaître une présence de 20,6 nanogrammes par litre.
– Planès. Le relevé réalisé en 2010 affichait 171,02 nanogrammes de PFAS par litre.
– Bourg-Madame, relevé en 2020, 32,3 nanogrammes. L’association Bien vivre en Pyrénées-Catalanes précise qu’elle travaille aussi sur une contamination aux métaux lourds sur les montagnes catalanes qui serait liée à l’école d’aviation.
Calce, site de traitement des déchets ; Perpignan, la Llabanère, aéroport ; Perpignan, station d’épuration ; Argelès-sur-mer, station d’épuration ; Amélie-les-bains, usine Stérimed ; Sainte-Léocadie, école d’aviation légère, site militaire.
Que sont les PFAS et quels risques pour la santé ?
Nous avons posé la question à Anne-Leïla Meisterzheim. La scientifique travaille sur les usages et transformations des matières, notamment plastiques. La fondatrice de Plastic@Sea teste également la biodégradabilité et la toxicité dans le milieu aquatique.
Les PFAS, sont une large famille de plus de 4.500 composés chimiques aux propriétés très diverses. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, les substances PFAS sont largement utilisées depuis les années 1950 dans divers domaines industriels et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc.
«Ces composés sont largement utilisés parce qu’ils permettent, entre autres, de limiter de déplacement de l’eau. On les retrouve parfois dans des emballages alimentaires.»
C’est le cas des cartons en cellulose destinés à recevoir nos burgers et autres plats chauds à emporter nous précise Anne-Leïla Meisterzheim. «Ce type de polluants sont considérés comme des perturbateurs endocriniens. Ils sont vraiment toxiques et leurs effets sont avérés sur le système immunitaire, le développement cellulaire, et même le contrôle hormonal.» David Berrué rappelle que les industriels disent que l’usage des PFAS ne serait pas dangereux pour la santé. «Du coup, on ne s’empoisonnerait pas en utilisant sa poêle antiadhésive. C’est super, c’est commode, par contre en faisant un oeuf au plat d’une poule qui a bu de l’eau contaminée, on pourrait ingurgiter les polluants !»
Pourquoi les PFAS sont appelés les «polluants éternels»?
Selon Anne-Leïla Meisterzheim, c’est la grande stabilité de sa structure chimique qui empêche leur dégradation dans le temps. «L’association des atomes de fluor et de carbone est très stable, tellement que ce produit n’est pas dégradé de manière naturelle. Et au fil du temps, il s’accumule dans l’eau, il est aussi bioaccumulable dans les organismes, il peut pénétrer dans les tissus et se retrouver dans la chaîne alimentaire !»
L’écologiste de se désoler, «notre société a remplacé les neiges éternelles qui fondent les unes après les autres par des polluants éternels ! »
La scientifique et l’écologiste s’accordent sur les besoins d’uniformiser les mesures et les seuils pour les PFAS
Les données révélées par le rapport de Génération Future et le journal Le Monde montrent que les seuils et les mesures diffèrent selon les agences de l’eau. Ainsi selon les départements français, il y a eu entre 6 et 440 échantillons analysés en 2020. Dans son rapport 2022, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, dont dépendent les Pyrénées-Orientales précisait que «dans les cours d’eau, les plus fortes concentrations en PFAS se trouvent sur le Rhône, de l’aval de Lyon jusqu’à la Méditerranée.» Selon Anne-Leïla Meisterzheim, ces écarts d’analyse ne permettent pas de comparer les territoires.
Idem au niveau des seuils d’alerte. David Berrué de préciser, que «pour une lecture réelle des pollutions de l’eau, il faut se mettre d’accord sur les seuils d’alerte. Ils diffèrent entre les agences de l’eau.» Après la standardisation des mesures, il faudra étudier une gestion adaptée. Il peut y avoir des choses mises en œuvre au niveau des stations d’épuration précise Anne-Leïla Meisterzheim.
«Mais nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir si oui ou non on est capables de les retirer.»
Agir sur la limitation, la réglementation et les comportements
Selon l’écologiste, il faut tout d’abord réduire l’influence des lobbys auprès des législateurs pour réduire voire interdire la production de certaines substances. «Actuellement, les lobbys tentent avec force de peser sur la liste des substances à interdire au niveau européen. En gros, ils disent que l’impact sur la santé n’est pas si grave ; ou que les molécules sont indispensables aux activités humaines.
Moi je m’interroge, est-ce vraiment un bienfait pour l’humanité d’avoir une poêle antiadhésive ?» L’écologiste dénonce aussi la non-prise en compte des coûts de la dépollution. «Si les industriels en Allemagne ou dans le Rhône font des profits, c’est parce qu’ils n’intègrent pas le coût de la dépollution à venir à leurs coûts de fabrication. Aujourd’hui la croissance économique est déconnectée des coûts réels.»
Changer les usages, les comportements ? David Berrué de préciser : «il y a aussi une question plus philosophique à poser à nos concitoyens. Peut-être devrons nous faire des choix, et notamment celui de se passer d’une poêle antiadhésive. Peut-être qu’acquérir un certain nombre de gadgets typiques du productivisme n’est plus possible.»
Alors que les Pyrénées-Orientales souffrent déjà cruellement du manque d’eau, l’écologiste de faire un parallèle entre mes PFAS et les usages de l’eau. «Il faudra aussi faire un choix entre avoir de l’eau potable et enneiger les pistes de ski ; ou entre se laver et arroser les golfs !»
Après les révélations sur les PFAS, le Ministre de l’Écologie dévoile un «plan d’actions»
Seulement quelques jours après la parution du rapport de Génération Future, le Ministre de l’Écologie dévoilait son «plan d’actions ministériel sur les PFAS» décliné en six axes.
- disposer de normes pour guider l’action publique ;
- porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l’utilisation ou la mise sur le marché des PFAS ;
- améliorer la connaissance des rejets, ainsi que l’imprégnation des milieux pour réduire l’exposition des populations ;
- réduire les émissions des industriels de façon significative ;
- assurer une transparence complète sur les informations disponibles ;
- intégrer les actions sur les PFAS dans le plan micropolluants.
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