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Visa pour l’Image et la guerre en Ukraine l Clara mène l’interview pour la Rédac’ Junior

KYIV, UKRAINE - 25 février 2022 : Guerre de la Russie contre l'Ukraine. Un bâtiment résidentiel endommagé par un avion ennemi dans la capitale ukrainienne Kiev.

Article mis à jour le 30 décembre 2022 à 08:42

Cette semaine, Clara Malavergne s’est prêtée à l’exercice de l’interview. En marge du festival international de Visa pour l’Image, elle a questionné Maxime Escriba, enseignant d’histoire et géopolitique au lycée Déodat de Séverac de Céret. Au programme ? Guerre en Ukraine et conflits expliqués en images.

Parmi les expositions de Visa pour l’Image lesquelles vous ont marqué et pourquoi ?

« Il est toujours difficile, lorsqu’il s’agit de photojournalisme, de dire qu’une expo ou qu’une photo plaît. En revanche, plusieurs expositions m’ont impacté. En particulier celles consacrées au conflit ukrainien. Le travail de Evgeniy Maloletka sur Marioupol bombardée est très riche ;

mais j’ai particulièrement apprécié la série d’Elena Chernyshova, « Derrière le rideau de l’opération Z ». Il me semble qu’elle a su, par ses clichés, révéler la diversité des réactions suscitées en Russie par le conflit armé. Étudier « l’arrière » de la guerre permet de pénétrer toute la complexité de la logique des affrontements ».

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L’Ukraine et la Russie, deux visions d’un même conflit

Visa pour l’Image a aussi voulu montrer le conflit dans l’objectif d’une photographe russe. « Un autre œil rare et essentiel : celui côté russe de la photojournaliste Elena Chernyshova. Magasins de marques occidentales déserts, militarisation de la société, dénonciation encouragée des actes antipatriotiques… Son témoignage photographique tire une partie du rideau noir tombé sur la Russie depuis six mois. Là où il n’est pas question de guerre, mais – d’opération spéciale – ».

L’exposition sobrement intitulée « Marioupol, Ukraine » montre le travail de Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka, journalistes et photographes pour l’agence Associated Press.

Ils sont les deux derniers journalistes travaillant pour un média étranger à avoir quitté la ville de Marioupol, symbole de l’acharnement Russe.

Vous enseignez la géopolitique à des lycéens. Ces expositions, sont-elles assez révélatrices de la violence et de la monstruosité des combats ?

« Oui, plusieurs expositions sont révélatrices des différentes formes de violences générées par les affrontements armés. L’exposition d’Evgeniy Maloletka pourrait très bien servir de support afin d’illustrer ce que le militaire prussien Carl Von Clausewitz qualifiait de « guerre absolue ». On perçoit au travers de la violence de ces photos la pulsion des belligérants, leur volonté d’anéantir l’autre ».

Le décryptage de Clara : Carl Von Clausewitz a permis de comprendre, grâce à sa théorie sur la guerre, la logique des affrontements du XVIIe et XVIII siècle. Pour ce militaire prussien « la guerre est une continuation de la politique par d’autres moyens ».  Selon Carl Von Clausewitz, la guerre absolue implique la destruction totale de l’adversaire.

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Le travail de Berehulak un exemple des conséquences de la « guerre absolue »

Daniel Berehulak est l’un des premiers photojournalistes à avoir pénétré dans la ville de Boutcha après le retrait de l’armée russe. « Début avril 2022, après un mois de combats intenses, les forces ukrainiennes ont réussi à libérer la ville de Boutcha. Daniel Berehulak a passé plusieurs semaines à documenter les crimes de guerre commis dans cette ville où les forces armées russes, confrontées à la résistance farouche des soldats et volontaires ukrainiens, ont eu recours à une campagne de terreur et de représailles, ciblant parfois même des jeunes femmes, qui ont été violées, assassinées, autrement dit exécutées pour le seul crime d’avoir été de fières Ukrainiennes ».

L’avis de Clara : Cette série de photographie illustre parfaitement le choc de la réalité. L’exposition est particulièrement bien construite, elle débute par un état des lieux des dégâts matériels avant de montrer la réalité des pertes humaines. Ces images sont dures, mais pas autant que la réalité. Les morts, les larmes et les sacrifices font partie de la guerre. Une photographie m’a particulièrement marquée ? Celle de cette femme découverte le 8 avril 2022 dans une cave. Elle avait une blessure par balle à la tête et était nue recouverte sommairement d’un manteau de fourrure.

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Marioupol, ville martyre de l’Est ukrainien

Mstyslav Chernov et Evgeniy Maloletka font dans un article en anglais le récit glaçant des 20 jours passés à Marioupol avant leur exfitration.

« Une bombe après l’autre, les Russes ont coupé l’électricité, l’eau, les vivres et, finalement, les tours de téléphonie mobile, de radio et de télévision. Les quelques autres journalistes présents dans la ville ont pu s’échapper avant que les dernières connexions ne disparaissent et qu’un blocus complet ne s’installe. L’absence d’information dans un blocus permet d’atteindre deux objectifs. Le chaos est le premier. Les gens ne savent pas ce qui se passe, et ils paniquent.

Au début, je ne pouvais pas comprendre pourquoi Marioupol s’est effondrée si rapidement. Maintenant je sais que c’était à cause du manque de communication. L’impunité est le deuxième objectif. Sans informations en provenance d’une ville, sans images de bâtiments démolis et d’enfants mourants, les forces russes pouvaient faire ce qu’elles voulaient. Si nous n’étions pas là, il n’y aurait rien ».

CLARA REDAC JUNIOR VISA UKRAINE

Pour des personnes peu informées, ces clichés permettent-ils de comprendre les conflits ?

« L’émergence d’un monde multipolaire au tournant des années 2000 a inévitablement complexifié la logique des affrontements armés. Pour des non initiés, il est souvent difficile de décrypter les conflits. Le travail des photojournalistes peut donc constituer une entrée intéressante pouvant permettre de sensibiliser une génération de l’image qui a été épargnée par le fléau de la guerre, mais qui sent que ce dernier se rapproche désormais ».

Pour mieux comprendre, Clara vous explique

À la fin du XXe siècle le monde est divisé en 2 blocs distincts ; depuis la chute du bloc soviétique, les risques, les enjeux et les acteurs sont multiples. Désormais les guerres ne sont plus seulement entre états, mais comprennent aussi des groupes armés terroristes ou des milices. Les enjeux ne sont seulement de gagner des territoires, mais aussi de répandre leur idéologie et leur vision du monde pour accroître leur puissance.

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Maïté Torres