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Nocturne du Palais – Ouvrir les portes du tribunal de Perpignan par la « Justice-Fiction »

Nocturne du Palais Tribunal de Grande Instance Perpignan Justice

Article mis à jour le 9 octobre 2023 à 17:44

Avec la Nocturne du Palais, la volonté de rapprochement entre la justice et les citoyens est clairement affichée. Le président du tribunal de Perpignan, Pierre Viard*, a souhaité que chacun puisse toucher du doigt la réalité de la justice. Il a donc accueilli vendredi dernier des comédiens pour une audience théâtralisée. À la barre de ce procès fictif, Christian Leveque, 32 ans technicien chez Darty, accusé de « violences habituelles à l’encontre de sa concubine ». Assise sur le banc des parties civiles, Sandra Bélassi, victime de violences de la part de son ancien compagnon.

Dans la salle, près de 200 personnes particulièrement attentives à ce procès plus vrai que nature. Après la représentation, le Président du tribunal et le Procureur se sont pliés au jeu des questions réponses avec le public. Une première pour « La nocturne du Palais » qui, compte tenu du succès, devrait se pérenniser. Morceaux choisis de la tragédie jouée vendredi soir.

♦ Le prologue de la Nocturne du Palais

Le 21 décembre 2018, la gendarmerie est appelée à intervenir à votre domicile pour un différend familial suite à un appel de Madame Bélassi. À leur arrivée, les gendarmes sont accueillis par vous-même, votre compagne est aussi présente, ainsi que votre enfant commun Kevin, né en 2017. Une discussion a débuté entre vous au sujet du traitement que vous avez décidé de suivre depuis quelques jours pour arrêter votre consommation de cannabis.

La discussion s’est envenimée et vous l’auriez insultée et giflée. Ayant subi des violences similaires pour lesquelles elle avait déjà déposé des mains courantes à la gendarmerie, et une plainte quelques jours auparavant, Madame Bélassi a décidé de quitter l’appartement pour se réfugier chez la voisine. Vous êtes venu la chercher en lui ordonnant de préparer le repas pour Kevin. Mais dès qu’elle est rentrée, vous l’avez de nouveau insultée, puis vous l’auriez poussée dans le dos la faisant tomber dans le parc de l’enfant. Vous l’auriez alors sommée de prendre ses affaires et de quitter l’appartement.

♦ Coups, insultes, la descente aux enfers de Sandra

Christian a toujours été violent envers moi et surtout depuis que nous nous sommes installés ensemble à Canet, en mars 2017. Ce n’était peut-être pas tous les soirs, mais plusieurs fois par semaine. À chaque fois, c’était à la maison. S’il avait passé une mauvaise journée ou s’il était énervé, j’y passais automatiquement. J’avais droit à des gifles, il me poussait, et je me retrouvais parfois par terre. Des coups-de-poing, il me tirait aussi les cheveux. Il m’insultait, tout type d’insultes, c’était l’enfer.

Le 16 décembre, ça a été très violent. On s’était disputé pour rien, enfin rien d’important, des histoires de papiers. Mais comme d’habitude, Christian s’est emporté, et il m’a donné un coup-de-poing dans la mâchoire en me cassant une dent. Il a continué à me frapper au visage, sur les bras. Je pleurais, je saignais de la bouche, et lui n’arrêtait pas de répéter que je l’avais bien mérité. Alors, je suis allée porter plainte le lendemain. J’avais pris la décision de le quitter, mais comme il ne voulait pas en entendre parler, je suis restée. Je voulais qu’on voit un médiateur familial, mais c’était compliqué. Quand j’ai vu que ça recommençait le 20 décembre, là, j’ai vraiment appelé la gendarmerie.

♦ La version de Christian : « J’ai dégoupillé »

Très vite, j’ai vu qu’il y avait un problème avec Sandra, on n’arrivait pas à se parler. Je pensais qu’avec le temps, on arriverait à régler le problème, mais ça ne faisait qu’empirer. Et avec le temps, j’ai fini par dégoupiller… On n’arrivait pas à parler. Elle était complétement fermée, le temps a fait son travail et on en est arrivés à se battre. On se poussait, il y a eu des gifles, je l’ai tirée par les cheveux. Je reconnais que j’ai été violent avec ma femme, mais JAMAIS je ne lui ai donné des coups-de-poing, ça, c’est pas vrai. La tirer par les cheveux oui, la pousser, les gifles oui. D’ailleurs, quand on se battait, je recevais aussi des coups de sa part. Mais jamais ne lui ai donné de coups-de-poing, je vous le jure sur la tête de Kevin !

Sandra s’insurge : C’était des gifles, des coups-de-poing, je suis formelle. Arrête de mentir, Christian, tu sais bien que je dis la vérité, je t’ai pardonné plein de fois.

