Article mis à jour le 6 juin 2023 à 09:31
Silence ça tourne à Tautavel ! Depuis le mardi 2 mai, l’équipe de tournage de la réalisatrice Emma Baus a pris ses quartiers dans l’antre de l’homme de Tautavel. De la caune de l’Arago aux réserves du musée de la préhistoire, rencontre avec Emma Baus.
Le film documentaire de 90 minutes diffusé sur France 5
Native du département, Emma Baus a déjà réalisé une vingtaine de films. La jeune femme est particulièrement enthousiaste en ce deuxième jour de tournage. «Cela a été un sacré challenge de convaincre France Télévisions de nous suivre sur ce projet. C’est la première fois que l’on va reconstituer la vie de ces ancêtres de Néandertal en France et l’une des premières fois en Europe !»
Le côté facile aurait été de réaliser un film sur une nouvelle découverte ; or Arago 21, l’homme de Tautavel, a été mis à jour en 1971, et les fouilles sur la caune de l’Arago ont débuté en 1965. Pour la réalisatrice, c’est ce recul qui apporte tout l’intérêt au projet. «Au bout de 60 ans de fouilles et d’analyses, on peut vraiment commencer à dire des choses.» La diffusion est annoncée pour 2024.
Comment vivait l’homme de Tautavel ? Avec qui a-t-il été retrouvé ?
«Arago 21 n’a pas été trouvé seul, il vivait avec d’autres individus. Mais qui étaient-ils ? Adultes, enfants, quel était leur âge ? S’agissait-il d’hommes ou de femmes ? À-t-on les éléments scientifiques pour répondre à ces questions ? » Voilà quelques questions que s’est posées Emma et auquel le documentaire «Vivre en Europe avant Néandertal» va répondre. À ce jour, 152 restes humains ont déjà été découverts à Tautavel, précise la paléoanthropologue Amélie Vialet.
Des restes repartis sur 16 niveaux archéologiques différents. Ce qui fait du site de fouilles de Tautavel un des plus riches du monde en termes de fossiles humains retrouvés. Mais ces restes humains mis à jours représentent seulement 0,001% de tous les objets découverts sur la caune de l’Arago. «Ces trésors archéologiques vont vraiment nous permettre de donner à penser et à voir quelles étaient les conditions de vie à l’époque.» Amélie Vialet rappelle qu’avec les 152 restes humains, ce sont près de 600.000 objets qui sont catégorisés dans les réserves de Tautavel. Os d’animaux, éclats de silex, tous ces objets permettent de comprendre comment vivaient l’homme de Tautavel et son groupe.
Réalisé dans le cadre de la Science grand format sur France 5, «Vivre en Europe avant Néandertal» va surtout montrer la science en action. Science grand format réunie chaque jeudi entre un et un million et demi de téléspectateurs. «En voyant le documentaire, le public doit comprendre comment les scientifiques sont arrivés à leurs conclusions. On ne donne pas juste la réponse, on montre aussi le processus. C’est très fascinant à réaliser !»
Un documentaire pour montrer la science en action
Ce jeudi après-midi, Emma Baus et son équipe sont affairés autour d’Amélie Vialet. La scientifique est chargée de montrer à la caméra plusieurs dents découvertes. Amélie explique les déductions faites à partir de ces dents fossilisées. «L’ensemble de ces dents nous permet d’attribuer un âge aux individus du groupe. On peut observer la croissance de l’email ou de la racine et préciser l’âge au décès de ces jeunes individus. Parfois, on a aussi des dents d’individus qui ne sont pas décédés dans la grotte ; ils étaient de passage et ont perdu leur dent de lait de façon totalement naturelle. À partir de ces éléments, nous pouvons reconstituer la composition du groupe. Des adultes, et de jeunes individus entre 6 et 12 ans étaient présents dans ce groupe familial.»
Même si les indices ne permettent pas d’avérer que le groupe est constitué d’une famille, une chose est certaine, on est loin de l’image du chasseur solitaire. Pour illustrer la diversité des restes dentaires découverts à la caune de l’Arago, Amélie saisie une dent de lait dont la racine est encore présente et la montre à la caméra. «La présence de cette racine montre que l’enfant d’environ 7 ans ne l’a pas perdue naturellement.» En clair, au moment de sa mort, il avait encore cette dent de lait. Afin de montrer la différence, la paléoanthropologue glisse dans sa main une molaire de lait d’un enfant d’environ 10 ans tombée naturellement, celle-ci n’a plus de racine et seule la couronne persiste.
Les effets spéciaux pour montrer les silhouettes de l’homme de Tautavel dans son environnement
Au-delà de l’action des scientifiques, le film documentaire, dont le script est déjà totalement écrit, prévoit l’incrustation d’images d’animation. «Nous voulons montrer les silhouettes des femmes, des enfants et des hommes de Tautavel en incrustation sur les décors réels. Un peu comme des spectres lumineux. Comme si c’était des fantômes venus du fond des âges pour nous éclairer sur ce qu’ils ont vécu sur la même terre que nous. Cela nous permet de nous concentre sur leurs mouvements, leurs déplacements, leur mode de vie. On est plus sur la poésie de l’évocation que sur l’hyperréalisme.» Pour l’animation, Emma a choisi de travailler avec Eric Serre qui a notamment réalisé les effets spéciaux du documentaire «Il était une fois la forêt».
Un budget encore à finaliser
Selon Emma, les documentaires de ce type nécessitent un budget entre 400.000 et un million d’euros. Pour le moment, le budget de «Vivre en Europe avant Néandertal» n’est pas encore complément bouclé. Après l’accord du diffuseur, France Télévisions, commencent les recherches de subventions auprès des institutions ou de partenariats. Autant de démarches qui détermineront le nombre de jours de tournages, mais aussi le budget alloué aux animations.