Quitter l’image élitiste et élargir la pensée de ce philosophe juif allemand, voilà le virage que s’efforce de prendre le Prix Walter Benjamin, pour cette journée spéciale le 26 septembre 2025 au musée d’art moderne de Céret. Spécialiste de l’histoire de l’art, Walter Benjamin avait pressenti l’arrivée du fascisme et avait conclu son exil par un passage dans les Pyrénées-Orientales avant de se suicider en 1940 à Portbou, se voyant sans issue. Son regard est plus que jamais actuel.
Madeleine Claus, docteure en philologie allemande et membre du jury du Prix Walter Benjamin, raconte la nécessité de populariser sa vie et son œuvre. L’association a été créée en 2015.
« Walter Benjamin n’était pas du tout un nom qu’on pouvait prononcer ici en y trouvant un écho ».
Malgré la fin tragique locale, l’engouement pour le philosophe reste plutôt international avec des amateurs venant de loin sur ses traces. L’association crée le prix Walter Benjamin qui récompense des ouvrages autour de l’œuvre du philosophe. Mais tout ne se fait pas sans heurts.
L’association cherche à populariser le philosophe au local
En 2020, un scandale éclate quand le maire d’extrême droite Louis Aliot envisage de relancer le centre d’art contemporain Walter Benjamin de Perpignan. Pour Madeline Claus, l’idéologie d’un cadre du Front national, devenu Rassemblement national, et la vision d’un homme qui a fui le régime fasciste ne sont guère compatibles. Les petites-filles du philosophe montent par ailleurs au créneau et demandent le retrait du nom au fronton du bâtiment.
« Tout le monde était choqué. Dans l’association, nous avons essayé de sauver cette histoire. » Finalement, Louis Aliot renonce au nom et l’association est refondée afin de couper tout lien avec la majorité municipale sans pour autant abandonner ses missions.
Le but est de continuer à populariser le travail du philosophe et d’éviter un travail qui ne demeurerait que sous l’angle des universitaires. Pour Madeleine Claus, la résonance avec l’actualité dans un territoire marqué par l’extrême droite est essentielle.
« Walter Benjamin a eu une perception très rapide du danger du fascisme, même avant la prise de pouvoir d’Hitler. Il était un lanceur d’alerte pour le fascisme, et c’est extrêmement actuel. Ce qui est hallucinant, c’est qu’aujourd’hui on est dans une situation qui ressemble tellement à ce qu’on a déjà vécu, avec les mêmes signaux. »
Madeleine Claus oppose la clairvoyance du philosophe à notre difficulté à retenir les leçons de l’histoire.
Quand le regard d’un érudit juif mort en 1940 vient éclairer le futur et l’intelligence artificielle
Mais la clairvoyance de Walter Benjamin est aussi impressionnante dans son travail sur l’art. Son ouvrage « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » trouve des échos fascinants à l’heure de l’intelligence artificielle. C’est aussi lui qui a développé le concept de l’aura en art.
« C’est un concept très compliqué sur lequel on peut toujours passer des heures à discuter. Pour Walter Benjamin, la reproduction participe à une perte de l’aura de l’œuvre. »
Une pensée parfois prise pour une nostalgie face au progrès, alors que les plus connaisseurs du philosophe relèvent au contraire son intérêt pour la technologie. Du progrès, il en pointait seulement certains dangers.
Autant d’angles qui mènent à de fascinants débats. Le vendredi 26 septembre prochain, la quatrième édition des journées Walter Benjamin se tiendra ainsi au musée d’art moderne de Céret. Le thème cette année sera justement « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, cent ans après » avec plusieurs conférences, tables rondes et lectures. On notera par exemple « Walter Benjamin à l’âge du numérique » conférence du philosophe et écrivain Bruno Tackels, ou encore la table ronde « Enjeux pour le futur » en fin de journée.
Un programme qui sort du cercle des connaisseurs
Autant de thèmes qui visent à intéresser un grand public, afin de s’extraire de la seule nébuleuse de spécialistes. Que tous puissent tomber amoureux d’une pensée, d’une réflexion, et de tout ce qu’elle peut enrichir. La journée est dédiée au regretté Joël Mettay, président des Amis du Musée de Céret et décédé en 2024.
Autour de cette date, on peut aussi se rendre le 24 septembre à la dédicace d’un ouvrage de Bruno Tackels à la librairie Oxymore de Port-Vendres ou le 27 septembre à la visite guidée du monument « Passages » au cimetière de Portbou.
L’entrée est libre, dans la limite des places de l’auditorium. Retrouvez le détail du programme sur le site du Prix Walter Benjamin.
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