Mercredi 7 août 2024, Jean-Noël Saniol recueillait au sein du refuge « Torreilles Ânes et compagnie » un bouc blessé, errant dans la commune de Pia. Si chaque mois, la structure accueille de nouveaux pensionnaires, cette fois-ci, le sauvetage a viré au cauchemar menant à la mort de l’animal. Focus sur un système de prise en charge à bout de souffle et aux nombreuses failles. Crédit photo Glen Carrie / Unsplash.
Jean-Noël nous décrit une scène d’horreur. Ce jour-là, il reçoit l’appel d’un agent de la police municipale de Pia. Un habitant de la commune aurait récupéré sur la voie publique un petit bouc mordu par un chien. Un sauvetage de plus pour le propriétaire du refuge qui s’occupe de près de 400 poules, chevaux, chèvres, ânes et autres bêtes sauvées de la maltraitance ou de l’élevage intensif. Si l’administré déclare avoir contacté les services municipaux, aucune solution n’aurait été trouvée. « Personne n’en voulait », accuse Jean-Noël qui porte sa structure à bout de bras. Au refuge, les dépenses sont devenues exponentielles, tant le nombre d’animaux abandonnés a augmenté.
« Je l’ai pris dans mes bras, et là, l’horreur… »
« C’est la personne qui a trouvé le petit bouc qui l’a amené jusqu’au refuge », explique Jean-Noël, qui finit par accepter de prendre l’animal en charge. À l’arrière de la camionnette, le bouc se tient debout. « Il ne semble pas si mal en point », se rassure le propriétaire du refuge. Pourtant, Jean-Noël est loin d’imaginer ce qui l’attend. « Je l’ai pris dans mes bras, et là, l’horreur… En deux secondes, j’ai les bras remplis de vers et de mouches. Je m’aperçois que sous le ventre de l’animal, gémissant de douleur, il y a un creux ! » Loin d’être une morsure de chien, Jean-Noël constate que le bouc a reçu une balle. « Il y avait un orifice d’entrée et un orifice de sortie au-dessus de son ventre. »
Le propriétaire du refuge décide de faire appel à un vétérinaire en urgence. Malheureusement, au vu de l’état de putréfaction de la plaie, le professionnel n’arrivera pas à sauver le bouc. « Tout le monde était retourné. Le monsieur qui nous a déposé l’animal était en larmes », soupire Jean-Noël. « Ce n’est pas le premier animal qu’on va sauver à Pia », dénonce-t-il. « Des animaux avec les oreilles tranchées, parce qu’ils portaient des boucles d’identification… C’est de la maltraitance avérée. » Chaque jour, le refuge reçoit des dizaines d’appels concernant des actes de barbarie envers les animaux de ferme. « Il n’y a rien de prévu pour eux ! », s’insurge Jean-Noël.
Actes de maltraitance et abandons des animaux de ferme en hausse ?
Selon Hugo Bidault, référent du campus animaliste, un flou juridique existe concernant ces actes de maltraitance envers les animaux de ferme. « Aujourd’hui, il n’existe que des lois sanitaires les concernant, il n’y a aucune loi pure et dure contre les faits de maltraitance. Il n’existe rien pour protéger les animaux en eux-mêmes. » En effet, ces lois sanitaires visent surtout à nous protéger des maladies transmissibles.
Le référent du campus animaliste nous alerte aussi sur la recrudescence de l’abandon des animaux de ferme. « Il y a de plus en plus de particuliers qui prennent à leur charge des chèvres, des vaches, des poules… sans pouvoir répondre à leurs besoins physiologiques. Dans notre département, des influenceurs prônent le fait de prendre une chèvre ou de mettre des poules dans des poulaillers minuscules. Nous n’avons aucune sensibilisation sur ces animaux », regrette-t-il. « Ils sont considérés comme des animaux d’élevage, donc ils ont des lois se rapportant à l’élevage. »
En seulement un mois, Jean-Noël assure avoir recueilli près de 27 chèvres et moutons. « Récemment, on a encore trouvé des moutons avec de la laine de deux ans sur le dos. Ils meurent sous 38 degrés. Les propriétaires, pour ne pas payer la tonte de leurs bêtes, les abandonnent sur la route », se désole le propriétaire du refuge.
Face à l’errance animale, les collectivités cherchent des solutions
Dans les Pyrénées-Orientales, c’est le groupe SACPA (Société d’assistance pour le contrôle des populations animales) qui est censé prendre en charge tous les animaux errants. Hugo Bidault nous certifie que chaque commune doit avoir une convention avec la fourrière. La SACPA est une entreprise engagée auprès des mairies et des collectivités locales « dans la gestion des problématiques animales. »
Au sujet de la prise en charge des animaux de ferme, des contrats spécifiques peuvent lier la SACPA aux municipalités. Selon le directeur général de la SACPA, « les mairies mettent en place les conventions et les contrats qu’elles souhaitent. Donc si certaines mairies veulent une organisation avec la prise en compte des animaux de rente, elles vont le faire. »
Concernant le petit bouc retrouvé le 7 août, la SACPA affirme n’avoir jamais été sollicitée pour prendre en charge l’animal. Si le responsable nous confirme que la SACPA a bien un contrat avec la ville de Pia, la fourrière n’aurait pas été contactée par les services donneurs d’ordre (la mairie, les pompiers, la gendarmerie ou la police nationale). « Nous n’avons pas le droit d’arriver sur la voie publique pour prendre en charge des animaux, sans que quelqu’un ne le demande ou ne l’y autorise. »
Face à l’errance animale, les collectivités cherchent des solutions et la SACPA semble être une partie de la réponse. Mais derrière la prise en charge, il y a les soins et l’accueil réglementaire de l’animal dans des structures qui ne sont pas toujours dimensionnées ou pensées pour répondre à tous les problèmes qui se présentent. Hugo Bidault affirme que c’est aussi aux collectivités locales qui emploient cette fourrière d’agrandir leurs locaux, de mettre en place quelque chose pour que les professionnels puissent accueillir ces animaux.
Pour la SACPA, il n’existe aucune défaillance du système
« Quotidiennement, nous avons des gens qui dans une démarche citoyenne prennent en charge des animaux et les amènent à la fourrière ou vont les déposer dans des cliniques vétérinaires. Ils considèrent qu’ils font un acte citoyen, ce qui est en partie vrai. Même si c’est une démarche qui peut partir d’un bon sentiment, ils contournent d’une certaine façon les organisations et le travail de la collectivité peut alors être court-circuité », prévient la SACPA. Pour l’entreprise, il n’existe aucune défaillance du système. Le directeur de rappeler : « Si vous trouvez un animal blessé sur la voie publique, il faut contacter la mairie pour signaler l’animal en divagation. »
Contactée par Made in Perpignan, la mairie de Pia n’a pour l’heure pas répondu à nos sollicitations.