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Les tomates du désert, fruits de la discorde : la Confédération paysanne bloque un entrepôt à Perpignan

Article mis à jour le 26 novembre 2025 à 14:11

Ce mercredi 26 novembre, des militants de la Confédération paysanne sont entrés en force dans l’entrepôt du groupe Azura, au niveau de la zone Saint-Charles de Perpignan. En cause, les importations de tomates du Sahara occidental, qu’ils considèrent comme illégales et déloyales.

C’est une intrigue à tiroirs. Souveraineté alimentaire française, accords franco-marocains, statut du Sahara, droits du peuple sahraoui et changement climatique s’entremêlent.

Une lutte impossible contre des tomates cerises deux fois moins chères

En clair, le groupe franco-marocain Azura importe melons et tomates produits dans le Sahara occidental. Avec, selon les militants, un salaire moyen sur place de 70 centimes de l’heure, les barquettes de tomates cerises de 250 grammes arrivent à 99 centimes seulement en France. Alors qu’en réduisant au maximum le coût de production, nos producteurs locaux n’arriveraient pas à descendre sous les deux euros.

« La concurrence est juste intenable » assure Fanny Metrat, porte-parole de la Confédération paysanne.

Le volume des tomates importées en Europe, qui aurait été déterminé selon elle il y a quelques années à près de 200 tonnes dans les accords de libre-échange entre les deux pays, atteindrait 600 tonnes aujourd’hui. « Des taxes auraient dû être payées sur ce volume supplémentaire » s’insurge Jean Thévenot, spécialiste des questions internationales à la Confédération. Selon lui, des producteurs français auraient été contraints de jeter une partie de leurs productions.

Le syndicat demande un prix plancher pour l’entrée des produits en France, afin de rester au-dessus de nos coûts de production. « Si la concurrence ne se faisait plus sur le prix, les exportateurs devraient essayer d’améliorer la qualité de leur tomate », imagine Thomas Gibert, porte-parole national de la Confédération. « C’est l’inverse des traités de libre-échange qui tirent vers le bas les normes sociales et environnementales. »

La très politique question du Sahara occidental

Les militants du syndicat agricole ont investi les locaux, face à des salariés dont l’attitude aurait été menaçante. « Ils étaient énervés, cagoulés, certains avaient des barres de fer. Un camarade a été traîné au sol. Nous avons bloqué l’arrivée des camions avec un tracteur à chaque entrée. » Les militants ont néanmoins récupéré des barquettes pour en montrer les étiquettes.

« Écrire Maroc sur l’étiquette de produits du Sahara occidental, c’est interdit. Selon le droit international, le Sahara occidental n’est pas un territoire marocain. »

La Confédération paysanne se déclare ainsi solidaire avec le peuple sahraoui, qui ne bénéficierait pas ou peu des retombées économiques de ces productions. « L’ONU demande un référendum pour signifier l’autodétermination du peuple sahraoui », rappelle le syndicat.

La Confédération indique avoir porté plainte contre Azura, qui n’aurait selon elle pas respecté les décisions de la Cour de justice européenne, sur l’étiquetage notamment.

Enfin, les militants soulèvent la question de l’impact environnemental. « On est en train de piller les nappes phréatiques pour produire dans le Sahara occidental, et le Maroc construit des usines de désalinisation, polluantes, pour irriguer ses projets. »

La Confédération paysanne n’exclut d’autres actions prochaines. Contacté, le groupe Azura n’a pour le moment pas donné suite à nos sollicitations.

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