Article mis à jour le 9 septembre 2024 à 14:57
Lundi 22 janvier 2024, jour de rentrée pour les magistrats au tribunal judiciaire de Perpignan. L’occasion pour les robes noires de dresser le bilan de l’année écoulée. Retour sur les points forts de l’audience solennelle.
Les moyens humains sont au cœur des préoccupations de la juridiction. Les conditions d’exercice des magistrats sont difficiles, notamment en raison du manque d’effectif. Un cri d’alarme qui s’intensifie en ce début d’année, pour le service des affaires familiales, qui commence 2024 dans l’incertitude la plus totale. L’insuffisance inquiétante des services de greffes a engendré la suppression de plusieurs audiences au premier trimestre. Une situation qui pourrait affecter durablement le fonctionnement du service civil, selon Pierre Viard, président du tribunal de Perpignan.
Le Tribunal judiciaire de Perpignan en sous-effectif
Malgré le lancement d’une campagne de recrutement de grande ampleur, les candidats au poste de greffier se font rares. On estime à 25 % le taux d’absentéisme dans la profession. « Entre les pertes sèches des effectifs de greffe et les postes qui ne sont pas pourvus, nous n’avons pas les effectifs suffisants en permanence », se désole le procureur de la République, Jean-David Cavaillé. « C’est aussi le reflet de la situation dans la fonction publique. D’une manière générale, nous voyons des tensions similaires à l’hôpital. » Conséquences, certains dossiers prennent du retard et des audiences sont même annulées et reportées.
« Mes collègues juges et moi-même souhaiterions tous pouvoir accélérer le traitement des dossiers, mais dans ce contexte et avec un absentéisme dans les services de greffe, on ne peut que rester dans l’ordre du souhait. » En effet, il y a une chance sur deux pour que le dossier jugé soit renvoyé à un délai ultérieur.
Pourtant, le tribunal de Perpignan n’a pas été oublié dans le cadre du renforcement annoncé des effectifs de magistrats. Le corps judiciaire est passé de 36 à 38 magistrats, avec la création de deux nouveaux postes spécialisés. L’affectation d’un nouveau juge d’instruction porte désormais l’effectif du service départemental à cinq cabinets*. Laurence Grau, juge des enfants, permet de porter à quatre cabinets le pôle enfance. Le tribunal a également augmenté le nombre d’assistants des magistrats au siège.
Le procureur insiste sur la hausse de la cocaïne dans les Pyrénées-Orientales
Autre cheval de bataille de la juridiction, le traitement de la délinquance. « L’année 2023 est contrastée et atypique, entre une augmentation de 10% de la délinquance en zone gendarmerie et phénomène exceptionnel, une diminution en zone police », annonce Pierre Viard. Le procureur explique cette baisse par les renforts de gendarmerie en ville. Une baisse qu’il faut relier à une légère diminution de la délinquance estivale. En zone police, le tribunal note une forte diminution de la délinquance. Elle concerne tant les atteintes aux biens (-15 %), que les atteintes à la personne, avec des phénomènes qui disparaissent comme les vols avec violence. Le départ des renforts « mobile » va t’il changer la donne ?
Selon le procureur, la lutte contre le trafic de stupéfiants s’intensifie avec la multiplication d’opérations contre le deal de rue, le démantèlement des points de revente et le contrôle aux frontières. « Les délinquants sont ingénieux et nous ne cessons de les voir multiplier les modes d’acheminement, y compris par voie postale et maritime », assure le président du tribunal. En 2023, on constate une légère baisse des saisies de cannabis. Autour de 15 tonnes, contre 15 à 18 les années précédentes. En revanche, les saisies de cocaïne ont atteint des seuils records, de 15 kilos par an, en moyenne jusque-là, en 2023, les services ont saisi près de 400 kilos.
La surpopulation carcérale au coeur de la politique pénale
La situation du centre pénitentiaire de Perpignan demeure au cœur de l’action du parquet. Celui-ci a mis en place une politique de régulation carcérale. Concrètement, le parquet est encouragé à ne plus mettre en exécution les courtes peines d’emprisonnement inférieures à six mois, au profit d’aménagement de peine.
L’assignation à résidence sous bracelet électronique peut par exemple permettre l’incarcération des auteurs d’infractions plus lourdes. « Si nous ne faisons pas de cette régulation un principe, nous n’aurons pas une maison d’arrêt aux normes humaines », explique Jean-David Cavaillé, qui a fait le choix en 2021 de ressaisir les juges d’application des peines pour trouver des alternatives à la détention.
Le nouveau tribunal agrandi et rénové attendu pour 2030
Si l’inauguration du bâtiment provisoire réjouit, c’est surtout parce qu’elle marque une nouvelle étape dans le processus d’amélioration des conditions de la justice dans le département. Pour le président du tribunal, l’ouverture du site de l’Abbé Pierre est porteuse de grands espoirs. Le concours d’architecte du Palais Arago est enfin lancé et le résultat est attendu pour le printemps prochain.
Le bâtiment inauguré en cette fin novembre s’articule autour d’une grande salle d’audience qui accueillera les premiers procès d’assises dès le 15 janvier 2024. Autour de la salle d’audience, la salle des pas perdus, un vrai bureau d’aides aux victimes, plusieurs boxes dédiés aux échanges entre avocats et leurs clients et cinq cellules équipées, dont deux collectives.
*Un cabinet est composé d’un binôme composé d’un ou d’une juge accompagnée d’un ou d’une greffière.
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