Article mis à jour le 31 juillet 2023 à 17:16
Après les fortes chaleurs de cette fin du mois de juin, Juan et Pierre sont inquiets. « Ces derniers jours, nous avons 3 enfants qui ont dû être hospitalisés à cause de la chaleur ». Au-delà de la situation sanitaire et du stationnement, l’alimentation en eau et électricité s’avère fort complexe.
La mairie de Cabestany et la Préfecture renvoient le dossier à la Communauté urbaine de Perpignan. Joint par téléphone, Robert Vila, Président de Perpignan-Méditerranée-Métropole, adresse une fin de non-recevoir. « Beaucoup de choses ont été dites sur le sujet et rien n’a changé depuis que Pierre Parrat avait la compétence ». Concernant la mise en eau et le déplacement vers une aire d’accueil équipée d’eau potable, Robert Vila répond laconique ; « à ce jour, elles sont toutes occupées ».
Un bébé de 2 mois, un enfant de 3 ans et une fillette de 11 ans hospitalisés pour « coup de chaud »
C’est sous un soleil de plomb et à l’abri d’un des seuls arbres de l’aire d’accueil du Pou des Couloubres que Juan, Pierre et plusieurs responsables d’associations attendent les journalistes. La vague de chaleur de cette fin du mois de juin est difficile pour les organismes, et elle peut s’avérer dangereuse sans accès à l’eau. « C’est insupportable, il faut qu’ils nous donnent de l’eau, on en a besoin pour se rafraîchir et pour se laver ! Parmi nous, il y a des enfants, des personnes âgées ».
Malgré une première médiatisation, Pierre, Juan et les 300 ou 400 personnes n’ont toujours pas accès à l’eau. Et l’aire d’accueil est fort peu accueillante. Selon Françoise Marill de l’association Bouge toit, l’accès à l’eau est un droit fondamental. « En prison, même le pire des criminels a accès à l’eau, et heureusement. Ici, cela fait 2 ans qu’on essaye de les aider, mais rien ! Il nous a déjà fallu des mois et des mois pour obtenir le ramassage des ordures ménagères ».
Il s’agit d’une « question d’humanité » insiste Françoise Attiba de la Ligue des droits de l’Homme, les autorités craignent « qu’en mettant l’eau, ils officialisent une situation illégale ! « C’est scandaleux » s’emporte Françoise Marill ; « C’est la communauté urbaine qui les oblige à être dans l’illégalité parce qu’ils ne respectent pas leurs obligations vis-à-vis de la loi Besson et du schéma départemental ! »
« On n’est pas des délinquants. Eux, ils disent qu’on est des délinquants, mais ce n’est pas vrai ! »
Juan, Pierre et leur groupe sont loin d’être des inconnus dans les Pyrénées-Orientales. Ils se décrivent eux-mêmes comme « semi-sédentaires ». « Ça fait des années qu’on est à Perpignan, on était tout le temps sur ce terrain. On avait même donné 250€ de caution par caravane. Et on payait tous les jours pour l’eau, la dalle et l’électricité ». Selon le pasteur, on leur aurait demandé de quitter les lieux pour remettre le terrain aux normes. Mais alors que l’aire était fermée, les lieux auraient été saccagés.
« Les autorités nous disent qu’ils ont relevé les immatriculations de ceux qui ont dégradé l’aire d’accueil, pourquoi ne pas les inculper eux ?. Et d’ailleurs pourquoi ces gens détruiraient leur lieu de vie ? Non, ça ne tient pas debout, ça a été vandalisé pour voler le cuivre. Pourquoi faire une responsabilité de groupe ? Ce n’est pas légal », s’insurge Françoise Matrill. Pierre d’insister, « il ne faut pas faire payer les bons pour les méchants ». Tandis que les autorités accusent le groupe de Juan et Pierre, ces derniers contestent ; « on n’est pas des délinquants. Eux, ils disent qu’on est des délinquants, mais c’est pas vrai ! »
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Plus de 400.000 € pour les travaux d’une aire d’accueil « saccagée »
En mars 2021, l’ancien élu en charge des aires d’accueil auprès de Perpignan-Méditerranée-Métropole avait, lors d’une longue tirade, appelé à voter contre la délibération qui prévoyait la remise en état du terrain. Le plan de financement prévoyait un investissement de 405.870 € pour mises aux normes et en sécurité.
