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Visa pour l’image : « Daesh est en train de revenir », alerte Carolyn Van Houten, de retour de Somalie

Revenue d’un reportage en Somalie, la photojournaliste américaine Carolyn Van Houten témoigne de la résurgence de l’État islamique dans le pays. À travers ses entretiens avec d’anciens combattants de Daesh, son immersion sur les lignes de front et son quotidien sous la menace permanente des drones, elle alerte sur une guerre ignorée, dont les conséquences dépassent pourtant largement les frontières africaines.

C’est l’histoire d’une toute petite armée contrainte de faire face à trois ennemis en même temps. D’un côté, Al-Shabaab, groupe affilié à al-Qaïda ; de l’autre sur les côtes, les Houthis ; et enfin le dernier, un géant aux ramifications planétaires : Daesh. Loin d’avoir disparu, le groupe terroriste s’est en réalité déplacé et mène une guerre en Somalie.

« Quand le califat de l’État islamique (EI) est tombé, il s’est en quelque sorte reconstitué là-bas », explique Carolyn Van Houten, photographe pour le Washington Post, présente à Perpignan où son travail est exposé à Visa pour l’image. « La Somalie est devenue le nouveau centre financier de l’État islamique, ils ont énormément d’argent, notamment grâce aux cryptomonnaies. Nous avons ainsi découvert (avec sa collègue Katharine Houreld, NDLR) que des financements provenant de l’État islamique en Somalie avaient alimenté directement la prise de Kaboul par les Talibans en Afghanistan. On voit donc que cet argent sert à financer de grosses attaques. Et c’est pour cela qu’il est très important de porter attention à la Somalie ! ». 

L’alerte exprimée aujourd’hui par Carolyn Van Houten est le résultat d’un reportage mené dans le pays en janvier 2025 aux côtés des forces du Puntland, une région isolée et semi-autonome. Sur place, les deux journalistes ont pu entrer dans les prisons qui hébergent nombre d’anciens combattants de l’EI. « C’était très particulier, beaucoup d’entre eux n’étaient pas somaliens mais venaient de l’extérieur. Ils parlaient arabe, espagnol, français… Bien sûr, c’était très inconfortable d’être seules dans une prison avec des hommes. Mais je n’ai jamais senti que leur intérêt immédiat était de me faire du mal. Leur intérêt était plutôt de parler pour que leur histoire soit racontée. Tant que c’était dans leur intérêt, je pouvais travailler. Mais ça aurait pu basculer à tout moment ». 

Nez à nez avec Daesh et ses moyens colossaux

Plus tard, les deux femmes embarquent à bord d’un convoi en direction de la ligne de front. Un voyage à haut-risque. 

« Sur la route, il fallait traverser des zones truffées d’IED (engins explosifs improvisés, NDLR). Or presque tous les démineurs du Puntland avaient été tués : il n’en restait que trois. Pour limiter le risque, nous roulions à 150 km/h dans le désert. Comme ça, si la voiture passait sur un IED, on espérait que la vitesse suffise à nous sauver. Heureusement, nous n’en avons pas croisé. Enfin, nous sommes arrivés dans les montagnes où des grottes venaient d’être reprises à l’État islamique. Depuis l’une d’elles, nous pouvions voir la ligne de front, à deux kilomètres à peine ». 

De là, Carolyn Van Houten et Katharine Houreld découvrent les drones sophistiqués et les moyens modernes de pointe dont bénéficie l’EI. « En face, les soldats du Puntland se battent avec des armes vieilles de plusieurs décennies. Le déséquilibre est effrayant. Il est urgent d’en prendre conscience. Car en protégeant leur territoire, ces hommes protègent aussi toute l’Afrique et, indirectement, la sécurité mondiale ». Combien de temps tiendront-ils ? 

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