Article mis à jour le 4 octobre 2023 à 11:51
La Préfecture, le Parquet et l’Association des Maires des Pyrénées-Orientales organisent trois réunions pour rencontrer les élus du département. Objectif : libérer la parole, informer les maires des démarches possibles, et les assurer du soutien de l’État. La première de ces rencontres se tient cet après-midi au Boulou.
« Beaucoup qui ne veulent pas porter plainte »
Difficile de se faire une idée précise du nombre d’élus victimes de violences de la part de leurs administrés dans les Pyrénées-Orientales. « La difficulté, explique Edmond Jorda, président de l’Association des Maires 66, c’est qu’il y en a beaucoup qui ne veulent pas porter plainte. » Le maire de Sainte-Marie avance le chiffre d’une vingtaine de cas connus chaque année, « c’est déjà trop. »
De l’injure à la violence physique, les élus, et parmi eux les maires, peuvent être les cibles faciles de la frustration exacerbée, voire de la colère de certains citoyens. Ces réunions ont donc un but de prévention, pour permettre aux édiles de connaître l’état du droit et les aider aussi à différencier un outrage de la simple expression démocratique. Mais aussi de leur permettre de partager leur expérience et les difficultés qu’ils rencontrent, pour « ne pas banaliser certaines agressions vécues », ajoute Edmond Jorda. « Il y a une prise de conscience de ce que les élus toléraient chaque jour sur le terrain, c’est important que le Parquet et la gendarmerie connaissent notre réalité. »
Edmond Jorda, président de l’Association des Maires 66
Le procureur de la République de Perpignan de son côté encourage les élus à déposer plainte systématiquement quand une infraction pénale est caractérisée, comme la diffamation ou l’injure. Ces réunions vont aussi permettre de clarifier le cadre juridique et les droits de maires, qui peuvent notamment demander des dommages et intérêts dans ce gendre d’affaires.
Les maires face au harcèlement en ligne
Mais le mal-être peut aussi être numérique, avec parfois du harcèlement en ligne qui s’opère contre le maire via les réseaux sociaux. Edmond Jorda demande que ces injures virtuelles soient aussi prises en compte par la justice. « Il y a une limite à tout, et l’expression démocratique qui doit être préservée ne doit pas être une excuse et permettre le harcèlement d’une personne élue. »
Le Parquet assure prendre ce sujet très au sérieux, et tenir compte aussi des propos injurieux en ligne. La difficulté pour le procureur Jean-David Cavaillé est que la loi exige « la preuve que le harcèlement a eu pour conséquence une dégradation de la situation psychologique de la victime. Ce qui est difficile à démontrer. »
Jean-David Cavaillé, procureur de la république à Perpignan
Le magistrat assure cependant que tous les dossiers de violences à l’encontre d’élus passent par lui. « Il faut que le niveau de réponse soit rapide et protecteur. » Mais, reconnaît-il, une certaine incompréhension peut persister quand « les juges ne donnent pas de réponse à la hauteur de ce que les maires espèrent. » Exemple récent quand le commerçant du Soler poursuivi pour menaces de mort à l’encontre de la maire Armelle Revel-Fourcade a été relaxé par le tribunal correctionnel l’été dernier. Insatisfait de cette décision, le Parquet a fait appel.
Quand la parole des élus se libère
Ces rencontres seront ainsi l’occasion de faire de la pédagogie et de rappeler le fonctionnement de la justice. Si le Procureur met en place une politique pénale émanant du gouvernement, les juges restent indépendants dans leurs décisions. Jean-David Cavaillé précise qu’au niveau local il saisit l’association France Victimes chaque fois qu’un élu peut en avoir besoin. « Il faut qu’ils aient confiance dans le Parquet. »
Et avant l’éventuelle incarcération des auteurs, des mesures existent pour protéger les maires qui feraient face à des administrés violents : « on peut mettre en place une interdiction de contact pour protéger les élus ». Et pour calmer les agresseurs, « des stages peuvent être prononcés pour rappeler les règles démocratiques. »
Edmond Jorda admet que la parole commence à se libérer au sein des maires : « j’ai eu le cas récemment d’un élu qui se plaignait des agissements d’un de ses administrés, jusqu’à présent il déposait des mains courantes. Je lui ai conseillé de déposer plainte. L’habitant a été placé en garde à vue, et ça l’a calmé. On ne demande pas grand-chose, jusque, pour calmer le jeu, les personnes soient entendues en gendarmerie et que le ton baisse. »
Deux autres réunions de sensibilisation doivent se tenir dans les prochains mois.