Article mis à jour le 27 mai 2024 à 17:24
Des polluants considérés comme des perturbateurs endocriniens dans l’eau potable ? Dans le cadre d’une campagne exploratoire initiée par l’ARS Occitanie (Agence Régionale de la Santé), près de 329 points de prélèvements vont être contrôlés. Dès ce mois de mars 2024, l’objectif est de mesurer la présence de PFAS dans l’eau de consommation.
Les PFAS (Substances per- et polyfluoroalkylées) sont des polluants persistants et très peu dégradables dans l’environnement ; d’où leur surnom de « polluant éternel ». Depuis les années 50, l’industrie use et abuse de ces composés chimiques. Ils sont donc présents dans tous les milieux (eau, air, sol). Du fond de nos poêles antiadhésives, aux cosmétiques de type waterproof, en passant par les vêtements imperméables ou les mousses anti-incendie, on retrouve les PFAS absolument partout, et logiquement aussi dans notre chaîne alimentaire.
« Ils ont des propriétés intrinsèques qui sont vraiment très recherchées par les industriels. Les PFAS sont résistants à la chaleur, hydrofuges et oléophobes, c’est-à-dire qu’ils repoussent également tout ce qui est graisse et huile », précise Yannick Durand, en charge de la cellule régionale sur l’eau de l’ARS.
Des polluants éternels détectés dans de nombreux cours d’eau
«Ces polluants sont considérés comme des perturbateurs endocriniens. Ils sont vraiment toxiques et leurs effets sont avérés sur le système immunitaire, le développement cellulaire, et même le contrôle hormonal», affirme Anne-Leïla Meisterzheim, qui travaille sur les usages et les transformations des matières, notamment plastiques. La scientifique teste également leur biodégradabilité et leur toxicité dans le milieu aquatique.
Il y a un an, le journal Le Monde révélait la présence de ces polluants éternels dans de nombreux cours d’eau en Europe. Où en est-on un an plus tard ? Dans les Pyrénées-Orientales, quatre sites possèdent une contamination avérée, avec des taux de pollution bien supérieurs à la valeur toxique pour l’Homme. Si la limite est fixée à 0,1 microgramme par litre depuis 2023, les recherches scientifiques se poursuivent autour de l’impact des PFAS sur notre santé. À compter du 1er janvier 2026, la recherche de ces substances fera intégralement partie des contrôles sanitaires des eaux destinées à la consommation humaine.
Une vingtaine de PFAS analysés dans la région Occitanie
L’ARS Occitanie compte anticiper l’application de cette nouvelle réglementation et mesurer dès maintenant la présence d’une vingtaine de PFAS. Les prélèvements seront ciblés autour des sites les plus sensibles. Seuls les laboratoires accrédités par les autorités sanitaires pourront réaliser ce type d’analyses. Pour l’heure, près de 121 prélèvements ont déjà été effectués par l’ARS sur les points de captages d’eaux destinés à notre consommation. Selon les autorités, pour le moment, aucun dépassement significatif n’a été enregistré. L’ensemble des résultats seront rendu public dès la fin de la campagne.
Si la présence des PFAS dans l’environnement suscite de nombreuses interrogations, les choses avancent lentement. Sur les plus de 4 000 composés chimiques existants, seuls 20 types de PFAS vont être examinés. « Le législateur européen a ciblé les PFAS qui sont a priori les plus à risque pour la santé humaine », annonce Yannick Durand. « Ces substances sont une problématique encore émergente, dont nous ne savons pas tout », alerte Didier Jaffre, directeur général de l’ARS Occitanie. « Nous adaptons notre contrôle sanitaire progressivement, au gré de l’avancée des recherches scientifiques. »
Ceci étant, l’ARS Occitanie n’entend pas prendre plus de retard. La délégation territoriale a lancé une campagne exploratoire sur 329 sites, dans l’ensemble des 13 départements de la région. « L’objectif est d’avoir une vision beaucoup plus large et de savoir si oui ou non, il y a des PFAS dans l’eau qui est consommée en Occitanie », affirme Didier Jaffre.
« Du rouge à l’écarlate », l’eau en Occitanie pourrait être interdite à la consommation
« Aujourd’hui, c’est l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui est chargée de déterminer en France les seuils de risques sanitaires », détaille Yannick Durand. « Le seuil réglementaire (0,1 microgramme par litre) est la limite rouge. Si elle est dépassée, nous demandons à l’exploitant de rétablir la qualité de l’eau. Ensuite, le seuil sanitaire (qui pour le moment n’est pas encore déterminé par l’Anses) va être un seuil écarlate, pour lequel nous allons interdire l’eau à la consommation humaine. »
En parallèle, l’ARS Occitanie va donc réaliser des contrôles sur les nouveaux points de captages. « Si la présence de PFAS est avérée, nous n’autoriserons pas le captage.« Ces points n’ont pas été choisis au hasard. « Nous allons chercher des captages pour lesquels nous sommes quasiment sûrs de trouver des PFAS. » L’ARS Occitanie travaille en lien avec la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) qui est avertie des usines et des installations susceptibles de générer des perfluorés.
Quel risque pour la santé ?
Mais concrètement, que se passe-t-il si des PFAS sont détectés ? Même en cas de dépassement de la norme réglementaire, l’ARS se veut rassurante : « les taux de concentration restent très faibles ». Pour les PFAS et selon l’ARS, comme pour les pesticides, seule une exposition répétée provoquerait un risque immédiat pour la santé.
Si le taux des 0,1 microgramme par litre est franchi, les agents reçoivent en urgence l’information du laboratoire. Face à une concentration importante, la consommation de l’eau est alors « limitée ». Si le dépassement est « modéré », l’interdiction n’est pas immédiate. Des moyens de traitement de l’eau, comme une filtration par charbons actifs, seront demandés à l’exploitant. Charge à L’ARS de vérifier que l’information est bien passée auprès de la population. À plus long terme, l’exploitant doit rechercher les causes de la pollution. Un défi important pour les services publics qui doivent aider à identifier les pollutions et proposer des mesures préventives, notamment sur la protection des captages.
Cette campagne est-elle une conséquence directe de l’enquête menée par le journal Le Monde à Salindres ? Des analyses inédites révélaient des taux spectaculaires d’acide trifluoroacétique (TFA) dans les cours d’eau autour d’une usine de production de PFAS, ainsi que dans l’eau potable. À l’issue de ces révélations, l’ARS a diligenté une étude autour de ce site dans le Gard : « Pour l’heure, nous n’avons pas encore les résultats de ces prélèvements. » Jeudi 4 avril 2024, une proposition de loi portée par le député Nicolas Thierry sera examinée à l’Assemblée pour réduire l’usage « superflu » des PFAS, dès 2025. L’écologiste souhaite voir l’interdiction de la majorité des PFAS dans le secteur de l’industrie.
Comment vérifier la qualité de son eau ?
Si vous souhaitez consulter les données relatives à la qualité de votre eau du robinet, vous pouvez consulter votre facture d’eau (une note de synthèse élaborée par l’ARS y est jointe chaque année), le site internet du ministère chargé de la santé ou celui de l’ARS.
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