Article mis à jour le 14 juin 2024 à 16:30
Mardi 9 avril 2024, le préfet des Pyrénées-Orientales, Thierry Bonnier signait, avec les acteurs du tourisme, la charte « Save The Water ». Élaboré par l’UMIH66 (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie des Pyrénées-Orientales), ce guide des bonnes pratiques de 60 mesures vise à préserver la ressource en eau. Photo © JC Milhet / Hans Lucas.
Exit les glaçons pour le rosé ou le bouchon pour les bains moussants dans les hôtels, certaines préconisations hérissent les professionnels. Ainsi, Antoine Martin, responsable d’un restaurant dans Les Angles dénonçait un deux poids deux mesures dès lors que les touristes n’ont que quelques kilomètres à parcourir pour se prélasser dans un bon bain en Catalogne sud. Alors que la sécheresse se joue de la frontière, comment les professionnels catalans s’adaptent-ils au manque d’eau ?
« Save the Water » : Une charte controversée dans le secteur du tourisme
Cet été, chaque goutte d’eau devra être économisée. « Après la farce des piscines privées, initiée l’an passé, laissant croire que cet équipement est un gros consommateur d’eau (…), voici qu’aujourd’hui les tables des restaurants proposeront à leurs clients des boissons à température ambiante. »
Antoine Martin fait référence aux « chaussettes » ou plaques réfrigérantes qui visent a remplacer les seaux à vin. D’après lui, la mise en place de ce matériel demanderait une véritable gestion en amont pour les restaurateurs, sans parler des flaques d’eau répandues sur les tables. « Alors qu’il suffirait de recycler l’eau contenue dans les seaux de glaçons. La prochaine étape nous conduira probablement à installer des assiettes et des gobelets en carton, histoire d’éviter une vaisselle consommatrice d’eau, et en creusant bien, on trouvera bien des gadgets ineptes », poursuit-il.
Pour le restaurateur, cette charte « Save the Water » n’est que poudre aux yeux. « Elle permet en outre de ne pas prendre des mesures salvatrices à grande échelle, alors qu’il suffit de se tourner du côté de l’agriculture et des centrales de production d’énergie pour trouver des solutions durables. Elle permet surtout de ne pas relancer les investissements qui permettraient le renouvellement annuel des canalisations quand on sait que 20% de l’eau potable se perd dans la nature. » Finalement, ce guide aux 60 mesures ne serait-il qu’une réponse pour éviter un nouveau bashing dont avaient tant souffert les professionnels du tourisme en 2023.
En Espagne, une machine de désalinisation privée pour remplir les piscines des hôtels
Si de l’autre côté de la frontière, la Catalogne est également confrontée à une sécheresse critique. À Lloret-de-Mar, les acteurs du tourisme usent de tous les subterfuges pour remplir leurs piscines. D’après une information dévoilée ce lundi 15 mars par le journal Le Figaro, les hôtels de la station balnéaire vont débourser 1,5 million d’euros pour s’offrir une machine de désalinisation et permettre à leurs visiteurs de se baigner dans une eau de mer adoucie. Concrètement, l’eau devrait être acheminée au réservoir des piscines, via des camions-citernes. Une aberration dénoncée par nombre de défenseurs de l’environnement. En France, ce système, considéré comme trop énergivore et dommageable pour le milieu naturel, n’est pour l’heure pas autorisé.
En France, l’ordre du jour est surtout à la pédagogie, l’économie et la maintenance, afin de réparer les fuites et d’éviter les consommations excessives d’eau. Les établissements français doivent notamment réduire l’évaporation de leur piscine grâce à un bâchage nocturne, de 22h00 à 6h30 du matin. Désalinisation ou suppression des bouchons des baignoires, la stratégie pour lutter contre la sécheresse semble toute autre de part et d’autres de la frontière.
D’après Yann Marlic, directeur du camping Le Brasilia, les technologies ont pourtant beaucoup évoluées. « Certaines usines qui sont alimentées en grande partie avec du photovoltaïque, sont moins coûteuses en termes d’électricité. Aujourd’hui, c’est une solution qui doit être étudiée. En tout cas, il ne faut pas se l’interdire », affirme le professionnel, qui étudie personnellement cette solution pour son camping.
« Cette charte, n’est ni plus ni moins qu’un logo »
Si sous l’étiquette « Save The Water », on retrouve conjointement « campings et hôtels engagés », d’après Yann Marlic, « cette charte, n’est ni plus ni moins qu’un logo. Une communication commune qui a été faite l’année dernière« . Pour les professionnels de l’hôtellerie en plein air, les moyens d’économiser la ressource ne se cantonnent pas à la suppression des glaçons dans le rosé, mais au recyclage du précieux liquide.
Malgré la situation hydrique qui ne s’est guère améliorée dans le département, les gérants des campings anticipent plus sereinement la saison à venir. Ainsi les hôteliers de plein air ont aussi établi une charte, signée entre la la Préfecture et la fédération des campings. « Chaque établissement a développé son propre plan d’action individualisé. Certains vont agir sur les piscines, d’autres sur l’arrosage », précise le directeur du Brasilia.
À quoi ressemblera un été au camping cette année ?
En termes d’économie d’eau, difficile de comparer un camping et un hôtel, tant les infrastructures different. « Il n’y a pas de nouvelles restrictions d’eau, rien n’a changé par rapport à l’an dernier », lâche Yann Marlic. Le directeur du camping Le Brasilia se dit soulagé. « L’année dernière, nous étions un petit peu dans l’urgence. » En effet, au mois de mars 2023, la situation était tendue. La Préfecture, soucieuse de préserver les ressources, avait, dans l’urgence, exigé des professionnels un plan d’action fort.
« Nous avions la crainte que l’on nous coupe l’usage des piscines. » Une épée de Damoclès qui est longtemps restée au-dessus de la tête des gestionnaires. « Aujourd’hui, nos clients sont informés de la situation dans le département. Ces restrictions, ce n’est pas un bâton pour se faire battre, c’est plutôt un défi à relever. » Avec toutes ces restrictions, les touristes ne vont-ils pas plutôt traverser la frontière ? L’avenir nous le dira.
Au camping Le Brasilia, Yann Marlic est en train de finaliser une installation où il récupère l’intégralité de toutes les eaux de piscine et de lavage. « Toutes vont être réutilisées », affirme le directeur de l’établissement cinq étoiles. La réserve de 50 mètres cubes sera destinée aux pompiers, à l’arrosage ou au nettoyage des voiries. Un bon début.
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