Article mis à jour le 1 septembre 2022 à 15:07
Jusqu’au 11 septembre, Alexis Rosenfeld, plongeur et photojournaliste de la mer, expose « 1 Ocean » à l’Ancienne Université de Perpignan. Une immersion à travers les mers de la planète en 40 images. Interview et retour sur l’exposition.
Un ruban bleu file sur les cimaises de la salle des actes de l’Ancienne Université. Sur les 40 clichés d’Alexis Rosenfeld, les habitants de la mer – mammifères, coraux, poissons ou invertébrés, la faune et la flore sous-marine – évoluent dans ce bleu profond et intense. Des êtres massifs et fragiles à la fois qui avancent sans se soucier des dangers venus d’une autre espèce, l’Homme.
1 Ocean est un projet porté par l’Unesco qui s’étale de 2021 à 2030. « Nous racontons l’Océan, témoins de ses richesses, des menaces qui pèsent sur lui, mais aussi des solutions que nous pouvons y apporter. Avec ce témoignage, nous voulons apporter un point de vue plus sensible « précise Alexis Rosenfeld. Devant l’image d’un requin-baleine bouche grande ouverte, le photographe nous décrit un « géant débonnaire (…) Un animal très impressionnant par sa taille, et aussi tellement fragile ».
Le requin-baleine est le plus grand poisson du monde, pouvant atteindre 18 mètres de long. Sa gueule peut mesurer jusqu’à 2 mètres et il peut filtrer jusqu’à 2.000 litres d’eau par heure. Son alimentation principalement composée de plancton le rend particulièrement sensible au microplastique qui envahit les océans. « Cet animal est un grand filtreur, je me suis retrouvé devant lui à plusieurs reprises, et je peux vous dire qu’il y a un véritable effet d’aspiration ».
Chaque minute, un camion poubelle de plastique déversé dans la mer
Le plastique, ce dérivé du pétrole omniprésent dans nos vies, est une plaie pour la faune et en général pour le milieu marin. Des microplastiques qui se mêlent au plancton, aux sacs avalés par les tortues ou coincés sur les nageoires des dauphins, le plastique est un cauchemar pour la mer. Selon la Fondation Ellen MacArthur, 8 millions de tonnes de plastique viennent polluer les écosystèmes marins chaque année. C’est l’équivalent d’un camion poubelle déchargé en mer chaque minute.
« Ce dauphin traîne ce sac plastique comme un étendard sur sa nageoire pectorale. Je trouve cette image tellement parlante, si je ne l’avais pas prise moi-même, je pourrai penser que c’est un montage fait pour une campagne de sensibilisation ! Mais non, ce n’est pas un montage ». Au-delà des microplastiques, les sacs plastiques sont souvent confondus avec des méduses et ingérés par les mammifères marins ou les tortues. Parfois, les déchets gênent l’animal dans sa progression ou l’empêchent de remonter à la surface pour respirer.
Surpêche*, tourisme, la mer en danger
Dans le monde, nous pêchons près de 93,4 millions de tonnes de poissons. Près de 90% de nos stocks mondiaux sont pleinement exploités voire surexploités. Et un quart de ces poissons sont immédiatement transformés en farine afin de nourrir d’autres animaux tels que les saumons, porcs ou volailles.
Alexis Rosenfeld nous raconte l’histoire d’une image de son exposition. « Au Sud-ouest, cette baleine à bosse a eu le tort de s’approcher trop près du bord. Malgré l’interdiction de la chasse commerciale en vigueur depuis 1986, ces Malgaches ont saisi l’occasion de nourrir une grande partie des villageois grâce à la viande de cette jeune baleine. C’est ce que j’appelle, une chasse d’opportunité. Alors oui, c’est vrai le droit international interdit la chasse de cette baleine, mais ils n’en ont rien à faire. De plus je pense qu’il y a des choses bien plus pernicieuses et graves comme le plastique ». En clair, selon Alexis Rosenfeld, la chasse ce jour-là ne mettra pas en péril la survie de l’espèce contrairement aux baleiniers japonais.
Le tourisme aquatique non réglementé est aussi un danger pour les espèces maritimes ; et le phénomène s’est accentué depuis l’avènement des réseaux sociaux. « Sur cette photo, on voit un requin-baleine entouré par plusieurs plongeurs équipés de masques et tubas. Ces animaux sont souvent près de la surface, ils sont inoffensifs et sont dérangés par les bateaux et, dans ce cas, par les plongeurs. Les requins-baleines se font entailler la chair par les coques ou les hélices. Et dans ce cas, les hordes de touristes viennent mettre leur GoPro sous le nez de l’animal, pour je ne sais quelle raison. Probablement pour un post sur les réseaux sociaux. Ces comportements ont forcément des conséquences sur le comportement de l’animal, sur sa reproduction, sur son habitat ».
Prochaine escale, la Méditerranée en surchauffe où les gorgones se meurent
Si l’été 2022 est l’un des plus chauds mesurés, en mer aussi, les températures grimpent ; non sans impact sur la biodiversité. Ainsi la Méditerranée est en train de devenir la mer qui se réchauffe le plus vite, mais également la mer la plus salée de notre planète. Conséquences, la forêt de gorgones (ou éventails de mer) au large de Marseille se meurt.
« L’océan est souvent le premier témoin, le premier signal d’alerte des épisodes de réchauffement. Au large de Marseille, on a constaté une forte mortalité des gorgones. La semaine prochaine, nous allons plonger jusqu’à 30 mètres pour voir si ces gorgones ont disparu et documenter l’étendue des dégâts ».
* »Pêches mondiales« , l’exposition de Georges Steinmetz est visible à l’Église des Dominicains.
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