Article mis à jour le 17 septembre 2022 à 10:08
Traditionnellement le mois d’avril est celui où le gouverneur de la Banque de France (BdF), indépendant du pouvoir, envoie une lettre au Président de la République. En 2019, François Villeroy de Galhau revient sur les 20 ans de l’Euro et les acquis de la monnaie unique. Il en appelle les pays de la zone Euro à un renforcement de la monnaie, et au chef de l’Etat à « une stabilisation …des dépenses publiques » pour réduire la dette.
Une dette française qui en 20 ans a été multipliée par 5 pour atteindre 98,4% de la richesse produite. Quand, sur la même période, l’Allemagne, l’Autriche ou les Pays-Bas ont réussi à améliorer leurs finances publiques. La directrice départementale de la Banque de France des Pyrénées-Orientales, Aurore Markiewicz est en charge de présenter cette synthèse des acquis et défis de l’Euro aux acteurs locaux.
♦ « Si on n’utilise pas la richesse produite à bon escient, on va vers de graves problèmes et notamment en France »
Comme le confiait Aurore Markiewicz, le gouverneur de la BdF a rappelé qu’en matière de réforme de structure et de maîtrise de la dette, « l’attentisme n’était pas bon ». Un discours tenu par la banque centrale française depuis de nombreuses années. Or, en 2019, le ton se fait plus pressant. Le gouverneur de déclarer : « L’Euro n’a en rien supprimé la nécessité de réformes nationales ambitieuses ». Des changements en profondeur qui ont déjà été mis en œuvre de manière contrainte dans certains pays touchés par la crise, n’ont pas été menés en France. François Villeroy de Galhau de prendre pour exemple « l’Espagne et le Portugal, qui croissent à nouveau plus vite que la moyenne, confirment que les réformes sont la première clé de la convergence. Elles sont compatibles avec notre modèle social européen ».
Aurore Markiewicz de citer quelques exemples de réformes qui devraient être mises en œuvre telles la réduction du mille-feuille administratif, la réforme de l’éducation ou de la formation professionnelle… « Mais il est évident qu’il y a des résistances » confie la responsable départementale de la BdF. « On a un bel outil qui nous a permis une belle croissance, un certain confort, mais il ne faut pas se reposer sur nos acquis. C’est vraiment le message qui a été passé à Monsieur Macron le 2 avril ».
Malgré des décisions d’investissements et des prévisions de croissance très positives, il est nécessaire de décider de réformes ambitieuses. Pour « ne pas gâcher cette richesse produite par la France, il faut l’utiliser à bon escient. Si ce n’est pas le cas, on va vers de graves problèmes et notamment en France ». En cas de hausse des taux d’intérêt décidée par la Banque centrale européenne (BCE), et sans réformes de structure prévient Aurore Markiewicz « notre dette va continuer à croître. On va se retrouver à financer un coût de la dette plus élevé et on ne sortira pas du marasme du chômage. On va créer des mouvements sociaux, sans système de formation correct… »
♦ Promesses de l’Euro – Stabilité des prix et stabilité des changes
Selon le gouverneur de la Banque de France, « en France avant l’Euro, les prix doublaient en 14 ans. Depuis l’Euro, l’inflation a été beaucoup plus faible, et il faudrait désormais attendre 50 ans pour voir les prix doubler ».
Souvent accusé d’avoir favorisé la hausse des prix, le gouverneur tient à tordre le cou à cette théorie. Le rapport prend l’exemple du prix de la baguette de pain. En 2001, date de mise en service de l’Euro, le prix moyen pour une baguette de 250 grammes était de 4,32 Francs soit 0,66 cts d’Euros. En 2019, il vous en coûtera 0,97 cents en moyenne, soit une hausse de 46% sur une période de 18 ans. Entre 1983 et 2001, l’augmentation était de 158% !
Le gain de pouvoir d’achat est également parfois mesuré par rapport au temps nécessaire pour gagner l’argent pour acquérir un bien. Pour reprendre l’exemple de la baguette, le temps de travail pour acheter une baguette a diminué de 9%.
La seconde promesse de la monnaie unique commune à 19 pays membres de l’Europe était la stabilité des changes. Avant l’Euro, un pays pouvait opter pour la dévaluation de sa monnaie afin de gagner en compétitivité par rapport à ses voisins. Une politique monétaire de court terme qui contribuait à la hausse des prix, pénalisant par la même les épargnants. L’introduction de l’Euro a fait disparaître la volatilité monétaire. Et alors que l’Euro valait en 1999, année de sa création, 1,07$, il faut aujourd’hui 1,15$ pour obtenir 1€.
♦ L’Euro plébiscité par les Européens et les Français
Selon la Commission européenne, le soutien à la monnaie unique a crû considérablement entre 1999 et aujourd’hui, passant de 68% des Français favorables à l’Euro à 72% aujourd’hui. Plus sceptiques, les Allemands ne croyaient en l’Euro qu’à 57% en 1999. À l’automne 2018, ils sont 81% à y être favorables.
Certains discours politiques ambigus vis-à-vis d’une éventuelle sortie de l’Euro parfois entendus lors de l’élection présidentielle française ne font plus recette en 2019 qu’auprès des partis les plus eurosceptiques.
♦ Le gouverneur de la BdF plaide pour un renforcement de l’Euro sans attendre la prochaine crise économique
Celui qui est aussi membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, prône des réformes structurelles sur les pays membres de la zone. Il préconise pour « mieux répartir la prospérité » de « poursuivre les réformes nationales, et utiliser les marges budgétaires dans les pays où elles existent, pour renforcer la croissance ».
En clair, François Villeroy de Galhau encourage à une plus grande union économique en mettant en place un mécanisme qui pourrait, grâce à l’épargne excédentaire des Européens, venir contribuer à des investissements notamment dans la digitalisation, le développement des PME ou la transition écologique.
♦ « Un marché unique bancaire» pour contrer la crise des dettes souveraines
À un mois des élections européennes où les candidats eurosceptiques toujours plus nombreux prennent le dessus sur les europhiles, le discours de plus d’Europe peut étonner. Toutefois, le gouverneur de la BdF va dans le sens d’une union bancaire sur le modèle des établissements bancaires Nord-Américain. Modèle où les « les cinq premières banques commerciales représentent désormais plus de 40% de l’activité, et sont inter-États ». « La zone Euro n’a pas achevé l’Union bancaire initiée après la crise, et devrait avoir plus de banques « paneuropéennes » transfrontières ».