Le Parc Naturel Régional des Corbières-Fenouillèdes a organisé en décembre trois conférences centrées sur la gestion de l’eau qui ont rassemblé près de 200 participants. Ces soirées, animées par des experts et enrichies par des échanges avec le public, ont permis de dresser un état des lieux des ressources hydriques dans un contexte marqué par des sécheresses récurrentes et une pression croissante sur les écosystèmes.
Les données scientifiques présentées lors des conférences mettent en lumière une réalité alarmante. Entre 1959 et 2009, la température moyenne annuelle a augmenté de 1,86°C dans l’Aude et de 1,8°C dans les Pyrénées-Orientales. Cette hausse impacte directement les ressources en eau, notamment par une évapotranspiration accrue qui réduit significativement l’humidité des sols. S’il est difficile de dégager des tendances pour les précipitations, depuis 2020, les deux départements subissent une période de précipitations exceptionnellement basses.
Un éclairage scientifique sur les enjeux locaux
Les interventions des experts ont permis de mieux comprendre les défis posés par le changement climatique. Yves Tramblay, hydrologue à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), a expliqué que si les précipitations ne diminuent pas de manière significative, leur répartition et leur intensité évoluent. Selon l’hydrologue, en Méditerranée, les précipitations deviennent moins fréquentes, mais plus intenses, ce qui pose des problèmes pour leur stockage et leur gestion.
David Labat, professeur en hydrogéologie à l’Université Toulouse III, a quant à lui souligné l’impossibilité technique de stocker l’eau issue des crues extrêmes. Par ailleurs, dans des zones karstiques, l’eau s’infiltre rapidement, rendant les barrages inefficaces. Les retenues collinaires peuvent être une solution localisée, mais elles nécessitent des substrats imperméables que l’on ne trouve pas partout.
De son côté, David Dorchies, ingénieur à l’INRAE, a présenté des modèles prévisionnels combinant données hydrologiques et climatiques. Ces outils permettent de mieux anticiper les besoins en eau des différents secteurs, notamment agricoles.
Débats et propositions concrètes avec le public
Les échanges entre les participants et les intervenants ont enrichi les soirées. Une question récurrente portait sur l’évapotranspiration et son contrôle potentiel. « La température, le vent, les radiations solaires et l’humidité de l’air sont des facteurs qui impactent ce phénomène naturel. En Méditerranée, les températures sont le facteur principal. L’évapotranspiration est difficile à réduire », a précisé Yves Tramblay. Avant d’ajouter que les projections vont, d’ici quelques décennies, vers une végétation de type steppe Méditerranéenne (végétation basse, sans arbres).
La problématique de la récupération d’eau de pluie a également suscité de vifs débats. Interrogé sur la faisabilité de retenir les eaux de crues pour pallier les périodes de sécheresse, David Labat a insisté sur les limites techniques de telles infrastructures : « c’est utopique de penser que l’on peut garder l’eau des crues extrêmes ! Il est illusoire de penser qu’on peut garder l’eau des crues importantes : elles ont une chance sur deux de détruire les ouvrages. »
Enfin, les activités de l’homme et la gestion durable de l’eau ont été largement discutées, et un mot souvent prononcé : le karst. « Il faut garder l’eau sur le territoire en passant d’une ère de drainage à une ère de réhydratation. Peut-on utiliser un karst pour stocker l’eau en hiver et la déstocker en été ? Des études sont en cours, des tests seront à faire, avec aussi des questions d’usage et de gouvernance si la faisabilité est avérée. Le meilleur stockage est le stockage naturel par les aquifères situés sur le territoire » a conclu Hélène Mathieu Subias du SMMAR.
En réunissant des experts, des élus et des citoyens, ce cycle de conférences a permis de poser les bases d’une réflexion collective. Les discussions ont révélé l’importance des approches intégrées, combinant hydrologie, préservation des écosystèmes et adaptation agricole. La publication prochaine d’un livret synthétique et la mise en ligne des vidéos des conférences prolongeront ces échanges afin d’encourager une mobilisation plus large autour de ces enjeux.
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