« À la suite de l’occupation illicite, et aux importantes dégradations afférentes, les installations des gens du voyage de Cabestany sont devenues inutilisables ». Alors que les travaux tardaient à venir et que le groupe s’était vu refouler du Parc des Expositions de Perpignan de Canohés, ils sont revenus à leur terrain de prédilection. Depuis, le groupe aidé par les associations n’a de cesse de demander l’accès aux fluides.
Fin de non-recevoir du côté de PMM
La mairie de Cabestany et la Préfecture ont renvoyé vers la Communauté Urbaine compétente en matière d’aire d’accueil. Le Président en charge de la délégation nous confirme que rien n’a bougé depuis que Pierre Parrat s’occupait du dossier. L’ancien adjoint de Jean-Marc Pujol nous confie par téléphone ; « cela fait longtemps que ce dossier n’est pas à l’ordre du jour de PMM ».
Le motif ? « Ces gens paralysent tout ». (..) « Je peux paraître très dur avec les gens du voyage, mais tant qu’ils ne respecteront pas la législation, il ne faut pas les aider ! Je ne dis pas qu’il faut laisser les enfants et les personnes âgées dans la détresse, mais je dis qu’ils n’ont qu’à respecter la législation. Et s’ils ont trop chaud, ils n’ont qu’à aller se mettre à l’ombre (sic) ».
Pierre Parrat de citer un ancien rapport. « Pour construire les aires et remettre en service celles existantes, il fallait compter 6 à 8M€. J’avais conclu qu’il ne fallait pas le faire ! D’abord parce que ces gens-là ne respectent rien. Et aussi parce qu’il y a un phénomène de résidentialisation des gens du voyage d’autrefois. La vocation de l’aire d’accueil n’est pas d’accueillir des groupes qui s’installent et n’en bougent plus ». Pierre Parrat de conclure ; « le schéma directeur ne correspond aux réels besoins de notre département. Et n’est pas adapté aux gens du voyage du département et à la mentalité qu’ils déploient ».
Questionné sur la non-conformité de la communauté urbaine avec la loi Besson II, Pierre Parrat rétorque ;« il est vrai que nous n’avons pas le nombre de places correspondantes tel qu’il a été déterminé dans le schéma directeur ; mais à côté de cela, on s’aperçoit que les aires d’accueil existantes ne sont pas pleines. On constate aussi que dès que l’on fait une nouvelle aire, ils nous la détruisent ! ».
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État des lieux des besoins des gens du voyage dans les Pyrénées-Orientales
Un rapport de 2021 comptabilise pour l’ensemble du département, 40 à 50 passages, auxquels viennent s’ajouter les stationnements préexistants. Cinq groupes, au nord de Perpignan, s’inscrivent dans une logique d’ancrage durable et comptent pour 10 à 20 déplacements. Deux types de groupes circulent : les missions pastorales (groupe de 100 caravanes ou plus) qui représentent 22% des groupes de passage (…) et 56% du total des caravanes. Et des groupes plus petits, moins de 50 caravanes ; mais deux à trois fois plus nombreux à circuler que les premiers. Ils représentent 78% des groupes de passage (mais 44% du total des caravanes).
Selon le nouveau schéma départemental conforme à la loi Besson II et qui s’étale de 2021 à 2026, la situation de ce groupe, pour sortir de l’impasse doit être traitée sous l’égide du Coordonnateur départemental. Problème, à ce jour, il n’y a plus de coordination attachée au schéma départemental. « Le groupe dit des « Lovaras », qui peut compter jusqu’à une cinquantaine de ménages, se trouve quant à lui – en quasi-permanence – en situation d’occupation illicite de terrains.
À la différence des autres groupes ancrés plutôt au nord de l’agglomération, il ne dispose pas de « port d’attache » et navigue dans la zone sud du territoire autour de l’APA de Cabestany qu’il a squattée à plusieurs reprises (en y faisant à chaque fois des dégâts considérables). Ce groupe pose d’une manière plus générale des problèmes incessants d’incivilités et éprouve les plus grandes difficultés à adhérer à une démarche équilibrée de droits et d’obligations.
PMMCU s’est trouvée entravée dans son action du fait de la non-conformité aux prescriptions du schéma de 2014-2020 (prescriptions désormais réinitialisées dans le cadre du SDAHGV 2021-2026). La nouvelle donne permettra à l’ensemble des parties prenantes institutionnelles de faire alliance pour traiter sur le fond la situation de ce groupe spécifique en fédérant leurs interventions sous l’égide du Coordonnateur départemental ».
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