Christian commence à prendre conscience en direct de ses actes. Je n’ai jamais été violent avec une femme auparavant, ne serait ce que verbalement. Mais la situation a dégénéré, ça me rendait malade, parce que je voyais que j’étais en train de devenir un salaud. J’ai honte, et je comprends qu’elle veuille partir.

♦ Gifles ou coups-de-poing ? Un enjeu pour l’audience 

La Présidente présente le certificat médical. « Il établit une incapacité totale de travail de 2 jours avec un constat d’hématomes sur la palmette gauche et le bras droit, des pertes de cheveux par poignées, et la premier molaire inférieure gauche cassée ».

Pour l’avocat de Sandra, Maître Hopol, Monsieur Leveque tente par ses propos de minimiser ses actes. Il rappelle que les faits sont là, il frappe sa femme, il frappe au quotidien la mère de son enfant. Il a frappé et insulté régulièrement une femme qui aspirait à un peu de considération, de tranquillité. Un enchaînement de violences vécues pendant près de 5 ans. Une relation qui a tourné au cauchemar.

Pour l’avocat de la défense, Maître Nome, son client ne conteste nullement les faits. L’avocate revient néanmoins sur les coups-de-poing. « Quand il nous assure, qu’il n’a pas porté de coups-de-poing, mais uniquement des gifles, certes violentes, j’aurai tendance à le croire étant donné qu’il ne conteste aucunement les autres faits reprochés ».

Questionné sur ce point à la fin de la pièce de théâtre, le Procureur de la république, Jean-Jacques Fagni, nous confiait que la gradation des violences et leurs récurrences étaient prises en compte. Tout comme la capacité de l’accusé à retenir ses impulsions.

♦ Quelle peine à l’issue de ce procès fictif et pourtant si réaliste ?

Le procureur avait pourtant mis en avant le caractère intraitable de son parquet face à ces violences si difficiles à mettre en lumière. Car elles se passent majoritairement dans le secret des alcôves, et le plus souvent sans aucun témoin.

Un réquisitoire qui se veut ferme compte tenu du caractère inacceptable des actes commis. Le procureur d’un soir veut que l’accusé prenne conscience de ses responsabilités. Et qu’il ne fasse pas reposer sur la victime ses propres actes. Il revient sur le casier de l’accusé, condamné pour des faits de violence sur un ancien collège en 2006.

Le procureur demande au tribunal de déclarer, Monsieur Leveque, coupable des faits qui lui sont reprochés. Il requiert une peine d’emprisonnement de 6 mois, dont 4 mois en sursis. En clair, il demande que Christian soit condamné à 2 mois de prison ferme. Le tout assorti d’une mise à l’épreuve pendant 2 ans avec obligation de soins, d’indemnisation et d’interdiction d’entrer en contact avec la victime.

Pour l’avocate, cette présentation est caricaturale. Cette dernière explique l’électrochoc qu’a eu la procédure sur son client, sollicitant que la justice fasse confiance à Monsieur Leveque pour qu’il puisse prendre un nouveau départ. L’avocate plaidant pour un sursis complet avec une mise à l’épreuve de 18 mois.

Le verdict tombe après une interruption de séance pour délibération : « Coupable de l’intégralité des faits reprochés, Monsieur Leveque vous êtes condamné à la peine de 6 mois d’emprisonnement assorti en totalité d’un sursis avec mise à l’épreuve pendant 2 années ».

Christian comprend qu’il ne va pas en prison. On peut lire le soulagement dans son regard avant de rajouter : « Je regrette sincèrement ce que j’ai fait, Sandra, je te demande pardon ».

♦ Nocturne du Palais – Ouvrir les portes du tribunal de Perpignan

Avec la Nocturne du Palais, Pierre Viard, le président du tribunal a souhaité ouvrir les portes du tribunal. Afin notamment que les gens puissent toucher du doigt la réalité de la justice. Après la représentation du procès, le Président, le Procureur et le vice-président du tribunal ont répondu aux interrogations de la salle. Dans celle-ci, des étudiants en droit, d’anciennes victimes qui questionnaient sur leur propre cas, ou encore des citoyens intéressés par la manière dont la justice est concrètement rendue en France.

Le Conseil Départemental d’Accès au Droit permet entre autres aux personnes d’être mieux informées, d’être mieux orientées, d’être assistées dès que surgissent des difficultés juridiques et de bénéficier de la possibilité de résoudre à l’amiable les conflits. L’aide à l’accès au droit contribue à réduire les tensions sociales et les risques d’exclusion.

La CDAD des Pyrénées-Orientales de citer Lord Gordon Hewart, homme politique anglais. : « La justice ne doit pas seulement être rendue, il faut aussi la voir être rendue ». Le CDAD se félicitait du succès de la première nocturne du Palais. Un événement qui malgré les deux sessions prévues n’a pu accueillir toutes les personnes désireuses d’assister à cette audience particulière.

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*Pierre Viard, lire ou relire notre portrait du président du Tribunal de Perpignan.

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