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Santé à l’université de Perpignan : une offre présente, mais des étudiants toujours sans soins

À Perpignan, un médecin généraliste disponible sur le campus de l'Université

Article mis à jour le 12 mars 2025 à 19:37

Malgré la présence d’un service de santé sur le campus, les étudiants de l’Université de Perpignan Via Domitia peinent à consulter un médecin ou un psychologue. Entre délais décourageants et méconnaissance des dispositifs existants, beaucoup renoncent à se soigner. Face à un système de santé en tension, ils oscillent entre résignation et système D.

Le Docteur Bruno Bas est directeur du Service de Santé de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) depuis six mois. Il rapporte une demande croissante de soutien médical, et plus particulièrement psychologique. Selon lui, ces besoins découlent d’un système de santé fragilisé et des influences d’une société « malade ». Les étudiants eux-mêmes consultent rarement un médecin généraliste, découragés par les délais de rendez-vous… et il en va de même pour le service de santé ?

Un grand besoin en soutien psychologique à l’UPVD … et partout ailleurs

Lorsque l’ancien chef de service des addictions de l’hôpital de Perpignan prend ses fonctions à l’UPVD, il constate une forte demande de soutien psychologique. Environ 40 étudiants par mois consultent la psychologue qui collabore avec le Service Santé, qui compte en plus du psychologue, un gynécologue, un addictologue et le Docteur Bas, médecin généraliste. Chaque mois, le SSU prend en charge plus de 400 étudiants, sur les 9 500 inscrits à l’université.

Les problèmes d’anxiété sont particulièrement fréquents. Au niveau national, les symptômes dépressifs ont connu une hausse significative. En 2017, 11,7 % des 18-24 ans étaient concernés par la dépression, un chiffre qui est passé à 20,8 % en 2021. Par ailleurs, 40 % des jeunes de moins de 25 ans souffraient un trouble anxieux généralisé en 2021, une augmentation de 9 points par rapport à l’ensemble des Français.

Ombre, étudiante à Perpignan, met toutefois en avant un aspect positif : « On parle de la santé mentale entre nous. C’est moins tabou qu’avant. On est tous dans le même bateau. »

Le Service Santé de l’Université : connu mais peu utilisé

Dans ce contexte difficile, le Service Santé de l’Université semble répondre à un besoin. Mais parmi les 40 étudiants interrogés, presque tous connaissaient le service, mais aucun n’y avait fait appel.

Audrey explique qu’elle a essayé de contacter le médecin de l’UPVD, mais sans succès. « J’avais déjà essayé et le numéro était fermé depuis août. Du coup, je n’ai pas réussi à prendre rendez-vous. » Un autre étudiant témoigne qu’il a voulu prendre rendez-vous, mais le médecin n’était pas disponible. Le médecin martèle à plusieurs reprises, « je ne peux pas entendre que, depuis ma prise de fonction, des étudiants n’aient pas eu de proposition de rendez-vous adéquate. »

Julia n’a pas encore appelé par incertitude : « J’ai un médecin traitant officiel, même si je dois attendre plusieurs semaines et que je n’y vais finalement pas. Je ne veux pas prendre la place de quelqu’un qui n’a aucune autre possibilité. » Le Service Santé est ouvert à tous les étudiants de l’Université dans un besoin immédiat, assure le directeur.

Trouver un médecin dans les Pyrénées-Orientales, le supplice de Sisyphe

Cependant, trouver un médecin à Perpignan reste une mission difficile, longue et souvent vaine. Pierre Ricordeau, directeur de l’Agence Régionale de Santé, prédisait déjà en 2023 : « Oui, on manque de médecins, et on va en manquer encore pendant 8 à 10 ans. » En 2023, la densité des médecins généralistes était de 337 pour 100 000 habitants, légèrement inférieure à la moyenne nationale de 341. Plus de la moitié des généralistes ont plus de 55 ans, ce qui aggrave la situation. Cette crise est bien actuelle, comme le montre la situation au service des urgences de l’hôpital de Perpignan, où seulement 18 médecins ont traité 56 000 patients l’an passé.

« Ce n’est pas seulement Perpignan, je pense que c’est partout », explique le docteur Bas. « Le système de santé est considérablement dégradé, rendant l’accès aux soins de plus en plus difficile. » En France, 7 millions de personnes, soit plus de 11 % de la population, n’ont pas de médecin traitant.

Nolwenn, étudiante à l’UPVD, raconte qu’elle a eu de la chance : après le déménagement, sa famille a trouvé un médecin généraliste à Argelés-sur-mer. « Nous avons été l’une des dernières familles à être acceptées. Ça fait dix ans maintenant. » De nombreux amis n’ont pas cette chance et se retrouvent sans médecin traitant. Comme Salma, dont le praticien est parti à la retraite il y a deux ans et dont la famille n’a toujours pas trouvé de remplaçant.

En trois ans, Alexandre n’a jamais vu un médecin à Perpignan. « Quand je suis malade, je laisse mes anticorps faire le travail. Je prends des dolipranes. » Il a aussi tenté l’expérience numérique et a déjà eu une consultation en ligne via l’application Quare.

Même lorsqu’on est inscrit chez un médecin, les longues attentes posent problème. « Quand le rendez-vous n’est disponible que dans deux semaines, au final, ça te laisse le temps de te rétablir », raconte Julia.

Laisser couler et croiser les doigts pour rester en bonne santé

« Je pense que je néglige un peu ma santé. L’attente prolongée me décourage et fait que je prends moins de rendez-vous chez le médecin que ce dont j’aurais réellement besoin », confie la jeune femme. Lors d’un sondage réalisé auprès de 40 étudiants, la majorité a indiqué ne pas avoir de médecin traitant à Perpignan et consulte rarement, voire jamais. Pourtant, la majorité a affirmé qu’elle y aurait recours plus fréquemment si l’accès était facilité.

« Je me dis que je ferai un check-up à 25 ans. C’est un chiffre, un quart de siècle », ajoute Alexandre.

Lorsqu’on leur demande s’ils se sentent bien pris en charge médicalement, la grande majorité des étudiants répond simplement « Ça va ». Ont-ils accepté la situation et se sentent-ils réellement bien accompagnés ? « Résignation », répond Morgane. En réalité, aucune amélioration significative ne semble en vue. Que faut-il faire à part vivre avec cela ?

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