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Agrivoltaïsme dans les Aspres : Associations et Sun’Agri, dialogue par panneaux interposés

AGRIVOLTAISME FOURQUES CONSULTATION SUN AGRI

Article mis à jour le 12 mars 2024 à 10:25

À Fourques, au cœur des Aspres, c’est sous un crachin salvateur, que plus d’une centaine d’opposants au projet de Sun’Agri avaient rendez-vous. Ce samedi 9 mars, les équipes de Sun’Agri exposaient leur projet au foyer rural, via un parcours de panneaux explicatif. Réunis en un même lieu, porteurs de projets et opposants se sont ignorés mutuellement ; les uns lisant les panneaux des autres et inversement, sans même un semblant d’ouverture de dialogue.

22 panneaux d’information sur le projet de Sun’Agri dans les Aspres

Au foyer rural de Fourques, Cécile Magherini, directrice de Sun’Agri était présente pour répondre aux interrogations des habitants, mais aussi de la presse venue en nombre couvrir la mobilisation des opposants aux ombrières dans les Aspres. Pour Cécile Magherini, l’objectif de Sun’Agri est un projet de sauvegarde de la vigne. «Notre mission est de structurer un vignoble résistant face au changement climatique.»

Pour le collectif Sauvegarde des Aspres, l’objectif derrière ce discours, qui se veut rassurant, est surtout de réaliser un profit financier grâce à la vente de l’énergie solaire. De son côté, Cécile Magherini reste sur sa ligne de défense : «mon sujet, ce n’est pas de faire des panneaux photovoltaïques, mais une vigne qui résiste au changement climatique !»

Selon la responsable, face à l’opposition, Sun’Agri a choisi de «mettre le projet en pause» et de faire acte d’une plus grande pédagogie. «J’ai envie d’expliquer, de tenter d’établir un dialogue. Alors oui, ce n’est pas simple, leur position est aussi le résultat d’un certain nombre de projets alibis* dans les Pyrénées-Orientales.» 

Parmi les panneaux expliquant le projet : situation géographique, explications techniques, réglementaires, effets de l’ombrière sur la vigne, mais aussi plusieurs «éléments en débat» jusqu’au 9 avril. Et c’est bien là que le bât blesse selon Jean-François Serrat, coordinateur du collectif Sauvegarde des Aspres. «Avec Sun’Agri, les citoyens ne sont pas intégrés dans le processus décisionnel. On nous consulte juste pour savoir la taille des arbres qu’on veut ici ou là, mais jamais sur l’opportunité même de faire un projet», s’emporte-t-il.

«À terme, ils vont demander l’irrigation»

À Fourques, où un équipage de gendarmerie avait fait le déplacement pour anticiper tout débordement, la maire de la commune avait ceint son écharpe d’élue. Fabienne Sévilla a le sentiment que «les projets d’agrivoltaïsme se développent trop vite.» L’élue évoque la loi qui régit l’implantation des énergies renouvelables. Or, contrairement aux projets d’éoliens, ou de panneaux photovoltaïques, la pose de panneaux sur les serres ou les terres agricoles ne fait pas partie de cette loi.

«Je pense qu’il faut mettre en place un principe de précaution, car ces projets nous échappent complètement. (…) Moi ce qui me gêne c’est l’alibi de l’agriculture. Mais nous ne sommes pas dupes, en plus des panneaux, à terme, ils vont demander l’irrigation. Et dans les Aspres, il n’y a pas d’eau», conclut la maire.

Les vignes de Sun’Agri seront-elles arrosées ?

Jonas Dubois est l’administrateur du domaine Solaspres. En clair, Jonas est le viticulteur aux commandes du domaine agricole dans les Aspres pour Sun’Agri. Originaire de Fitou, il a commencé à travailler la vigne dès ses 16 ans. Après de longues années d’hésitation, il a choisi de ne pas s’installer en tant que jeune agriculteur compte tenu des investissements nécessaires et des risques financiers liés au statut d’exploitant agricole. Il gère aujourd’hui, pour le compte de Sun’Agri, 80 hectares de terre, dont 70 de vignobles dans les Aspres et le Vallespir.

Selon lui, là où il y aura accès à l’eau, les vignes de Sun Agri, seront bel et bien arrosées. Cécile Magherini confirme que la production de la vigne, depuis le début de cette période de sécheresse, n’est plus assez rentable pour assurer la viabilité agricole.

«On arrive à des conditions climatiques où la plante souffre trop, et les rendements sont trop faibles. Avec 25 hectolitres à l’hectare, ce n’est quasiment plus possible de vivre de la vigne.» Jonas Dubois confirme les propos de la direction de Sun’Agri : «Les dernières années sont trop extrêmes en termes de sécheresse. Le but du goutte-à-goutte est d’amener un petit peu d’eau pour garder une qualité de récolte suffisante. L’objectif n’est pas de produire plus, mais de conserver une qualité au niveau des raisins et surtout de conserver la vigne en vie», confirme l’agriculteur.

Quid du prix de la terre et de l’arrachage des vignes ?

Le collectif pour la Sauvegarde des Aspres a réussi à rassembler plusieurs associations hétéroclites contre les projets défendus par Sun’Agri. Parmi les opposants, pêle-mêle des chasseurs, des membres de la Ligue de Protection des Oiseaux, le collectif Le vent tourne (en guerre contre les éoliennes), la Confédération paysanne, ou encore Frene66. Ces derniers avancent un prix à l’hectare bien au-dessus du marché, ce qui mettrait les vignerons sous pression pour la vente de leur terre.

Cécile Magherini annonce un prix à l’hectare maximum de 15.000 euros pour de l’Aoc côte du Roussillon les Aspres. «Si on avait acheté en dessous du prix du marché, on nous l’aurait reproché, or je pense que le vrai reproche est surtout que nous soyons là. Mais maintenant que nous avons ces terres, le sujet est d’en faire le meilleur projet.»

Quant à l’arrachage des vignes, Jonas Dubois confirme que c’est une option envisagée pour certaines vignes achetées dès 2021. «Nous cultivons des vignes dans les Aspres que nous hésitons à arracher parce qu’elles sont en train de mourir. Actuellement oui, nous travaillons à perte. On se retrouve cet hiver à tailler des bois vraiment minuscules. J’ai très peu d’espoir pour ces vignobles-là. Même si nous allons tenter des modes de cultures qui vont dans un sens de résilience de la sécheresse, mais ça reste un pari à relever.»

Selon lui, après l’implantation de ces panneaux, toutes les vignes seront replantées en 2025. Au-delà de la production d’énergie, c’est surtout l’ombre sur les vignes qui intéresse Jonas. «Ça nous fait des vins moins alcoolisés, plus légers. Avec un raisin préservé de l’impact de la lumière, on a des vins aux profils aromatiques plus intéressants. L’ombrage permet également une régénération des sols qui ont plus de matière organique.» Dès 2027, Sun’Agri envisage la vinification du vin issu des vignes plantées sous les panneaux en 2024.

*Les projets alibis, sont ces panneaux solaires posés à la va-vite sur des terres censées avoir une production agricole, mais qui au final, ne servent que d’alibi pour un projet de production d’électrique, au lieu d’aider à l’adaptation de la plante.

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