Article mis à jour le 3 août 2023 à 15:50
Ce lundi 27 février s’ouvrait la deuxième session d’assises du tribunal de Perpignan. Jusqu’au 13 mars, cinq affaires défileront à la barre. Pour juger ces accusés, trois juges professionnels mais aussi plusieurs jurés citoyens. En ce dernier lundi de février, dans la salle d’audience du tribunal de Perpignan, ils étaient 26 jurés sur les 35 tirés au sort sur les listes électorales. Photo ci-dessus : mise en scène théâtralisée d’un procès lors des Nocturnes du Palais en 2021 © Maïté Torres / MiP.
Le procès de cet homme de 47 ans jugé pour meurtre à l’encontre de sa compagne décédée en janvier 2020 est prévu sur trois jours ; l’avocat général demande que deux jurés supplémentaires soient tirés au sort. Et la Présidente du tribunal de débuter le tirage au sort des huit jurés, dont six titulaires. Dans une urne noire, la Présidente glisse les jetons marqués du nom et du numéro du juré et clame à haute voix leur identité. Dans le silence de la salle, le bruit que font les jetons dans l’urne résonne. C’est à ce moment-là que chacune des parties peut récuser un ou plusieurs jurés sans énoncer aucune motivation.
Ce lundi après-midi, l’avocate de l’accusé dans le box récuse le juré numéro 30. Sans autre formalité, la Présidente extrait un nouveau jeton de l’urne noire, ce sera le juré numéro 19.
Cinq femmes et 3 hommes rejoignent leur place aux côtés des magistrats professionnels. Ils font face à la salle et ont chacun une feuille blanche et un stylo posé devant eux. Alors que la Présidente commence la lecture des faits, ils sont encouragés à prendre des notes. Certains le feront, alors que d’autres semblent n’écouter les récits que d’une oreille.
Être juré, un coup du sort et une responsabilité marquante
Chaque personne âgée de plus de 23 ans, inscrite sur les listes électorales peut un jour être appelée à siéger en tant que jurés d’assises. Au moment de la convocation par courrier, la loi prévoit plusieurs motifs pour s’exempter de cette obligation. Sauf motif légitime, l’absence à cette convocation expose à une amende de 3.750€. Cependant, les jurés perçoivent une indemnité en fonction de leur situation.
Selon les professionnels du droit et les divers témoignages recueillis, le rôle de juré ne laisse pas indifférent. Ces personnes non professionnelles du droit, de ses us et coutumes, sont plongées dans un environnement où la vie des protagonistes des procès est disséquée.
Rappel des faits, récit de la vie de la victime, de l’accusé. Enfance, relation à ses parents, aux frères et sœurs, au travail, en amour, tout est passé au crible. La moindre des déclarations et faits est soumise aux contradictions des témoins ou des experts.
Autant de paroles que le juré doit suivre, comprendre, écouter attentivement pour forger son intime conviction qui lui permettra, en son âme et conscience, de juger l’accusé au terme du procès. Une responsabilité parfois difficile à porter et qui marque certains jurés. Pour les besoins d’un documentaire de France 3, certains jurés ont livré leur témoignage. «On arrive dans cette salle, très solennelle, on se sent très petits, comme des enfants, avec la peur d’être jugés nous-même.» (…) «J’ai été très secoué par ce procès, j’ai mis trois à quatre mois à m’en remettre physiquement et psychologiquement.»
La justice française va-t-elle vers la fin du jury populaire ?
Expérimentées depuis 2019, et généralisées depuis janvier 2023, les Cours criminelles de justice dérogent au principe du jury populaire. En effet, le jury est composé uniquement de magistrats professionnels. Cette nouvelle juridiction est appelée à juger les crimes punis de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, essentiellement des crimes sexuels, non commis en état de récidive. Une juridiction qui vise à désengorger les cours d’assises et permettre à la Justice de gagner en efficacité.
La mission parlementaire menée en 2020 par les députés Stéphane Mazars et Antoine Savignat rappelle aussi que ces cours criminelles répondent à certaines difficultés liées «à la désignation des jurés, chronophage tant pour les greffes que pour les magistrats qui doivent les former et faire œuvre de pédagogie tout au long de l’audience.» Le rapport de la mission flash revient sur les réticences et l’attachement au principe du jury populaire en matière criminelle ; «qui incarne la justice rendue au nom du peuple français et participe à la relation de confiance qui unit les citoyens et la justice dans notre pays.»
Le rapport parlementaire mené à l’issue des premières expérimentations précise : «Certes, il existe un gain financier : pour deux jours d’audience, deux magistrats (à titre temporaire ou honoraires) sont indemnisés à hauteur de 430 euros contre 2.430 euros pour 6 jurés et 2 suppléants. En contrepartie, il faut mobiliser cinq magistrats dont au moins trois en activité, ce qui peut, dans des juridictions de petite taille, empêcher la tenue d’autres audiences en même temps et génère donc incontestablement un retard dans le travail des deux assesseurs en activité.»
- À Perpignan, l’appel à ces familles gitanes qui fuient les bancs de l’école - 22 novembre 2024
- Quel point commun entre une brebis et une chauve-souris ? La forteresse de Salses ! - 20 novembre 2024
- Film sur l’Homme de Tautavel : Quel jour et sur quelle chaîne sera diffusé le documentaire ? - 19 novembre 2024