Article mis à jour le 2 février 2023 à 07:15
Depuis quelques jours dans les rues du quartier Saint-Jacques à Perpignan, Élodie, du centre social communal El Tingat, va convaincre les femmes de venir à l’atelier théâtre. Un atelier porté par Azyadé Bascunana de la Compagnie La Chouette Blanche. Elles seront trois – Rebecca, Angélina et Chouli – à accepter de sortir pour raconter la femme gitane, son rôle dans la communauté, sa vie. Vendredi 27 janvier, elles étaient sur la scène du Théâtre des Possibles.
Pour Azyadé, l’objectif de cette première rencontre est de créer un lien avec ces femmes, leur permettre de se raconter. Un travail qui, mené depuis 4 ans à Montpellier, a donné naissance à «Pink !». Née à la cité Gély de Montpellier, la pièce relate la rencontre entre trois personnages : une gitane employée de ménage, un comédien aux origines roumaines et une metteuse en scène dépassée par son immersion en quartier populaire. À découvrir ce 3 février à 19h30 au Théâtre des Possibles de Perpignan.
La veille de la représentation, ni Rebecca, ni Angélina ne sont disponibles
Depuis lundi 23 janvier, Azyadé, Marielle, la photographe, et Élodie travaillent avec Rebecca, Angélina et Chouli. Mais ce jeudi, ni Rebecca ni Angélina ne viennent aux répétitions ; elles ont des obligations familiales, un foyer à gérer ou un petit malade. Et il est vrai que le froid est mordant en cette fin du mois de janvier au quartier Saint-Jacques. Pour Azyadé, cela fait aussi partie de la rencontre : «cette façon de ne pas honorer leur engagement vis-à-vis de nous veut dire quelque chose de leur façon d’être libres». Finalement, le jour J, celui de monter sur la scène du théâtre, toutes trois sont venues se raconter, évoquer leur vie, leur famille, leurs souvenirs et leur quartier.
Azyadé amène Chouli à parler de son passé, de la rencontre avec Cowboy, celui qui deviendra le père de ses enfants. Assise, Chouli se souvient, parfois en gitan, parfois en français, de sa rencontre avec cet homme qui pour la séduire décida de plonger dans la Têt du haut du Pont Arago. C’est Élodie, la Perpignanaise, qui joue les interprètes ; elle dit aussi son admiration pour celle qu’elle considère comme «un modèle», une «patriarche du quartier». Chouli est un peu comme sa grand-mère. «Quand je vais à la place du Puig, tout le monde m’aide ou m’appelle Tia» confie Chouli. Élodie de répondre, «c’est normal tu es un emblème, tu es le musée de Saint-Jacques.»
Le travail d’Azyadé consiste aussi à diriger l’improvisation : ici pas de texte à apprendre, mais un travail sur la mémoire ou un récit du quotidien. Comme quand Chouli décrit son désarroi quand la facture d’électricité grimpe de 700€. «On m’a pris 700€ de lumière et je ne sais pas pourquoi, je suis toute seule ! M’en fet de tot*. On m’a pris beaucoup d’argent ! Et je comprends pas ce que c’est.»
Une rencontre bouleversante pour Azyadé
Sur ses réseaux sociaux, la metteuse en scène dévoilait ses sentiments. «C’est du cœur de St Jacques à Perpignan, que nous revenons après cette résidence, fascinées et bouleversées par ces rencontres dans ce quartier ! Tellement atypique ! Cette aventure partagée avec Marielle Rossignol autour du théâtre et de la photographie. Ici on est ailleurs.
Ici la misère à ciel ouvert laisse parfois sans voix et rappelle des ruelles de Palerme ! Ici on a ri et pleuré avec ces femmes gitanes tellement attachantes et touchantes qui nous ont accueillies et ouvert leur cœur, confiées ces histoires qu’elles ont partagées sur la scène du théâtre des Possibles. Avec Chouli la patriarche, Rebecca, Angélina, Rachel, la Grâce ! Et l’ange gardien Élodie !»
Pink au Théâtre des Possibles ce 3 février à 19h30
«Une jeune femme gitane est devant vous, et c’est vous qui êtes chez elle, dans ce théâtre où elle fait quotidiennement le ménage, une ancienne chapelle campée au cœur d’une cité, qui contient autant de souvenirs, que d’histoire(s), autant de mémoire de fêtes, que de déception. Les mots qui résonnent sur la scène sont les siens. Ils portent avec force et détermination sa vision du monde et son désir d’ailleurs. Ici, le théâtre, plus que jamais, devient le lieu de la métaphore où l’on peut échapper à sa vie, sortir de ce qu’on croit connaître des autres, réapprendre à écouter, à regarder et à se nommer.»
*M’en fet de tot : On m’a fait de tout.
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